Rubrique > santé
Tête d'analyse > politique de la santé
Analyse > biologie médicale. laboratoires. perspectives.
M. Gilles Savary rappelle à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes que depuis 2003 les sociétés d'exercice libéral (SEL) contrôlant les laboratoires de biologie médicale (LBM) font l'objet d'opérations de prise de contrôle par des capitaux financiers. Bien que la loi limite à 25 % la part maximale détenue par les non professionnels dans les SEL de LBM, ces sociétés financières passent par des sociétés de biologie européennes détenues à 100 % par des capitaux financiers pour se voir reconnaître le statut de professionnels de santé. Elles utilisent ensuite la loi n° 90-1258 du 30 décembre 1990 qui dans son article 5 institue que dans les SEL de professions règlementées la majorité du capital doit être détenue par des professionnels en exercice dans la SEL mais qui dans son 5-1 propose une ouverture totale si des décrets spécifiques sont pris par profession. Pour la biologie médicale, ces décrets n'ont jamais été pris et les sociétés financières se sont engouffrées dans le vide juridique pour prendre le risque d'investir dans les SEL de LBM françaises par le mécanisme décrit plus haut. Une petite dizaine de sociétés financières détiennent à ce jour près de 650 sites de LBM sur 3 400 soit environ 20 %. La décision 89/09 de la Cour de justice européenne arbitrait le débat en statuant que la France était parfaitement fondée à limiter l'accès au capital des SEL de LBM de non professionnels pour des raisons de santé publique. Les risques de conflits d'intérêt entre rentabilité financière et intérêts du patients ou des finances publiques étant évidents, Mme la ministre de la santé et les parlementaires décidaient alors d'exclure clairement les SEL de biologie médicale du 5-1 de la loi de 1990 non par un décret mais dans la loi, par l'article L. 6223-8 de la loi de n° 2013-442. Toutefois, sous la pression des investisseurs financiers ayant opéré avant la publication de la loi, une dérogation subsistait leur permettant de continuer « à bénéficier du 5-1 » (titre II de l'article 6223-8) mais assorti de mesures devant permettre à terme la reprise de ces sociétés par leurs biologistes et, implicitement, ne leur permettant pas d'acheter des SEL n'ayant pas appliqué le 5-1, donc où les professionnels sont majoritaires. Deux ans après force est de constater que l'article 6223-8 n'est pas respecté et que les sociétés financières continuent en 2014 et 2015 d'acheter des SEL où les biologistes sont majoritaires. Profitant de leur puissance financière pour faire monter les prix à des niveaux spéculatifs, ils excluent les SEL locales, limitées à l'endettement bancaire, de la possibilité de croissance externe et donc de se de se structurer. On peut rappeler, s'il en est besoin, que la plupart de ces SEL financiarisées sont endettées à plus de 100 % de leur chiffre d'affaires. Devant les preuves évidentes de la poursuite de cette financiarisation malgré la volonté claire du Gouvernement et du Parlement exprimée dans la loi de 2013, il se permet d'interpeller les intentions du Gouvernement en vue d'éviter que des intérêts financiers non professionnels abusent d'une période de dérogation pour détourner la loi de ses objectifs.