Question de : M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Écologiste

M. Noël Mamère alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les menaces que représente l'industrie porcine française en matière d'environnement, de santé publique et de condition animale. S'il est pertinent de soutenir l'élevage, l'urgence climatique impose une transition alimentaire et exige un discernement lucide entre les différents systèmes d'élevage. Aujourd'hui, en raison notamment de la pression des lobbies du secteur, des défaillances au niveau des normes minimales pour la protection des porcs, ou encore de l'indépendance des juridictions entre les permis de construire et les autorisations d'exploiter, les problèmes graves rencontrés (technique du caillebotis intégral, espace vital restreint, gaspillage des ressources naturelles, pollution de l'air et de l'eau...) ne semblent pas pouvoir être résolus dans le cadre réglementaire actuel. En outre, la filière est poussée à s'industrialiser toujours davantage afin de rester économiquement viable. Or d'un point de vue économique, l'industrialisation de l'agriculture ne cesse de détruire des emplois, la filière est hautement dépendante des importations et les agriculteurs, poussés à fonctionner comme de véritables chefs d'entreprise, sont dépossédés de leur travail. Aussi, il lui demande que soient prises des mesures visant à renouveler cette filière en soutenant les démarches volontaires axées sur des pratiques de haute qualité éthique et environnementale. Il estime également qu'il est temps de donner la priorité à l'information des consommateurs sur les conditions d'élevage, de permettre aux communes de refuser l'installation ou l'extension d'un élevage industriel et de revoir les conditions d'élevage inscrites dans le cahier des charges permettant de prétendre à l'appellation indication géographique protégée.

Réponse publiée le 14 juin 2016

La filière porcine française traverse une période très difficile. Les prix à la production, fortement dégradés, ne permettent plus la rémunération des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Les raisons en sont, d'une part, l'embargo mis en place par les autorités russes depuis février 2014 pour des raisons sanitaires et, d'autre part, une augmentation importante de la production européenne de porcs depuis l'été 2014. Cette situation trouve également sa source dans les difficultés structurelles d'organisation de la filière porcine et dans la « guerre des prix » à la consommation qui ne permet plus, dans de trop nombreuses situations, des relations équilibrées entre les différents acteurs. Dans ce contexte, le Gouvernement intervient au travers des mesures de gestion de crise du plan de soutien à l'élevage pour soutenir les exploitations porcines et les emplois qu'elles génèrent directement et indirectement dans l'ensemble du secteur agricole et agroalimentaire français. En effet, l'emploi généré par l'élevage est d'autant plus primordial qu'il dynamise d'abord les régions rurales. Il convient de rappeler que, dans une étude publiée en 2015, le site « GIS Élevages Demain » a évalué le nombre d'emplois directs et indirects dépendants de l'élevage français à 724 000 équivalents temps plein (ETP) liés à l'élevage, soit 3,2 % de l'emploi total en France. En moyenne, chaque ETP présent sur un élevage français génère 1,25 ETP supplémentaire dans les autres secteurs de l'économie qui dépendent de la présence des élevages. L'élevage porcin est la filière d'élevage qui a le plus fort effet d'entraînement, un ETP en élevage porcin générant plus de 6 ETP dans les autres secteurs de l'économie française. Au total, les élevages porcins français emploient 99 000 ETP directement ou indirectement. Les normes relatives au bien-être animal en élevage porcin sont encadrées au niveau européen par la directive no 2008/120/CE du Conseil du 18 décembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs, transcrite en droit national. Au-delà de la réglementation nationale que le ministère en charge de l'agriculture élabore en concertation avec les associations de protection des animaux, les professionnels et les scientifiques, et adapte en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques et de l'expérience acquise sur le bien-être animal, le Gouvernement s'est engagé avec ces partenaires dans l'établissement d'une stratégie nationale 2015-2020 pour le bien-être animal, dans l'objectif de répondre de façon durable aux attentes des citoyens. Cette stratégie vise à produire mieux en conjuguant bien-être animal, compétitivité des filières, sécurité sanitaire et considérations environnementales. Le bien-être animal est un facteur de durabilité de l'élevage et fait partie intégrante d'un processus global d'amélioration écologique, économique et éthique des élevages français. Cette stratégie vise à engager l'ensemble des acteurs de la filière dans une démarche de pro­grès. Cinq axes prioritaires ont ainsi été définis : partager le savoir et promouvoir l'innovation, être responsable à tous les niveaux, poursuivre l'évolution des pratiques vers une production plus respectueuse de l'animal, prévenir et être réactif en cas de maltraitance animale et mieux informer. Concernant les normes environnementales, l'activité d'élevage est encadrée par la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, sous la responsabilité du ministère chargé de l'environnement. Les élevages les plus importants relèvent de la directive européenne 2010/75/CE relative aux émissions industrielles. Pour ces élevages, l'obtention du permis environnemental est conditionné à la mise en place des « meilleures techniques disponibles » (MTD), définies au niveau européen. Ces MTD visent à limiter les émissions dans l'air et l'eau, mais également une consommation maîtrisée des ressources en eau et énergie. Ces normes évoluent dans le temps. Ainsi, une mise à jour des MTD pour les activités d'élevage est attendue en 2016. Les élevages concernés devront s'adapter à ces nouvelles MTD dans un délai de 4 ans. Concernant les procédures d'obtention du permis environnemental, il convient de rappeler que les communes concernées, tant en ce qui concerne l'implantation du bâtiment d'élevage que le plan d'épandage, sont systématiquement consultées. Par ailleurs, la récente loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 a habilité le Gouvernement à généraliser par ordonnance l'expérimentation du permis environnemental unique. Ce dispositif permet notamment une meilleure articulation entre le permis de construire et le permis environnemental. Au-delà de l'approche normative, le Gouvernement promeut la transition agro-écologique de l'agriculture française dans un objectif de performance économique, environnementale et sociale. Il l'accompagne de diverses manières. Ainsi, les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) permettent une reconnaissance officielle par l'État de l'engagement volontaire et collectif d'agriculteurs dans la modification ou la consolidation de leurs pratiques en visant une performance économique, environnementale et sociale. Ils constituent l'un des outils structurants du projet agro-écologique pour la France porté par le ministre chargé de l'agriculture depuis décembre 2012. Les actions des GIEE peuvent bénéficier d'une priorité ou de majorations dans l'attribution des aides publiques, par exemple dans le cadre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations (PCAE), par lequel l'État, les régions et l'Union européenne accompagnent les investissements. Un autre dispositif, la certification environnementale des exploitations agricoles, créée et encadrée par les pouvoirs publics, permet de répondre au besoin d'identifier les exploitations qui s'engagent volontairement dans des démarches particulièrement respectueuses de l'environnement. Les exploitations certifiées peuvent ainsi valoriser auprès des consommateurs les efforts réalisés par l'apposition d'un label sur leurs produits finis. Par ailleurs, l'élevage constitue la priorité du PCAE. Ses actions s'inscrivent dans un double objectif : pérenniser l'élevage sur l'ensemble du territoire en tenant compte de ses spécificités selon les régions et les territoires et assurer sa compétitivité à long terme. Il s'agit également d'ancrer des filières de transformation locales. Des besoins d'investissement cruciaux existent au sein des exploitations d'élevage qui doivent viser la performance économique, environnementale, sanitaire et sociale. Ainsi, les bâtiments doivent être conçus pour réduire leur impact environnemental sur l'air, l'eau et le paysage, ils doivent prendre en compte la sécurité des personnes et le bien-être animal, et les techniques employées doivent être économiquement viables. L'État et les régions, qui avaient initialement prévu de consacrer 200 millions d'euros d'aide publique annuelle, tous financeurs confondus, au PCAE, ont annoncé le 4 septembre 2015 une intensification des soutiens de 2015 à 2017, portant à 350 millions d'euros l'effort annuel de l'État, des collectivités et de l'Union européenne. Les soutiens visant à favoriser les changements de pratiques des exploitants agricoles ont été renforcés dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune 2015-2020, tels que les aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique et les mesures agroenvironnementales et climatiques financées par l'État, les régions, les agences de l'eau et l'Union européenne. Ces dernières ont pour objectif d'accompagner les changements de pratiques agricoles, afin de répondre à des pressions environnementales identifiées à l'échelle des territoires, ou de maintenir des pratiques agricoles sources d'aménités environnementales, lorsqu'il existe un risque de disparition ou d'évolution vers des pratiques moins vertueuses. Une mesure particulière a été conçue à destination des polyculteurs éleveurs de monogastriques (porcs et volailles) qui vise à renforcer le lien au sol des élevages, notamment par une meilleure autonomie alimentaire du cheptel. Enfin, le plan « énergie, méthanisation, autonomie, azote » encourage la production d'énergie renouvelable en élevage via la méthanisation agricole et les installations photovoltaïques dans un objectif de réduction de la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles.

Données clés

Auteur : M. Noël Mamère

Type de question : Question écrite

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 26 janvier 2016
Réponse publiée le 14 juin 2016

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