14ème législature

Question N° 9191
de Mme Bérengère Poletti (Union pour un Mouvement Populaire - Ardennes )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > pesticides

Analyse > chlordecone. toxicité. recherches.

Question publiée au JO le : 06/11/2012 page : 6220
Réponse publiée au JO le : 17/12/2013 page : 13134
Date de changement d'attribution: 25/06/2013

Texte de la question

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'évaluation des risques liés au chlordécol. Le chlordécone est transformé à plus de 75 % par l'organisme. Cette transformation aboutit à la formation de chlordécol dont on ne retrouve pas de trace dans les urines. Le chlordécol reste dans l'organisme et fait preuve d'une grande affinité avec les organes. Il n'existe aucune étude sur les effets de ce métabolite et il n'existe pas de remède pour empêcher la métabolisation du chlordécone, donc la formation de chlordécol. Il apparaît donc aujourd'hui important que soit lancée une étude toxicologique et notamment sur la génotoxicité du chlordécol. Cette étude plus approfondie doit être demandée aux laboratoires de recherche qui travaillent sur ce sujet. Pour réaliser cette étude, la toxicité clinique doit être évaluée et non plus seulement la toxicité cellulaire. Les chercheurs réclament des tests sur le vivant. Elle souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour organiser une étude sur ce métabolite.

Texte de la réponse

Le chlordécol, ou chlordécone alcool ou képol, est chez l'homme le principal métabolite de la chlordécone. Il s'agit d'un métabolite généré par un processus physiologique au sein de l'organisme et non pas d'un métabolite environnemental qui résulterait de la dégradation biotique ou abiotique de la molécule mère dans l'environnement. Si tel était le cas, cela constituerait en effet une source d'exposition des populations à une molécule distincte de la chlordécone. Mais le chlordécol n'a jamais été identifié comme un métabolite environnemental. Le chlordécol est produit dans le foie grâce à l'action d'une enzyme, la chlordécone réductase, qui transforme la fonction carbonyle de la chlordécone en fonction alcool. Cela permet sa liaison à l'acide glucuronique facilitant son passage dans les voies biliaires sous la forme de glucuro-conjugué. C'est ainsi que le chlordécol se retrouve évacué dans les fèces. En résumé, ce processus facilite l'élimination de la chlordécone de l'organisme. Les effets toxiques d'une substance peuvent être dus à la molécule mère mais aussi à l'un ou plusieurs de ses métabolites endogènes. Dans le cas de la chlordécone, les nombreuses études, toxicologiques chez l'animal ou épidémiologiques et cliniques chez l'Homme, qui renseignent sur les dangers et effets sanitaires, ont été réalisées sur des organismes entiers. De ce fait, ces études intègrent, par définition, l'ensemble des effets délétères qu'ils soient imputables à la molécule mère (chlordécone) ou à l'un des métabolites connus (chlordécol) ou même inconnus. De nombreuses informations existent sur le chlordécol. Toutefois, une meilleure connaissance scientifique de ce métabolite, tout comme de l'ensemble des voies métaboliques de la chlordécone, ne pourrait que contribuer à une meilleure appréciation des processus physiologiques mis en oeuvre par l'organisme pour faire face à une exposition à la chlordécone. Cette connaissance pourrait aussi aider à mieux comprendre les interactions possibles entre contaminants et, à terme, contribuer au développement d'une démarche prédictive de la toxicité de ces interactions. Cependant, il n'apparaît pas pertinent de mener des études spécifiques ou complémentaires sur les métabolites de la chlordécone lorsqu'on s'intéresse strictement à l'identification globale des dangers ou à l'évaluation des risques. La contamination des sols antillais suite à l'utilisation de la chlordécone constitue un enjeu sanitaire et environnemental majeur en raison de l'étendue des surfaces concernées, de la contamination des denrées alimentaires qui en résulte et du caractère très persistant de ce pesticide. Depuis 2008, deux plans d'actions interministériels ont été mis en place afin de réduire l'exposition de la population à ce pesticide. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie s'est investi dans les actions de rémédiation et sur l'approfondissement de l'état de connaissance de la contamination des sols. Le chlordécol est le principal métabolite de la chlordécone généré chez l'homme après action de l'enzyme appelée chlordécone réductase ; il n'est, par contre, pas retrouvé dans l'environnement lors de la dégradation de la molécule mère. Le chlordécol étant un métabolite majoritaire et d'apparition rapide dans l'organisme, les études réalisées en toxicologie sur la chlordécone ont pris en compte la toxicité du chlordécol. En l'état actuel des connaissances scientifiques, l'expertise nationale n'a pas identifié d'effets sanitaires plus inquiétants chez le chlordécol que chez la chlordécone. Cependant, une meilleure connaissance scientifique de ces deux substances pourrait oeuvrer à une meilleure compréhension des effets sanitaires, notamment perturbateurs endocriniens, décrits dans la population antillaise. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie encourage donc la communauté des chercheurs à déposer des projets de recherche en ce sens soit à l'appel d'offre du programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens porté par le ministère de l'écologie, soit à l'appel d'offre contaminants environnement santé de l'agence nationale de la recherche.