14ème législature

Question N° 92444
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire

Rubrique > consommation

Tête d'analyse > sécurité des produits

Analyse > produit défectueux. composants intégrés. responsabilité.

Question publiée au JO le : 19/01/2016 page : 438
Réponse publiée au JO le : 05/07/2016 page : 6302
Date de changement d'attribution: 26/04/2016

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 2014 (Civ. 1re, 26 novembre 2014, n° 13-18.819, P+B) qui précise le régime de responsabilité du producteur d'un composant vis-à-vis de la victime mais aussi du fabricant du produit fini. Si cet arrêt semble apporter des réponses précises, les professionnels s'interrogent sur sa portée et sur ses limites éventuelles dans des situations factuelles plus complexes. Cet arrêt pourrait en effet avoir des conséquences inattendues que la Cour de cassation n'a probablement pas anticipées, lorsque des produits finis intègrent de nombreux composants et que les destructions subies par le produit fini sont d'une telle ampleur qu'il n'est plus possible de prouver l'existence de défauts des produits intégrés. Dans le détail, les professionnels comprennent mal pourquoi un produit intégré peut être également jugé défectueux alors même que la cause du sinistre est restée inexpliquée. Ils s'interrogent également sur la publication élargie de cet arrêt par la Cour de cassation, tandis qu'il est rare, en pratique, de trouver une situation analogue. Des précisions sont nécessaires concernant l'application de cet arrêt : le fabricant du produit fini peut-il soutenir que les composants intégrés dans son appareil ont contribué, même sans faute, à l'apparition des désordres, et qu'en conséquence, les responsabilités doivent être partagées à parts égales entre le fournisseur du produit fini et les fournisseurs de produits intégrés ? Le fournisseur du composant peut-il également exercer un recours contre ses propres fournisseurs sans avoir besoin de démontrer que ses propres fournisseurs ont commis une faute ? Une telle solution serait manifestement source d'insécurité juridique lorsque de nombreux composants ont été utilisés pour fabriquer le produit fini. Elle pourrait conduire les fabricants de produits finis à multiplier les recours à l'encontre des fournisseurs de composants puisqu'il semble que la responsabilité du fabricant d'un composant est engagée dès lors que le produit fini et le produit intégré ont été endommagés. Aussi, elle souhaite obtenir des précisions sur la portée et l'interprétation de cet arrêt, pour expliquer aux professionnels les distinctions à opérer entre défectuosité du produit fini et défectuosité du composant.

Texte de la réponse

L'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 26 novembre 2014, porte sur la responsabilité solidaire d'un producteur d'un composant défectueux pour le dommage causé par une prothèse défectueuse. Cette responsabilité avait été retenue, en appel, par la Cour d'appel de Douai. Cette juridiction avait également conclu à l'entière garantie de ce producteur à l'égard du fabricant du produit fini, au motif que la rupture de la tête en céramique de la prothèse était la cause exclusive du dommage. La Cour de cassation a rappelé, en application de l'article 1386-8 du code civil, issu de la transposition de la directive no 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité des produits défectueux, la responsabilité solidaire du producteur de la partie composante et du producteur du produit fini. Elle a également rappelé les termes de l'article 5 de la directive no 85/374/CEE qui prévoit que la solidarité, dont est assortie la responsabilité de plusieurs personnes dans la survenance d'un même dommage, est sans préjudice du droit national relatif à ces recours. L'application du droit commun des recours entre coobligés a conduit la Cour de cassation à retenir, en l'absence de faute, la contribution des deux fabricants à part égale. Les règles ainsi édictées conduisent, en effet, à considérer, à condition toutefois que les désordres soient identifiés à l'égard des producteurs de produits composants, et même en l'absence de faute, à un partage de responsabilité. Il convient de rapporter au préalable, en application de l'article 1386-8 du code civil, l'existence du dommage causé par le défaut du produit incorporé dans un autre. En ce cas, et en dehors des exceptions prévues par l'article 1386-11 du code civil, les producteurs de la partie composante et de la partie qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables à l'égard de la victime du dommage. Les principes retenus par la Cour de cassation, s'appuyant sur l'absence ou l'existence d'une faute pour déterminer la part de la contribution à la dette des différents coobligés, ne sont que l'application des règles de droit national régissant les recours entre coobligés. La combinaison du droit spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux et l'application du droit commun des recours entre coobligés, semble répondre au contraire au besoin de sécurité juridique attendue à l'égard de la victime, tout en préservant les critères de répartition du recours entre coobligés fondés sur la faute ou l'absence de faute. Ces conditions sont à cet égard de nature à relativiser les craintes de voir les recours en garantie des fabricants se multiplier à l'égard des fournisseurs des composants, puisqu'une appréciation de la faute vient tempérer la responsabilité de plein droit édictée par l'article 1386-8 du code civil.