Question de : M. Jacques Bompard
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les progrès récents de la recherche concernant les cellules souches. Les dernières avancées permettent désormais de cesser la manipulation sur des embryons humains. La France peut exercer une influence déterminante en faveur des règles bioéthiques trop souvent bafouées dans d'autres pays du monde. Nous nous devons de démontrer qu'une autre solution est possible. Ainsi, l'École polytechnique fédérale de Lausanne vient de révéler que ses chercheurs sont parvenus à « transformer des cellules adultes en cellules souches par une méthode de compression ». Le laboratoire de bio-ingénierie précise que cette découverte s'est faite dans le cadre de la production de cellules IPS, selon la méthode du professeur Yamanaka. La mise en culture des cellules matures dans un gel dense et rigide entraîne leur reprogrammation plus rapide (six à huit jours) sous l'effet de la pression en cellules souches. On obtient donc un matériel génétique non déterminé apte à être programmé pour des usages multiples, au même titre que les cellules souches actuellement prélevées sur les embryons humains avortés, parfois même sans l'accord conscient de leurs parents. Désormais, cet outil fabuleux mis à notre disposition pourra être utilisé sans manquer gravement aux principes fondamentaux de l'éthique. L'équipe de recherche a publié le résultat de ses recherches dans la très sérieuse revue Nature Materials ; le professeur Lutolf explique que cette méthode de compression permet de produire des cellules souches à l'échelle industrielle et de manière standardisée. Précision importante : les cellules souches pour être implantées efficacement doivent être produites en grande quantité. Jusqu'alors, nous n'étions pas parvenu à les transformer autrement que par une manipulation individuelle. Nous sommes donc ici en présence d'une avancée scientifique majeure. Nombre de chercheurs, y compris français, voient dans les cellules souches l'avenir de la lutte contre le cancer en remplaçant les cellules malades par d'autre, saines. Cette découverte permet également de faire sauter un autre verrou qui empêchait jusqu'alors l'utilisation de telles cellules. En effet les cellules souches, pour être acceptées par un organisme, doivent être endogènes - c'est-à-dire issue de cet organisme, et non importées de l'extérieur, sans quoi elles seraient attaquées par le système immunitaire. Jusque-là, le monde scientifique tentait de modifier des cellules d'un ADN voisin. Grâce à cette découverte, on transforme simplement des cellules adultes programmées en cellules souches à l'extraordinaire potentiel médical, qui peuvent reconstruire ou remplacer des organes endommagés (coeur, rate, moelle épinière, rétine par exemple). Si les chercheurs fournissent par leur travail de nouvelles perspectives médicales respectueuses, il appartient au pouvoir politique de favoriser ces avancées. Rappelons pour mémoire que les cellules souches sanguines provenant des cordons ombilicaux sont utilisées depuis longtemps ; il y avait de bons espoirs que les cellules autres que sanguines soient aussi prometteuses. Cependant, aucune mesure significative n'a été prise pour axer la recherche sur les cellules souches en ce sens. Il s'agit là d'un grave manque à l'éthique médicale, puisque l'on préfère continuer à travailler sur du matériel humain provenant d'embryons pour ne pas froisser la communauté scientifique, très divisée à ce sujet. Face à d'aussi prometteuses perspectives, il est du devoir du ministère de la Santé d'orienter la recherche vers une voie enfin respectueuse de la personne humaine. Ajoutons que le processus mis au point par l'École Polytechnique fédérale de Lausane est pour l'instant incomplètement maîtrisé ; on sait désormais comment obtenir des cellules souches en compressant des cellules adultes, mais on ne connaît encore aucune des étapes de cette transformation, non plus que ses modalités. Il y a donc là un véritable enjeu pour la communauté scientifique française. Relever ce défi serait à la mesure de la vocation universelle de la France ; gageons que la position de référent moral de notre pays dans le monde en sortirait renforcée. C'est pourquoi il lui demande instamment de prendre les mesures nécessaires à la valorisation de cette nouvelle voie, enfin respectueuse de l'intégrité de la personne humaine rappelée dans le préambule et les article 1, 2, 2, 7 et 25 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen d'interdire tout acte sur les embryons humains, personne à part entière dès la conception.

Réponse publiée le 12 juillet 2016

Une équipe de recherche de l'École polytechnique fédérale de Lausanne a publié un article dans la revue Nature materials indiquant qu'elle était parvenue à produire des cellules souches pluripotentes induites (théoriquement capables de se différencier en tous les types de cellules qui composent un organisme adulte) en comprimant certaines cellules. Certes, l'article expose que l'utilisation d'un environnement tridimensionnel (gel nutritif tridimensionnel) améliore la reprogrammation et le travail de cette équipe doit être souligné. Cependant il ne permet pas, en soi, d'obtenir des cellules souches pluripotentes puisqu'il y a toujours nécessité de recourir à la technique classique de reprogrammation de S. Yamanaka. L'intérêt de ces travaux reste donc limité puisque les techniques actuelles de reprogrammation permettent déjà d'obtenir une quantité suffisante de lignées de cellules souches pluripotentes induites. D'autant que l'étude se limite aux cellules de souris qui se comportent différemment des cellules humaines en ce qui concerne la reprogrammation et la pluripotence. Il appartient désormais aux équipes de recherche, y compris françaises, d'exploiter ces travaux pour optimiser le recours aux cellules souches pluripotentes induites. Cependant, à ce stade, le recours aux souches embryonnaires pour faire progresser les connaissances reste nécessaire.

Données clés

Auteur : M. Jacques Bompard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bioéthique

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 19 janvier 2016
Réponse publiée le 12 juillet 2016

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