Question de : M. Jean-Claude Bouchet
Vaucluse (2e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Claude Bouchet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement concernant le problème du traitement du drosophile suzukii sur la cerise qui sévit sur les vergers du Sud de la France depuis 2010. Homologué sur l'asperge, l'olive et la cerise contre la mouche méditerranéenne, le diméthoate a une action très intéressante sur la drosophilie suzukii de la cerise. Or ce produit, homologué initialement avec un délai de traitement avant récolte (DAR) à 7 jours, a vu ce délai augmenter à 21 jours en 2014. Un traitement à demi-dose a été autorisé à 14 jours en 2015. Pour autant, cette réponse n'apporte pas de satisfaction aux producteurs de cerise. En effet, seul le diméthoate à 7 jours était efficace. De façon générale pour l'ensemble des insecticides, l'augmentation du délai de traitement avant récolte et la baisse des doses obligent à plus de traitements développent une résistance des insectes et induisent une surpopulation difficile à enrayer. À terme et avec l'épée de Damoclès que constitue la perspective d'un retrait du diméthoate, c'est toute la production de cerises françaises, fortement pourvoyeuse d'emplois saisonniers, qui est menacée purement et simplement. Cette filière, malgré des charges considérables de main d'œuvre, ne faisait que rarement parler d'elle, autrement que par sa grande qualité. Et voilà qu'aujourd'hui, elle est en passe de disparaître du fait de la suppression programmée d'un produit incontournable dans la lutte contre un ravageur dont les dégâts sont massifs et foudroyants. Pour rappel, en 2014, les dégâts étaient estimés à 122 millions d'euros. Une situation d'autant plus paradoxale et incompréhensible car lorsque la cerise aura disparu, en passe d'obtenir l'IGP notamment en Vaucluse avec 30 % de la récole nationale, les consommateurs auront tout le loisir de consommer les cerises produites dans l'Union européenne ou dans le bassin méditerranéen et traitées au diméthoate. À trois mois et demi des premières cerises, les producteurs, engagés par ailleurs à rechercher activement une alternative au diméthoate, ont un besoin essentiel de sécurisation, le temps qu'une alternative émerge. Cette sécurisation passe, entre autres et de manière déterminante, par celle de leurs récoltes et par la révision du protocole de traitement au diméthoate afin de permettre son utilisation efficace. Il relaie le cri d'urgence des producteurs concernés et sollicite une intervention urgente du Gouvernement sur ce sujet afin de ne pas ajouter à la crise agricole qui sévit des difficultés qui n'auraient pas de raison d'être, d'autant plus si la prise en considération des arguments légitimes des producteurs de cerises était entendue.

Réponse publiée le 26 juillet 2016

Au niveau européen, la substance active insecticide diméthoate a été inscrite sur la liste des substances autorisées dans des produits phytosanitaires le 1er octobre 2007 pour dix ans. Cette décision a été prolongée jusqu'au 31 juillet 2018. Dans ce cadre, l'entreprise à l'origine de la demande d'inscription devait fournir des données relatives à certains métabolites préoccupants, destinées à confirmer l'évaluation des risques toxicologiques pour le consommateur. En 2013, sur la base de l'ensemble des données fournies par l'entreprise, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer formellement, au niveau européen, que l'utilisation de la substance active diméthoate ne présentait pas de risque inacceptable pour le consommateur. L'absence de conclusion européenne a renvoyé aux États membres la responsabilité de statuer, produit par produit et usage par usage, sur le niveau de risque pour le consommateur lié à l'utilisation de produits à base de diméthoate. L'entreprise commercialisant en France les produits à base de diméthoate a sollicité le renouvellement des autorisations de mise sur le marché de ses produits, qui allaient arriver à échéance. Elle n'a pas sollicité le renouvellement de l'autorisation pour l'usage sur cerisiers. En l'absence de données sur les résidus, quels que soient les usages revendiqués, l''agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a été conduite à retirer l'autorisation en France des produits à base de diméthoate en février 2016, sans aucune observation de la part de l'entreprise les commercialisant lors de la procédure contradictoire. L'examen des autorisations délivrées par d'autres États membres pour des produits identiques, notamment au titre de l'article 53 du règlement (CE) no 1107/2009 (« dérogations 120 jours ») avait par ailleurs conduit la France à solliciter auprès du pétitionnaire les données d'évaluation du risque pour le consommateur qui auraient pu être fournies dans d'autres États membres. Le détenteur a répondu que l'ensemble de ses données avaient été transmises dans le cadre de la demande de ré-approbation de la substance active, actuellement en cours d'examen par l'Italie, État membre rapporteur. L'usage sur cerises n'est toutefois pas défendu dans le cadre du dossier de ré-approbation de la substance active. Aucune pratique agricole sur la cerise ni aucune étude de résidus sur cette culture ne sont donc disponibles dans le dossier actuellement en cours d'examen. En l'absence de données complémentaires permettant d'envisager une dérogation, la France a demandé le 29 mars dernier à la Commission européenne de mettre en place des mesures d'interdiction immédiate de l'utilisation du diméthoate dans toute l'Union européenne sur les fruits et légumes et des mesures d'interdiction d'importation de cerises provenant de pays dans lesquels la substance serait autorisée. La Commission européenne a saisi l'EFSA, qui a rendu un avis, en urgence, le 11 avril, sur la base des données disponibles. L'avis de l'EFSA constate le manque de données pour ce produit, en particulier dans le traitement des cerises, et conclut que les risques aigus et à long terme de l'utilisation du diméthoate sur la santé des consommateurs ne peuvent pas être exclus. Une intoxication au diméthoate peut provoquer notamment des tremblements, une hypersalivation et, dans les cas graves, une détresse respiratoire. Dans le cadre des utilisations revendiquées antérieurement pour l'usage du diméthoate, la pratique agricole visant à assurer un niveau suffisant d'efficacité contre les mouches attaquant les cultures est très proche de la dose qui présente un risque pour le consommateur. Ce constat a d'ailleurs conduit, au niveau européen, à inscrire en 2015 le diméthoate sur la liste des substances actives dont les États membres doivent envisager la substitution par d'autres produits ou alternatives agronomiques. Pour être certain de protéger les consommateurs, mais également les agriculteurs français d'une concurrence déloyale, et en l'absence d'interdiction au niveau européen, le Gouvernement a pris une clause de sauvegarde le 21 avril 2016 qui interdit l'importation et la commercialisation en France de cerises fraîches provenant de pays autorisant le diméthoate. Il est à noter que la majorité des pays de l'Union européenne se sont engagés à ne pas délivrer en 2016 d'autorisation de mise sur le marché dérogatoire pour l'usage de diméthoate sur cerisiers voire même ont retiré cet usage avant le début de la campagne. Pour les producteurs français, la priorité est de limiter les dégâts de Drosophila suzukii en s'appuyant sur les préparations insecticides alternatives autorisées sur cerises ainsi que sur les solutions non chimiques de protection des cerisiers, qui présentent des niveaux d'efficacité variables mais apportent des solutions, seules ou en combinaison, pour lutter contre les mouches. Dans le cadre des échanges réguliers avec les professionnels agricoles concernés dans ce dossier, le ministre de l'agriculture a indiqué que les pertes de récoltes qui résulteraient cette année des dégâts générés par la mouche Drosophila suzukii pourraient être indemnisées à condition que les producteurs de cerises s'engagent dans un plan de prévention et de lutte durable contre cet insecte nuisible. De façon plus générale, les agriculteurs doivent, avec l'appui technique et financier décidé par le Gouvernement dans le cadre du plan Écophyto 2, construire des stratégies de lutte et de prévention collectives pour mieux se prémunir contre les ennemis des cultures.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Bouchet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 16 février 2016
Réponse publiée le 26 juillet 2016

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