14ème législature

Question N° 93922
de M. Éric Straumann (Les Républicains - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > radicalisation. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 08/03/2016 page : 1882
Réponse publiée au JO le : 14/06/2016 page : 5617

Texte de la question

M. Éric Straumann attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation des prisonniers radicalisés dans les prisons françaises. On estime en France à près d'un millier le nombre de détenus radicalisés. Les quartiers concernés dans les prisons, que l'on nomme de manière impropre des quartiers d'isolement, sont en réalité des quartiers qui permettent de mettre à l'écart les prisonniers radicalisés des autres prisonniers, mais en aucun cas ne les coupent d'activités ou des personnels pénitentiaires. Il y a ainsi, malheureusement, un contact entre prisonniers qui n'est pas nul. Et, en ne coupant pas totalement le lien entre les détenus radicalisés et les autres, le prosélytisme peut s'exercer. Aussi lui demande-t-il ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre afin que les détenus radicalisés dans les prisons françaises soient réellement isolés des autres.

Texte de la réponse

La lutte contre la radicalisation à dimension religieuse dans les établissements pénitentiaires fait partie des priorités du garde des sceaux La création des unités dédiées constitue l'une des principales mesures de la partie pénitentiaire du plan de lutte contre le terrorisme annoncé par le Premier ministre le 21 janvier 2015. Deux de ces unités dédiées, en plus de celle expérimentée à la maison d'arrêt des hommes de Fresnes, sont opérationnelles depuis fin janvier 2016. Pour des raisons tenant à l'architecture, la géographie, la capacité des sites à mettre en œuvre rapidement le dispositif, les implantations suivantes ont été retenues, en complément de l'unité mise en œuvre à la maison d'arrêt de Fresnes fin 2014 : deux unités à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ont ouvert fin mars 2016, une à la maison d'arrêt d'Osny et une au centre pénitentiaire d'Annœullin, près de Lille, actuellement ouvertes. L'affectation en unité dédiée est réservée aux hommes détenus majeurs, en raison de l'implantation de ces unités dans des établissements ou des quartiers d'hébergement n'accueillant qu'une population pénale masculine. Cette affectation permet d'assurer un encellulement individuel. Tout détenu placé en unité dédiée est pris en charge dans le respect du régime ordinaire de détention, avec les droits et obligations y afférents (maintien des liens familiaux, accès aux activités, etc.). La mise en œuvre de telles unités répond à la nécessité de proposer une prise en charge adaptée des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, tout en veillant au respect du bon ordre au sein des établissements pénitentiaires concernés. Deux unités sont consacrées à l'évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation. L'une d'elle, implantée à la maison d'arrêt de Fresnes, bénéficie de la proximité du centre national d'évaluation. La gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans les dossiers d'association de malfaiteurs a conduit à la création d'une seconde unité d'évaluation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. À la suite de l'évaluation ainsi réalisée et en fonction de leur profil, les personnes détenues peuvent être intégrées à un programme de prise en charge et alors affectées dans l'une des trois autres unités dédiées implantées dans la maison d'arrêt d'Osny ou de Fleury-Mérogis, ou au centre pénitentiaire de Lille Annœullin. Chaque unité peut proposer des modes de prise en charge différents liés au profil des personnes. Par ailleurs, le personnel y est dédié (ce qui est rendu possible par les renforcements permis par le plan de lutte contre le terrorisme) et spécialement formé. Le dispositif des unités dédiées n'est pas exclusif d'une prise en charge adaptée des détenus radicalisés dans tout établissement pénitentiaire. Il importe de distinguer les modalités de fonctionnement des unités dédiées du régime de l'isolement. En effet, l'isolement administratif est une mesure consistant à séparer une personne détenue majeure du reste de la population pénale, à sa demande (isolement dit à la demande) ou à la demande de l'administration pénitentiaire (isolement dit d'office), pour des raisons de protection ou de sécurité (des personnes codétenues ou membres du personnel), de la personne détenue elle-même ou de l'établissement (article 726-1 du CPP). Il ne constitue pas une mesure disciplinaire (article R. 57-7-62) ni un mode de gestion ordinaire de la population pénale. La durée de l'isolement ne peut excéder deux années sauf si, à titre exceptionnel, le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement et par décision spécialement motivée (article R. 57-7-68 CPP). 771 décisions de prolongation d'isolement, dont une centaine au-delà d'un an, ont été prises par l'administration centrale en 2013. Une prolongation législative de ce délai n'apparaît pas nécessaire. Cette mesure qui permet une gestion éclatée des personnes détenues les plus dangereuses apparaît la plus adaptée à la gestion des personnes détenues radicalisées rétives à toute prise en charge. Isoler les individus radicalisés dans un quartier à l'écart de la population carcérale trouve un écho dans le concept des unités dédiées destinées, d'une part, à mieux encadrer ces personnes détenues de façon à contenir les risques de prosélytisme radicalisé, et, d'autre part, à pouvoir mener, dès le début de l'incarcération, un travail spécifique pluridisciplinaire en amont d'une prise en charge éventuelle au sein d'un programme. L'enjeu est bien la dynamique autour de ces groupes réduits de personnes détenues.