14ème législature

Question N° 903
de M. Damien Abad (Union pour un Mouvement Populaire - Ain )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > énergie nucléaire

Analyse > centrales nucléaires. sécurité. perspectives.

Question publiée au JO le : 03/02/2015 page : 624
Réponse publiée au JO le : 11/02/2015 page : 1293

Texte de la question

M. Damien Abad attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la sécurité aux abords des centrales nucléaires. En effet des événements récents (intrusion sur site, survol...) ont montré la vulnérabilité de nos centrales. Les centrales sont devenues des cibles envisageables, en particulier depuis les évènements de janvier 2015. Depuis quelques semaines, la majorité des centrales nucléaires françaises ont été survolées par des drones. Il paraît donc nécessaire de renforcer la sécurité. Pour l'instant l'espace aérien des centrales nucléaires est déjà réglementé : le survol (dans un périmètre de 5 kilomètres et en dessous de 1 000 mètres d'altitude) est strictement interdit. De plus, en cas de suspicion de tentative d'attentat contre une centrale nucléaire par avion de tourisme, ULM ou drone, des radars de l'armée de l'Air sont déployés afin d'assurer la protection de ces lieux. Or une étude soulevée récemment devant le Congrès des États-Unis démontrerait que les perturbations créées par un parc éolien situé à proximité d'une centrale atténueraient sensiblement, voire totalement, la possibilité de détection d'avions dans le périmètre au-delà de l'interdiction déjà existante d'implanter dans un périmètre de 20 km autour de la centrale. Aussi, il lui demande de bien vouloir préciser les dispositions qu'elle compte prendre pour renforcer la sécurité aux abords des centrales nucléaires (en particulier vis-à-vis des drones) et de préciser si elle entend interdire l'implantation de parc éolien dans un périmètre plus large que celui aujourd'hui prévu par la loi.

Texte de la réponse

SÉCURITÉ AUX ABORDS DES CENTRALES NUCLÉAIRES


M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour exposer sa question, n°  903, relative à la sécurité aux abords des centrales nucléaires.

M. Damien Abad. Madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et porte sur la sécurité aux abords des centrales nucléaires, notamment de la centrale du Bugey, dont on attend toujours le changement de dénomination en centrale de Saint-Vulbas. Nous avions d'ailleurs alerté tous les parlementaires de l'Ain sur ce sujet pour protéger notre appellation d'origine contrôlée des vins du Bugey. Nous comptons sur la réponse de Mme la ministre à ce sujet.

J'aimerais revenir sur la proposition de loi de mon collègue Claude de Ganay, présentée jeudi dernier en séance et visant à créer un délit d'intrusion sur un site nucléaire. Nous ne pouvons que nous féliciter de son adoption. Il reste toutefois des dispositions à prendre concernant la sécurité des centrales.

Entre le 19 octobre et le 6 novembre derniers, les équipes de surveillance de la centrale de Saint-Vulbas, donc, ont détecté à quatre reprises la présence illégale d'un aéronef assimilable à un drone sur le périmètre aérien de la centrale. Ce cas n'est pas le seul à avoir été signalé, puisque des drones d'origine inconnue survolent depuis plusieurs mois nos centrales. Des événements récents ont d'ailleurs montré que des attentats inenvisageables il y a peu étaient possibles, les centrales nucléaires constituant un objectif ciblé.

Pour l'instant, des radars ont été installés afin de réduire ce type d'incidents. En outre, l'espace aérien des centrales est déjà réglementé : le survol dans un périmètre de 5 kilomètres et en dessous de 1 000 mètres d'altitude est strictement interdit. Une étude démontrerait cependant que les perturbations créées par un parc éolien atténueraient sensiblement, voire totalement la possibilité de détection d'avions dans un périmètre pouvant aller jusqu'à 20 kilomètres autour de la centrale. La présence d'un site éolien à proximité fournirait aux potentiels agresseurs un couloir de pénétration vers leur cible, dans lequel ils seraient assurés de ne pas être détectés.

La population de mon département est sensible à ce risque potentiel. Dans ma circonscription, le village d'Innimond a d'ailleurs répondu non, dimanche dernier, à l'issue d'un référendum municipal, à l'implantation d'éoliennes à moins de 10 kilomètres à vol d'oiseau de la centrale nucléaire de Saint-Vulbas.

J'aimerais donc savoir si vous entendez interdire l'implantation de parcs éoliens dans un périmètre plus large que celui de 5 kilomètres aujourd'hui prévu par la loi, afin de garantir la sécurité de nos sites nucléaires et d'apaiser ainsi les inquiétudes légitimes de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député, vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ne pouvant être présente, elle m'a chargée de vous répondre.

La protection de l'espace aérien national est assurée par le ministère de la défense, avec des dispositions qu'il n'est pas pertinent de détailler en public. Au-delà des dispositions génériques, la protection aérienne des installations nucléaires, comme d'autres installations à enjeux stratégiques, est renforcée par l'établissement de zones d'interdiction de survol.

Les survols récents de plusieurs installations nucléaires par des drones contreviennent clairement à cette réglementation et leurs auteurs – que l'État poursuivra – risquent pour ces faits un an de prison et 75 000 euros d'amende.

Pour autant, ces survols n'ont pas constitué une menace réelle pour les installations nucléaires. En effet, celles-ci sont conçues, à la fois pour des raisons de sûreté et de sécurité, pour résister à des agressions largement supérieures à celles qui peuvent être envisagées avec un drone civil actuel, dont la capacité d'emport reste limitée.

Les technologies liées à ce type de matériel évoluant rapidement, il est cependant important d'anticiper l'apparition possible d'appareils plus performants. C'est la raison pour laquelle l'Agence nationale de la recherche a lancé, pour le compte du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, un appel à projets destiné à faire émerger des démonstrateurs dans le domaine de la détection ou de la neutralisation des drones aériens.

De plus, en novembre 2014, dans le cadre des conclusions de l'audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les drones et la sécurité des installations nucléaires, son président, votre collègue Jean-Yves Le Déaut, a précisé que des « modifications législatives » pouvaient être envisagées « sur les drones, sur les intrusions dans certains périmètres, sur la formation des pilotes » et « sur une meilleure coopération entre sécurité et sûreté ».

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement et le Parlement ont pris la pleine mesure du sujet de la sécurité des centrales nucléaires, lequel sera d'ailleurs examiné cette semaine par votre assemblée dans le cadre d'une proposition de loi.

Concernant les perturbations éventuelles que pourrait créer un parc éolien situé à proximité d'un centre d'exploitation nucléaire, sachez, monsieur le député, que la procédure d'instruction des dossiers éoliens prévoit la consultation du ministère de la défense. En effet, lorsque les intérêts portés par ce ministère risquent d'être compromis par un projet, le ministère de la défense le signale systématiquement au service instructeur, qui en tire les conséquences nécessaires.

De nombreux projets ont été modifiés ou abandonnés en application de cette méthode d'instruction, qui a fait ses preuves et qui rend l'alourdissement de la réglementation en vigueur injustifié.

Monsieur le député, j'espère que ces éléments vous rassurent et répondent à vos interrogations concernant la sécurité aux abords de nos centrales nucléaires.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la secrétaire d’État. Je note en effet que le ministère de la défense peut être consulté lorsque les intérêts qu'il représente sont susceptibles d'être mis en cause. Je souhaite que cette consultation soit rendue systématique, car si l'on ne modifie pas les dispositions réglementaires en élargissant le périmètre d'interdiction de survol, en particulier lorsque des parcs éoliens sont situés à proximité des centrales, une telle procédure risque de ne pas être appliquée.

Je demanderai donc au préfet d'instruire le ministère de la défense de la construction éventuelle d'un parc éolien aux abords du village d'Innimond, afin de savoir si, concrètement, ce projet ne risque pas de compromettre la sécurité des citoyens habitant à côté, compte tenu de la proximité de la centrale nucléaire de Saint-Vulbas.