14ème législature

Question N° 91211
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > commerce extérieur

Tête d'analyse > importations

Analyse > origine des produits. Israël. information des consommateurs.

Question publiée au JO le : 24/11/2015 page : 8435
Réponse publiée au JO le : 17/05/2016 page : 4277
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 26/04/2016

Texte de la question

M. Hervé Féron attire une nouvelle fois l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessaire abrogation de la circulaire dite Alliot-Marie du 12 février 2010. Cette réglementation édictée par l'ancienne garde des sceaux s'appuie sur la loi du 29 juillet 1981 relative à la liberté de la presse, la détournant de son objectif initial, pour demander aux parquets de poursuivre en justice les personnes appelant au boycott des produits israéliens en provenance des territoires occupés. La France reste l'un des rares pays du monde, et la seule démocratie, où le boycott des produits israéliens est illégal, et ce depuis cette circulaire du 12 février 2010. À deux reprises, M. le député a sollicité Mme la garde des sceaux afin de lui demander l'abrogation de la circulaire et la possibilité de dépénaliser les appels au boycott (dans la question écrite n° 45171 en décembre 2013, puis dans la question n° 60249 en juillet 2014). Dans la réponse qui lui est parvenue le 25 novembre 2014, Mme la ministre indiquait que la question de la dépénalisation était toujours à l'ordre du jour, des débats et réunions de travail ayant été programmés sur le sujet. Néanmoins, plus d'un an après, nous attendons toujours les résultats de ces échanges ayant réuni des intellectuels, des associations et des parlementaires. Entre-temps, des avancées ont été observées au niveau européen, puisque la Commission européenne a décidé le 11 novembre 2015 d'imposer l'étiquetage des produits israéliens fabriqués dans les territoires palestiniens occupés. Concrètement, cela signifie que les produits des colonies israéliennes ne seront plus étiquetés comme fabriqués en Israël, la provenance précise devra être indiquée sur l'étiquette des produits. Ainsi, les 28 États-membres de l'Union européenne devront différencier les produits issus d'Israël et ceux des colonies de Cisjordanie, de Jérusalem est et du Golan. Pour la Commission européenne, il s'agit de fournir une indication d'origine et d'appliquer par conséquent la législation européenne. Par ailleurs, il est à noter que l'avocat de l'organisation BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) en France a décidé au début du mois de novembre de porter devant la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg la question de l'illégalité du boycott. À la lumière de ces éléments, il attire une nouvelle fois son attention sur la nécessité d'abroger la circulaire dite Alliot-Marie. La position de la France rentrerait ainsi en cohérence avec celle de l'ensemble des pays démocratiques.

Texte de la réponse

Les opérations appelant au boycott de produits israéliens sont susceptibles de caractériser le délit de provocation publique à la discrimination à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une nation, prévu et réprimé par l'article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881. Si cette qualification pénale n'interdit pas la libre critique de la politique d'un État ou l'expression publique d'un choix personnel, elle prohibe en revanche les messages et comportements appelant à la discrimination d'une ou plusieurs personnes uniquement au regard de leur nationalité, notamment, comme le prévoit l'article 225-2 du code pénal, lorsque la discrimination consiste à entraver l'exercice d'une activité économique. Au regard de la multiplicité des faits en divers points du territoire national, il est apparu nécessaire d'assurer une réponse cohérente de la part du ministère public. Deux dépêches ont été adressées le 12 février 2010 et le 15 mai 2012 aux parquets généraux afin de rappeler les difficultés procédurales liées à l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et, plus précisément s'agissant de la mise en œuvre de son article 24 alinéa 8. La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises, notamment dans ses arrêts du 28 septembre 2004 et du 22 mai 2012, des décisions de cours d'appels qui, pour condamner des prévenus poursuivis pour des faits de boycott de produits israéliens, avaient considéré que les articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 renvoyaient aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal et incriminaient notamment le fait de provoquer par des discours ou par des écrits à la discrimination portant entrave d'une activité économique. La cour de cassation a récemment réaffirmé cette position dans un arrêt du 20 octobre 2015, et précisé que l'exercice de la liberté d'expression pouvait être soumis à des restrictions ou sanctions qui constituent, comme en l'espèce, des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l'ordre et à la protection des droits d'autrui. Il appartient au procureur de la République d'apprécier les éléments constitutifs de l'infraction dans son contexte particulier et de choisir la réponse pénale la plus adaptée, conformément à la circulaire de politique pénale générale du 19 septembre 2012.