Rubrique > entreprises
Tête d'analyse > réglementation
Analyse > société européenne. création. modalités.
M. Gilles Savary attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les conditions de transformation d'une société anonyme de droit français en société européenne (SE). Selon l'article 2.4 du règlement (CE) N° 2157/2001 du 8 octobre 2001, une société anonyme doit détenir depuis au moins deux ans une filiale relevant du droit d'un autre État membre pour pouvoir se transformer en SE. Le règlement européen pas plus que le code de commerce ne précisent toutefois si cette filiale doit être détenue directement ou si une détention indirecte satisfait également cette condition. Les rares commentaires sur les dispositions applicables estiment - tout en le déplorant pour certains - qu'en l'absence de précisions sur la notion de filiale, la prudence conduirait à se référer à la définition donnée par l'article L. 233-1 du code de commerce qui exige la détention directe de plus de la moitié du capital de la société considérée. Cette interprétation et l'appréciation du lien d'extranéité qui en découle ne paraissent pas satisfaisantes, notamment en ce qu'elles restreignent inutilement la portée dudit règlement alors que ce dernier entend s'adresser, aux termes de son préambule, à toutes les entreprises « dont l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux ». Il est à souligner que, dans le cadre de l'adoption du statut de SE, un « groupe spécial de négociation » chargé de déterminer les modalités de l'implication des salariés au sein de la SE doit être établi. Selon les termes de la directive européenne instituant cette obligation, la négociation doit s'étendre à l'ensemble des filiales directes et indirectes dans la mesure où le terme « filiale » désigne toute entreprise sur laquelle s'exerce une influence dominante de la société envisageant d'adopter le statut de SE. En outre, et alors même que l'article L. 2352.3 du Code du travail utilise sans précision le terme « filiale », les praticiens s'accordent à considérer que la constitution du « groupe spécial de négociation » doit prendre en compte toutes les filiales, qu'elles soient directes ou indirectes. Il serait donc incohérent de retenir une définition large du terme « filiale » concernant les obligations en matière sociale et une interprétation restrictive de ce même terme quand il s'agit du droit d'une société de se transformer en SE. Le critère d'extranéité se conçoit comme la justification du statut communautaire de la SE, mais il paraîtrait à l'évidence artificiel et arbitraire de n'apprécier ce critère qu'au seul niveau des filiales directes. Au surplus, le lien d'extranéité s'apprécie tant au niveau des filiales directes que des filiales indirectes chez certains de nos voisins européens, notamment en Espagne et en Allemagne. À titre d'exemple, une société de droit allemand (Klöckner et Co) s'est transformée en SE en justifiant détenir plusieurs filiales indirectes établies dans d'autres Etats membres. Retenir en France une conception étroite de la notion de filiale nuirait ainsi à la compétitivité de nos sociétés en ce qu'elle les placerait dans une situation inégale par rapport aux sociétés d'autres pays européens : une société française disposant de filiales indirectes en Europe serait dans l'incapacité de se transformer en société européenne, tandis qu'une société allemande placée dans une situation identique le pourrait. Aucun motif ne semble justifier, en droit comme en opportunité, une différence d'interprétation défavorable aux entreprises françaises.