14ème législature

Question N° 93114
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > gendarmerie et police

Analyse > moyens. perspectives.

Question publiée au JO le : 09/02/2016 page : 1123
Réponse publiée au JO le : 16/05/2017 page : 3589
Date de changement d'attribution: 22/03/2017

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la profonde lassitude des forces de l'ordre. Il faut sans plus attendre prendre cette situation à bras le corps. Malgré le cri d'alarme du 14 octobre 2015, aucune amélioration n'est réellement perceptible. La simplification de la procédure pénale promettait pourtant des résultats avantageux : simplifier la garde à vue, la pose de scellés judiciaires ou l'accès aux données d'enquête auraient permis une réelle amélioration du travail judiciaire. La promulgation de l'état d'urgence et le succès des perquisitions ont montré tout l'intérêt qu'il y avait à s'appuyer sur les policiers dont le travail est marqué par un professionnalisme poussé. Il faut cesser le laxisme judiciaire. Comme l'a souligné le chef du Gouvernement, la France est en guerre. Il faut nous doter des moyens de riposte efficaces, contre un ennemi désigné : le djihadisme international. En même temps que le nécessaire allongement de la procédure pénale, il convient de prêter attention à la dégradation des conditions de travail des forces de l'ordre. La multiplication des missions, notamment de garde statique, ainsi que les incessantes remises en cause et poursuites à l'encontre des policiers et gendarmes renforcent le sentiment de lassitude de ces fonctionnaires. Depuis 2012, les scènes d'émeutes urbaines se multiplient : le Trocadéro, Sivens (un mort), Nantes, Moirans, l'autoroute A1, et maintenant la zone de non-droit à Calais. Un simple évènement comme une grève des taxis le 26 janvier 2016 a donné lieu à une violente prise à partie des forces de l'ordre, et ce malgré l'état d’urgence. Outre le fait qu'une telle attitude devrait être enfin réprimée, il faut observer que les fonctionnaires des forces de sécurité sont sur-employés. En effet, en plus de ces indispensables missions de maintien de l'ordre, ils doivent tenir des gardes statiques sur de nombreux sites sensibles du territoire national. L'état d'épuisement que rapportent les syndicats est bien réel. Il est plus que nécessaire de se doter d'un outil de sécurité à la mesure du niveau de danger qui règne en France. Les primes versées à la police ne suffisent malheureusement pas à résoudre le problème ; il faut augmenter les effectifs à mesure de la nouvelle menace : les missions imparties seront ainsi mieux remplies. Enfin, le laxisme judiciaire qui a cours doit cesser au plus vite. Il faut de toute urgence stabiliser le cadre juridique des interventions en élargissant le cadre de légitime défense à toutes les agressions physiques auxquelles peuvent faire face nos forces de l'ordre. Il n'est pas normal qu'elles soient entravées dans l'exercice de leur mission par peur de sanctions. À l'heure du terrorisme armé, il faut faciliter l'ouverture du feu pour le tir létal par les forces de sécurité, formées au tir. Le Gouvernement est vivement encouragé à réfléchir au port d'armes par les forces d'interventions une fois le service fini, et ce afin d'augmenter les chances de pouvoir s'opposer à des terroristes. Dans le conflit social qui les a opposés à la justice fin 2015, les policiers se sont vus soutenus par les citoyens à 85 %. La ferveur qui a accompagné les interventions au Bataclan et à Saint-Denis quelques jours plus tard témoigne que les Français refusent que ceux qui défient notre Nation fassent la loi plus longtemps. Ce « ras-le-bol » s'exprime face au rôle que joue la justice dans les condamnations : les mesures envisagées ne vont pas assez loin. Il existe une vraie dichotomie entre les actions sur le terrain et le traitement des affaires en tribunal. Redonnons à l'État les moyens de lutter efficacement contre l'insécurité, moyens qui doivent dépasser les discours rassurant adressés aux citoyens après les drames nationaux de 2015.

Texte de la réponse

Les policiers comme les gendarmes assurent chaque jour, avec dévouement, professionnalisme et courage, le respect de la loi et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. En 2015 et en 2016 en particulier, plusieurs ont été assassinés par des terroristes islamistes. Depuis plusieurs mois, ils sont en outre soumis un rythme d'emploi exceptionnel du fait d'enjeux sécuritaires particulièrement nombreux : attaques terroristes, renforcement de la posture Vigipirate, multiplication de certaines formes radicales de contestation, crise migratoire, COP 21, mise en œuvre de l'état d'urgence, Euro 2016, mouvements sociaux, etc. Ils méritent le respect et la gratitude de la Nation. Tout doit être mis en œuvre pour garantir aux policiers des conditions de travail satisfaisantes, aussi bien pour les personnels que pour les victimes, et pour leur donner les moyens de remplir leurs missions quotidiennes dans de meilleures conditions d'efficacité et de sécurité. La sécurité est donc une priorité du Gouvernement qui, dans un contexte d'indispensable maîtrise de la dépense publique, se traduit pourtant par de réelles avancées. Sur la durée du quinquennat, les crédits d'équipement, d'investissement et de fonctionnement des forces de police auront ainsi connu une augmentation de 16 %, avec des conséquences directes sur le terrain en matière de renouvellement du parc automobile et du stock d'armes, d'équipement en gilets pare-balles lourds, de modernisation des systèmes d'information, etc. Sur le plan des effectifs, des moyens supplémentaires sont attribués aux forces de l'ordre. Depuis le début du quinquennat, 500 postes sont créés chaque année dans la police et la gendarmerie. Dans le cadre du renforcement du dispositif anti-terroriste annoncé en janvier 2015 par le Premier ministre, le Gouvernement a décidé la création de 1 400 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes entre 2015 et 2017. Pour faire face à l'ampleur de la crise migratoire, la loi de finances pour 2016 prévoit par ailleurs la création de 900 postes de policiers supplémentaires. A la suite des attentats de novembre 2015, le Président de la République a annoncé devant le Parlement réuni en Congrès l'ouverture de 5 000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes d'ici 2017. Au total, plus de 9 000 postes auront été créés en cinq ans dans la police et la gendarmerie, quand 13 000 avaient été supprimés précédemment. Sur le plan des moyens matériels, des efforts exceptionnels sont également consentis, aussi bien pour moderniser les équipements que pour les adapter face à l'évolution des menaces. Le plan de lutte anti-terroriste de janvier 2015 prévoit ainsi 233 millions d'euros de moyens d'investissement, d'équipement et de fonctionnement supplémentaires pour les forces de l'ordre, dont 89 millions d'euros pour les systèmes d'information et de communication. Le « pacte de sécurité » annoncé par le Président de la République après les attentats de Paris de novembre 2015 prévoit lui 246 millions d'euros de crédits d'investissement et d'équipement dès 2016. Par ailleurs, au titre du plan « BAC/PSIG 2016 » lancé par le ministre de l'intérieur en octobre 2015 pour renforcer les brigades anti-criminalité de la police et les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, 16,6 millions d'euros sont mobilisés pour accroître dès 2016 leurs moyens, notamment en les dotant d'un nouveau fusil d'assaut spécifiquement adapté à leurs missions et aux capacités dont ils doivent disposer pour riposter à des attaques de terroristes lourdement armés. Sur le plan juridique, les trois projets de loi adoptés en 2012, 2014 et 2015 sur la lutte contre le terrorisme et le renseignement ont amélioré et adapté les moyens des forces de l'ordre. La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale comporte également d'importantes avancées, aussi bien en simplifiant le formalisme de certaines règles de procédure pénale qu'en dotant les forces de l'ordre de nouveaux moyens, notamment en prévoyant un nouveau cas d'exonération de responsabilité pénale pour les policiers ou les gendarmes qui devraient neutraliser un individu armé ayant déjà commis ou tenté de commettre un ou plusieurs meurtres. Au-delà des moyens, l'Etat s'attache à mieux prendre en compte les sujétions particulières qui pèsent sur les membres des forces de l'ordre. C'est ainsi que le ministre de l'intérieur a signé le 11 avril 2016 avec les syndicats de police un Protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale (un protocole a également été signé avec le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie). Ce protocole constitue l'aboutissement du cycle de concertation qui s'était engagé à l'automne 2015 à la demande du Président de la République, à la suite du mouvement social au cours duquel les policiers avaient exprimé leur malaise et leurs difficultés. Pour la police nationale comme pour la gendarmerie nationale, les protocoles signés le 11 avril rassemblent un ensemble cohérent de mesures statutaires et indemnitaires permettant un déroulement de carrière plus fluide, réconciliant les grades et les missions et traduisant la reconnaissance attendue par les forces de l'ordre. Leurs mesures seront mises en œuvre selon un calendrier pluriannuel démarrant, pour certaines d'entre elles, dès 2016. Cette feuille de route pluriannuelle représente un effort financier total de 865 millions d'euros, répartis équitablement entre la police et la gendarmerie. Elle constitue un signe fort de la reconnaissance de l'Etat envers les policiers et les gendarmes, qui consentent des efforts exceptionnels pour assurer la sécurité des Français et le respect de l'ordre républicain.