14ème législature

Question N° 90375
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > mineurs

Analyse > perspectives.

Question publiée au JO le : 20/10/2015 page : 7850
Réponse publiée au JO le : 18/10/2016 page : 8715
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les dysfonctionnements de la justice des mineurs causés par l'entêtement dogmatique des tenants de la « réponse éducative ». La justice des mineurs est aujourd'hui malade de son idéologie : le laxisme, qui conduit les enfants, toujours plus jeunes, coupable d'infractions, de délits ou de crimes à être considérés comme des victimes de la société. Cette inversion est insupportable. Alors qu'il faudrait plus de rapidité et de fermeté dans la sanction, ainsi que le développement d'une aide juridique et psychologique aux mineurs vraiment victimes, les juges pour enfants se trouvent en situation de sous-effectifs, ce qui a pour effet l'extrême lenteur des procédures qui conduit à laisser prospérer la délinquance. Symbolisé par la virtualité des peines, le cœur du problème de la justice des mineurs en France réside dans cette culture de l'excuse, véhiculée par « l'école de la défense sociale » qui, en posant le délinquant en victime et en cherchant à tout prix à faire prévaloir la réponse éducative sur la réponse pénale en donnant « du temps au temps », empêche toute efficacité. Le cas des multirécidivistes violents signe le constat d'échec de la justice des mineurs. Autre exemple de l'absurdité du système actuel : les délinquants peuvent bénéficier d'un avocat, d'une aide éducative et psychologique, toutes choses qui sont refusées aux victimes. En Californie, une autre logique préside et un autre système existe: les mineurs sont systématiquement jugés en 15 jours, ce qui a force d'exemple. Les centres éducatifs fermés institués en 2002 sont une bonne chose car ils constituent une alternative à la prison et peuvent représenter une opportunité d'extraction d'un contexte social ou familial difficile mais ils ne sont pas assez nombreux. La limite de détention fixée à un an est également problématique. La responsabilisation des parents, en supprimant par exemple les allocations familiales, mesure qui existait jusqu'en 2013, serait également une piste à explorer. Alors qu'il faudrait que les sanctions soient rapides et réelles pour qu'elles soient responsabilisantes, le Gouvernement socialiste a quant à lui choisi de s'enfoncer dans son aveuglement idéologique en se prononçant pour la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Il lui demande si de réelles mesures vont être prises afin d'agir dans le sens de l'efficacité de la justice des mineurs de façon à ce que les vrais coupables soient justement et rapidement punis et que les véritables victimes n'aient plus à subir une double peine causée par la faiblesse du système judiciaire, résultat de l'inconséquence de l'idéologie qu'elle incarne.

Texte de la réponse

Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, rappelle que ni la spécialisation des règles procédurales concernant le traitement des mineurs poursuivis ni la primauté de la réponse éducative ne relèvent d'une idéologie politique. En effet, la première s'inscrit dans les standards européens et internationaux tandis que la seconde constitue une déclinaison du principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la recherche du relèvement éducatif et moral doit présider à la décision de justice prise à l'encontre d'un mineur. La France ne constitue pas le seul Etat à adopter ces principes. Et les Etats-Unis, depuis 2001, ont progressivement fait évoluer leur approche. Ainsi, 27 Etats ont limité l'incarcération des mineurs, prescrit des mesures alternatives ou rehaussé l'âge de la majorité pénale. Le nombre de mineurs en détention y a baissé de 41% entre 1997 et 2010. Quant à la proposition de suppression des allocations familiales versées aux parents d'enfants coupables d'infractions, elle tend, de fait, à punir toute une famille en la privant d'aides sociales ; en cela, elle contrevient, dans son esprit, au principe posé à l'article 121-1 du code pénal selon lequel : « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». Au surplus, les prestations familiales ne sont pas versées en prenant en considération un seul enfant mais l'ensemble de la fratrie. Dès lors, retirer les aides sociales se ferait au détriment des autres enfants dont le comportement ne pose pas difficulté. L'ensemble des mineurs de la fratrie serait alors en danger de précarisation matérielle. Enfin, les victimes dont la prise en compte a été renforcée par la loi du 15 aout 2014 qui promeut notamment les mesures de justice restauratrive et crée au sein des juridictions un bureau d'aide aux victimes, bénéficient de la possibilité d'être assistées d'un avocat si elles le souhaitent.