14ème législature

Question N° 91448
de Mme Edith Gueugneau (Socialiste, républicain et citoyen - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > procédures

Analyse > Cour pénale internationale. compétence territoriale. réglementation.

Question publiée au JO le : 01/12/2015 page : 9508
Réponse publiée au JO le : 10/05/2016 page : 4062
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

Mme Edith Gueugneau attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le dispositif législatif relatif à la compétence universelle. Régi par les articles 689 et suivants du code de la procédure pénale, il permet aux juridictions françaises de juger les auteurs d'infractions commises hors du territoire national, à la condition qu'une convention internationale donne effectivement cette compétence à la France. Les crimes de guerre et contre l'humanité, eux, relèvent de l'article 689-11 du code de la procédure pénale, qui prévoit leur traitement par la cour pénale internationale (CPI). La CPI, juridiction compétente pour juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l'humanité, de crime d'agression et de crime de guerre, a vu le jour avec l'entrée en vigueur du statut de Rome le 1er juillet 2002. Or la Syrie et la Corée du Nord et soixante-dix autres États dans le monde ont refusé de ratifier le statut de Rome et ne reconnaissent donc pas l'autorité de la CPI à l'heure actuelle. Par conséquent, la France ne peut poursuivre des ressortissants de ces pays, même présents sur le territoire national, sous peine de déroger aux règles d'un texte qu'elle a signé et elle-même co-rédigé. La seule façon de véritablement exercer cette compétence universelle, partout dans le monde, serait de modifier les statuts de la CPI afin d'étendre les procédures aux ressortissants de pays non-signataires, mais aussi de faire en sorte que de plus en plus d'États (États-Unis d'Amérique, Chine, Inde) en deviennent membres. Elle souhaiterait ainsi qu'elle lui confirme l'engagement de la France sur ce sujet au plan international. Au-delà de ce premier obstacle à la compétence universelle, il semble que d'autres verrous juridiques perdurent. En effet, l'article 689-11 du code de la procédure pénale, instaure une condition de résidence habituelle de l'auteur du crime sur le sol français, ou encore le monopole du ministère public sur l'engagement d'une procédure. Ces dispositions limitent incontestablement l'exercice de la compétence universelle dans notre pays. C'est pour cela que la proposition de loi de M. le sénateur Jean-Pierre Sueur, déposée le 6 septembre 2012 sur le bureau de la chambre haute, visant à modifier ledit article 689-11 du code de procédure pénale apparaît opportune. Malheureusement, du fait du changement de majorité au Sénat, l'examen de ce texte semble avoir été suspendu. Compte tenu des lacunes de la compétence universelle en France, elle estime nécessaire de réécrire un nouveau texte afin de procéder aux évolutions nécessaires. Elle souhaiterait connaître ses intentions en la matière.

Texte de la réponse

En adoptant la loi no 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale : cette convention n'impose aux États qui y sont parties ni la création d'incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de ladite cour, ni la reconnaissance d'une compétence juridictionnelle élargie. Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi, adopté à l'unanimité par le Sénat, puis voté par l'Assemblée nationale en des termes identiques, comportant toutes les dispositions nécessaires pour incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment les crimes ou délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies. En outre, le Gouvernement a accepté d'instaurer une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français, qui constitue une avancée incontestable : aucune disposition du Statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis à l'étranger, par des étrangers, à l'encontre des victimes étrangères. La France n'a jamais instauré une telle compétence sans y être expressément engagée par une convention internationale : tous les articles prévoyant une telle compétence (articles 689-2 à 689-10 du code de procédure pénale) sont fondés sur des conventions internationales prévoyant expressément une telle compétence. Ces articles renvoient d'ailleurs tous à l'article 689-1 qui dispose : « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles. » Toutefois, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle et permettant sous réserve des principes fondamentaux du droit pénal de mettre en œuvre une compétence quasi-universelle. Par ailleurs, depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l'auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette Cour. En outre, en application des dispositions votées par le Sénat, la France se donne les moyens de juger elle-même dans certains cas de tels criminels. Les conditions posées à la mise en œuvre de la compétence constituent une solution équilibrée, permettant notamment de s'assurer de l'existence d'un rattachement suffisant des faits avec les juridictions françaises.