Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les pratiques d'égorgement à vif d'animaux qui ont cours dans certains abattoirs français. Dans l'Union européenne, la législation exige que les animaux soient étourdis dans les abattoirs qui pratiquent la méthode traditionnelle, afin que, l'animal, inconscient, ne souffre pas. Néanmoins, une dérogation existe pour les abattages rituels, où des bovins, ovins et caprins sont abattus par égorgement sans étourdissement préalable. Cette dérogation subsiste alors même que l'Assemblée nationale a reconnu en octobre 2014 que l'animal était un « être vivant doué de sensibilité » et qu'il ne devait plus être considéré comme un « bien meuble » par le code civil. Par ailleurs, le code rural et de la pêche maritime veille lui-même à « éviter [à l'animal] des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d'élevage, de parcage, de transport et d'abattage ». Sans tomber dans le piège de la polémique sur le halal tendu par les représentants de l'extrême droite, on peut légitimement s'interroger sur le bien-fondé du maintien de cette dérogation si elle se fait au détriment du bien-être animal. Pour éviter tout risque de souffrance pour l'animal, la Fédération des vétérinaires européens propose ainsi d'assommer l'animal après sa saignée, ce qui ne rentre pas en conflit avec la religion et évite que l'animal souffre de manière prolongée. Alors même que la Pologne, la Belgique et le Danemark ont interdit l'abattage sans étourdissement, et que les Pays-Bas ont mis en place un système d'assommage obligatoire après la saignée, il est inacceptable que la France reste l'un des derniers pays où l'abattage par égorgement à vif sans étourdissement soit autorisé, dans quelque cas que ce soit. Il est de notre devoir de mettre fin aux pratiques qui nient la sensibilité animale, comme l'élevage intensif, mais également comme les modes d'abattages rituels qui ont cours dans certains abattoirs. À la lumière de ces éléments, il l'alerte sur la nécessité de mettre fin à ces pratiques violentes qui sont très vraisemblablement sources de souffrance pour les animaux au cours de leurs derniers instants.

Réponse publiée le 5 janvier 2016

Le code rural et de la pêche maritime (article R. 214-70) prévoit comme le droit européen (règlement no 1099 du Conseil du 24 septembre 2009), une dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux destinés à la consommation humaine lorsque celui-ci n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice du culte. La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs considéré, dans un arrêt du 27 juin 2000 (affaire Cha’are Shalom Ve Tsedek c/France), que cette dérogation constituait un « engagement positif de l’État visant à assurer le respect effectif de la liberté d’exercice des cultes ». Plus récemment, la requête émanant de l’oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, enregistrée le 27 juillet 2012 et visant à annuler la dérogation précitée, a été rejetée, le 12 juin 2013. Le Conseil d’État considère que la possibilité de déroger à l’obligation d’étourdissement pour la pratique de l’abattage rituel ne porte pas atteinte au principe de laïcité. La dérogation à l’étourdissement fait l’objet d’un encadrement spécifique en droit français. Le décret 2011-2006 fixant les conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux publié au Journal officiel le 29 décembre 2011 et son arrêté d’application soumettent cette dérogation à un régime d’autorisation préalable. Celle-ci ne peut être accordée qu’à un abattoir qui justifie de la présence d’un matériel adapté et d’un personnel dûment formé. L’abattage sans étourdissement ne peut être réalisé qu’après immobilisation de l’animal et en respectant l’ensemble des mesures prévues par la réglementation en matière de protection animale et de sécurité sanitaire des aliments. En outre, depuis l’entrée en application au 1er juillet 2012, du décret et de son arrêté d’application, les exploitants tiennent à jour un système d’enregistrement permettant de vérifier que l’usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales ou à des ventes qui le nécessitent. Ces enregistrements sont mis disposition des services vétérinaires en abattoir, permettant ainsi à ceux-ci de vérifier la bonne tenue de ces registres et la concordance entre des lots effectivement abattus sans étourdissement et l’existence de commandes ou de ventes effectivement réalisées. Un plan d’action du ministère chargé de l’agriculture spécifique aux abattoirs est par ailleurs en cours de finalisation et porte à la fois sur la responsabilité de l’exploitant et sur l’optimisation des contrôles. Un volet propre au respect des règles de bien-être animal y sera développé afin de rappeler les responsabilités respectives, de continuer à faire évoluer les pratiques et de renforcer les contrôles officiels. Ces mesures spécifiques s’inscriront dans le cadre plus global des travaux afférents à la feuille de route en faveur du bien-être animal pour la période 2015 à 2020. Élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs, professionnels et associatifs de la protection animale, cette feuille de route a pour ambition de replacer le bien-être animal au coeur d’une activité agricole durable.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agroalimentaire

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 10 novembre 2015
Réponse publiée le 5 janvier 2016

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