14ème législature

Question N° 92120
de M. Nicolas Dupont-Aignan (Non inscrit - Essonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > pharmacie et médicaments

Tête d'analyse > antidépresseurs

Analyse > prescriptions. professionnels exerçant auprès du public. conséquences.

Question publiée au JO le : 22/12/2015 page : 10379
Réponse publiée au JO le : 05/04/2016 page : 2696
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les conséquences, pour la sécurité des voyageurs, de la consommation de médicaments psychiatriques par les pilotes de ligne. Le drame du vol 9525 de la Germanwings, le 24 mars 2015, qui a coûté la vie à 150 personnes, a mis en lumière l'influence des psychotropes, non seulement sur la conscience et la lucidité, mais aussi sur l'empathie et la bienveillance des consommateurs. Dans le cas du transport aérien, plus que dans tout autre mode de déplacement, il est impératif de pouvoir vérifier que les pilotes ne consomment pas de substances qui pourraient altérer leur vigilance, leur concentration, ou tout simplement la conscience de leurs responsabilités vis-à-vis d'autrui. Or, les Français figurant parmi les plus gros consommateurs de psychotropes, il est probable qu'un certain nombre d'entre eux exercent des fonctions de pilotes de ligne. Il souhaiterait savoir quelle est la réponse des autorités françaises aux recommandations que l'Agence européenne de sécurité aérienne avait préconisées en juillet 2015, concernant le contrôle de la consommation de médicaments et d'alcool chez les pilotes. Il souhaiterait en particulier s'assurer que les autorités médicales aéronautiques françaises (conseil médical de l'aéronautique civile (C.M.A.C.) et centre d'expertise médicale aéronautique (C.E.M.A.) pourraient dorénavant ne délivrer le certificat médical d'aptitude qu'après examens biologiques visant à rechercher les substances incriminées et consultation d'une base de données de la Sécurité sociale permettant de savoir si le pilote a consulté des psychiatres et à quel rythme.

Texte de la réponse

L'enquête relative à une récente catastrophe aérienne a révélé que le copilote de l'avion faisait l'objet d'un suivi psychiatrique et s'était vu prescrire au moins un antidépresseur et un neuroleptique, posant ainsi la question du suivi des personnes sous traitements psychiatriques, en particulier, lorsque leur pathologie comme leur traitement comportent, du fait de leur activité professionnelle, un risque pour la sécurité des tiers usagers. La dépression est une maladie très fréquente, estimée avec une prévalence d'environ 15 % dans la population générale sur une vie entière. Le suicide est la première complication du trouble dépressif. L'organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 1 million le nombre de morts par suicide chaque année dans le monde. On estime que seulement 25 % des patients déprimés reçoivent un traitement adéquat pour leur dépression et la majorité des sujets déprimés qui se sont suicidés ne recevaient pas d'antidépresseurs. Les antidépresseurs, s'ils constituent une réponse appropriée, sont, comme tout médicament, susceptibles de provoquer des effets indésirables qui font l'objet d'un suivi attentif de pharmacovigilance. Dans un contexte de pathologie psychiatrique, les comportements suicidaires et hétéro-agressifs sont difficiles à dissocier de la maladie du patient et, par conséquent, il est difficile d'établir un lien de causalité avec un médicament. La dépression elle-même est associée à un risque accru d'idées suicidaires, d'auto agression et de suicide (évènements de type suicidaire). Ce risque persiste jusqu'à obtention d'une rémission significative. Cependant, malgré la multitude de facteurs potentiellement impliqués dans l'apparition d'un comportement suicidaire, ce risque qui pourrait être lié à une levée d'inhibition par le traitement antidépresseur, est bien identifié et particulièrement surveillé avec cette classe thérapeutique et a fait l'objet d'évaluations régulières au niveau européen. Lors de la prise en charge d'un épisode dépressif, le prescripteur doit systématiquement évaluer le risque suicidaire. Une surveillance étroite des patients et en particulier de ceux à haut risque doit accompagner le traitement médicamenteux spécialement au début du traitement. Ces mises en garde figurent dans l'information légale des produits concernés, ainsi que dans les recommandations de bonne pratique de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à l'usage des prescripteurs. Celles-ci sont en cours d'actualisation par la haute autorité de santé (HAS). Le signalement, dans certaines situations particulières, des personnes atteintes de dépression et qui suivent à ce titre un traitement, pose la question du respect du secret médical et des conditions dans lesquelles il peut, exceptionnellement, y être dérogé. L'article L 1110-4 du code de la santé publique (CSP) énonce en effet, le principe du droit de tout patient au respect de sa vie privée et au secret des informations le concernant. Le secret médical s'impose à tout professionnel de santé. Le principe du secret médical est pénalement sanctionné et il ne peut y être dérogé que par la loi ou un texte réglementaire pris en application de la loi. Des dérogations légales au secret médical, justifiées par l'intérêt du patient, l'intérêt de la santé publique ou de la protection sociale, la sécurité publique ou encore dans le cadre de la justice, existent cependant. Ainsi, l'article L 1110-4 du CSP précise les conditions dans lesquelles le professionnel de santé peut, avec le consentement du patient, procéder au partage des informations qu'il détient, dans le but d'assurer la continuité des soins et de déterminer la meilleure prise en charge possible. L'article L.3113-1 du CSP impose aux médecins de transmettre à l'autorité sanitaire les données individuelles anonymes relatives aux maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale et à celles dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la politique de santé publique. Les articles L.3213-1 à L.3213-10 du même code permettent au médecin de faire hospitaliser d'office, et donc de signaler, les personnes atteintes de troubles mentaux lorsque leur comportement risque de porter gravement atteinte à l'ordre public. Enfin, le médecin ayant en charge une personne dont il estime que l'état de santé doit être pris en compte dans sa vie professionnelle, peut partager des éléments d'information avec le médecin du travail, avec l'accord du patient. Le médecin du travail informé a alors l'obligation d'alerter l'employeur de l'inaptitude au travail. Envisager de nouveaux assouplissements du secret médical nécessite une réflexion. En ce qui concerne plus précisément les pilotes, leur situation relève des règles d'organisation du contrôle de l'aptitude du personnel navigant de l'aéronautique civile, qui sont de la compétence du secrétariat d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.