Question de : M. Jean-Philippe Nilor
Martinique (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Philippe Nilor attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les carences en matière de réglementation visant à protéger les mineurs contre la pornographie et la cybercriminalité, ainsi que l'absence de mesures préventives visant à endiguer la propagation de la pédopornographie sur internet, notamment dans les outre-mer. Préoccupée par cette question, l'association de fonctionnaires de police « GPX outre-mer » a notamment tiré la sonnette d'alarme. En effet, à mesure que la fracture numérique se réduit dans les outre-mer, et particulièrement avec la popularisation des téléphones intelligents dans ces territoires, les vidéos et photos à caractère pornographique mettant en scène des mineurs sont largement diffusées via des applications mobiles de messagerie multiplateforme permettant d'échanger des messages, des photos, des bandes sonores et des vidéos. Ces images, le plus souvent réalisées en privé, à l'insu des jeunes ciblés, voire sous la contrainte sont diffusées à grande échelle et sans le consentement des victimes. Dans ces territoires insulaires, elles donnent cours à des dérives telle que la cyber-intimidation qui peut se solder par le suicide de la victime quand son honneur et sa dignité sont touchés. Ainsi, des jeunes voient leurs vies gâchées, tandis que les prédateurs demeurent dans l'impunité la plus totale. Il apparaît donc clairement que les dispositions actuelles sont obsolètes compte tenu des évolutions technologiques et numériques qui permettent aux contrevenants d'échapper à d'éventuelles sanctions, du fait du manque de moyens dont disposent les juridictions compétentes, ainsi que des problèmes de traçabilité des échanges et de qualification des cyber-crimes eux-mêmes. Il lui demande quelles mesures elle entend déployer afin de faire évoluer les dispositions relatives à la corruption d'un mineur, à la pornographie mettant en scène un mineur, à la fabrication, au transfert et à la diffusion de message à caractère violent ou pornographique, au recel d'images de pornographie enfantine, dans la perspective de mieux protéger les mineurs contre la pédopornographie et la cybercriminalité.

Réponse publiée le 4 avril 2017

La lutte contre la pédopornographie est historiquement un domaine précurseur de la lutte contre la cybercriminalité dans son ensemble. L'arsenal législatif est particulièrement dense en la matière, et la spécificité de l'utilisation de réseaux de communications électroniques dans les infractions de pédopornographie est parfaitement intégrée. Tout d'abord, la corruption de mineur de 15 ans commise par l'utilisation d'un réseau de communications électroniques est punie de 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amendes (Art 227-22 CP). Ensuite, les propositions à caractère sexuel faites à un mineur de 15 ans en utilisant un moyen de communications électroniques sont punies quant à elle d'une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, et de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si les propositions sont suivies d'une rencontre physique (Art 227-22-1 CP). D'autre part, le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque l'image ou la représentation concerne un mineur de 15 ans, ces faits sont punis même s'ils n'ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation. De même, le fait d'offrir, de rendre disponible, ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines. Or, ces peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende s'il a été utilisé un réseau de communication électronique, à destination d'un public non déterminé. Pour limiter le public des sites pédopornographiques, leur consultation habituelle est également punie de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. De façon générale, l'on peut relever que la diffusion sur Internet d'un message à caractère pornographique susceptible d'être vu par un mineur est punie de 3 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros (Art 227-24 CP). Enfin, la récente loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a créé une nouvelle infraction à l'article 226-2-1 CP, permettant de condamner la diffusion non autorisée de prise d'image à caractère sexuel, même si la victime était consentante lors de la prise d'image (2 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende). Cette disposition peut être utile dans les cas dits de « revenge porn » entre jeunes majeurs, ou de mineurs entre 15 et 18 ans. Concernant les moyens d'enquêtes pour lutter contre les infractions de pédopornographie, il convient de citer la possibilité d'user des enquêtes sous pseudonymes (Art 706-47-3 CPP) dont le régime permet les actions suivantes : participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites. Des services spécialisés dans la lutte contre la pédopornographie sont particulièrement expérimentés (OCLCTIC, C3N, BPM…) et les partenariats avec EUROPOL et INTERPOL sont également fréquents. Un dernier exemple sera évoqué de lutte innovante contre la pédopornographie sur Internet, relevé dans le rapport d'activité 2015 du parquet général de Fort de France, celui d'une coopération avec la National Crime Agency de Londres, et de l'utilisation d'un logiciel américain « Child Protection System » (CPS) réunissant les bases de données de 49 pays et permettant des recherches géographiques ciblées dans les réseaux P2P (Peer To Peer).

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Nilor

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 20 octobre 2015
Réponse publiée le 4 avril 2017

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