Question de : M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Écologiste

M. Noël Mamère attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la politique de la France dans les forêts tropicales du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète après l'Amazonie. Depuis 20 ans, le gouvernement, via l'Agence française de développement (AFD), soutient dans cette région une politique « d'aménagement durable » des forêts qui s'appuie sur l'exploitation forestière industrielle et donne la priorité à l'exploitation et au commerce du bois. Dans ce cadre, l'AFD a dépensé plus de 120 millions d'euros depuis 1990 dans des prêts, subventions et assistances techniques en faveur des entreprises forestières. Mais cette politique, que la France est le seul pays à suivre, se fonde sur des postulats erronés et a des résultats négatifs : l'exploitation forestière industrielle, même si elle se fait avec des « plans d'aménagement forestier » endommage durablement la biodiversité et nuit aux populations environnantes, comme le montrent de nombreuses études. Elle est aussi un facteur de changement climatique et bien souvent entretient un système de corruption bien organisé dans les pays producteurs. Un rapport de l'ONG Global Witness publié en juillet 2015 a aussi donné des informations indiquant que l'industrie du bois était capable de se rendre complice de groupes armés comme en République centrafricaine (RCA) sous le règne de la Seleka. Il souhaiterait savoir quand le Gouvernement va cesser sa politique de soutien à l'industrie forestière dans le bassin du Congo et chercher enfin des solutions durables pour réellement protéger cet espace forestier vital pour le climat de la planète et la subsistance de 75 millions de personnes. Il lui demande aussi si le Gouvernement envisage de mettre en place un dispositif de consultation publique avant d'établir sa nouvelle « feuille de route » pour les forêts du bassin du Congo et de rendre publics les rapports d'évaluation des projets (Agedufor, PAGEF, PARPAF) que l'AFD finance dans la région. Enfin, il voudrait savoir si les ministères concernés vont veiller à ce que ceux qui ont introduit du bois à haut risque d'illégalité et du bois de conflit sur le marché français depuis l'entrée en vigueur du RBUE (mars 2013) rendent des comptes.

Réponse publiée le 1er mars 2016

Dans les bassins forestiers, l'AFD appuie, en coordination avec le fonds français pour l'environnement mondial, les approches conciliant préservation de l'environnement et de la biodiversité et développement. Il s'agit d'articuler la mise en conservation des écosystèmes les plus fragiles avec la généralisation d'un mode d'exploitation durable assurant le renouvellement de la ressource forestière, avec l'appui d'une expertise scientifique adéquate et en concertation étroite avec les ONG spécialisées. L'AFD soutient la généralisation de plans d'aménagement forestiers (PAF) durables, la certification écologique et sociale des filières et des exploitations forestières, l'amélioration des performances économiques, énergétiques, environnementales et sociales des entreprises de transformation ainsi que le renforcement des capacités des autorités nationales à assurer une bonne gouvernance de la filière et à appliquer les meilleurs standards internationaux. Ce cadre d'intervention transversal (CIT) a fait l'objet d'une consultation publique auprès de la société civile française en juin 2013. S'agissant plus précisément du bassin du Congo, l'action de l'AFD s'inscrit dans le cadre régional défini par la Commission des forêts d'Afrique centrale et décliné au niveau national dans chacun des pays concernés à travers leurs dispositifs juridiques et réglementaires. Les normes d'aménagements forestiers sont élaborées sur la base des recommandations de la FAO et de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT). Elles prennent en considération l'ensemble des paramètres d'un développement durable : social, environnemental, économique. Une attention particulière est apportée à l'amélioration de la gouvernance du secteur afin de permettre une juste répartition des produits issus du secteur, dans le respect des droits des populations, et de disposer d'instruments de suivi et de contrôle performants. En outre, l'AFD soutient la mise en conformité des entreprises aux principes de gestion durable prévalant dans les différents pays et s'efforce de les amener à s'engager dans une démarche de certification visant à faire valider leurs pratiques par un tiers indépendant. Les évaluations, globales et individuelles, que l'AFD s'attachent à rendre publiques, démontrent que ces plans d'aménagement permettent de maintenir la qualité des services rendus par les écosystèmes forestiers et de contribuer au développement économique des populations. Il convient toutefois de noter que compte tenu de la durée moyenne d'un projet et du délai de réalisation d'une évaluation après l'achèvement du projet, très peu d'évaluations achevées sont pour le moment concernées par cette diffusion. Le projet Agedufor est encore en cours de réalisation et l'évaluation du projet PAGEF est en cours.  La "feuille de route" pour les forêts est une note opérationnelle de cadrage de l'AFD faisant suite à un engagement pris dans le CIT Biodiversité. Ce document a fait l'objet d'un dialogue spécifique avec toutes les parties françaises concernées en octobre 2015 dans le cadre du groupe national forêt tropical (GNFT). Concernant la République centrafricaine, les financements de projets forestiers par l'AFD ont été suspendus durant toute la phase de crise aigüe et l'AFD redémarre prudemment son activité dans ce secteur aujourd'hui, en prenant en compte le nouveau contexte. De façon générale, on rappellera que les opérations financées par l'AFD font l'objet de diligences poussées afin de lutter contre la corruption, la fraude, le blanchiment et le financement du terrorisme. Le groupe AFD a ainsi adopté en juin 2013 une politique générale, déclinée en procédures opérationnelles, appliquée systématiquement lors de l'instruction des projets.

Données clés

Auteur : M. Noël Mamère

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 8 décembre 2015
Réponse publiée le 1er mars 2016

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