14ème législature

Question N° 9447
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Défense
Ministère attributaire > Défense

Rubrique > défense

Tête d'analyse > télécommunications

Analyse > confidentialité. protection.

Question publiée au JO le : 13/11/2012 page : 6391
Réponse publiée au JO le : 25/03/2014 page : 2819
Date de renouvellement: 26/02/2013
Date de renouvellement: 04/06/2013
Date de renouvellement: 24/09/2013
Date de renouvellement: 28/01/2014

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'utilisation par notre aviation de chasse du réseau de communication tactique américain dit « liaison 16 ». Il lui demande comment l'installation sur nos rafales de ce système chiffré par le Pentagone ne compromet pas l'indépendance de notre dissuasion nucléaire. Il s'étonne qu'on l'ait utilisé pour transmettre entre ces avions des informations confidentielles. Il lui demande pourquoi nous équipons encore actuellement avec ce système des mirages qui seront bientôt retirés du service. Enfin, il souhaite connaître les raisons qui ont motivé son adoption alors qu'il ne semble pas nécessaire à l'interopérabilité de nos forces.

Texte de la réponse

L'objectif d'une liaison de données tactiques consiste en l'échange sécurisé d'informations entre les différents acteurs d'une opération. Aujourd'hui, les systèmes d'armes modernes doivent de plus en plus être connectés les uns aux autres. Par le partage d'informations dont elles sont le support, les liaisons de données tactiques accélèrent la boucle décisionnelle, accroissent l'efficacité opérationnelle et la maîtrise de la situation tactique et facilitent l'identification des forces en présence, réduisant ainsi le risque de tir fratricide. Les liaisons de données tactiques constituent à ce jour l'élément le plus abouti du concept de numérisation du champ de bataille. En effet, elles facilitent la coordination des manoeuvres interarmées et interalliés en permettant une meilleure intégration de leurs différentes composantes (terre, air, mer). L'acquisition par la France d'une liaison de données tactiques strictement nationale aurait été aussi onéreuse, sans toutefois offrir l'interopérabilité indispensable avec les autres nations utilisatrices de la « liaison 16 » (L16). Par ailleurs, bien que légitimes, les craintes concernant l'indépendance française de la dissuasion nucléaire vis-à-vis de ce système de communication s'avèrent infondées. En effet, la mission de dissuasion se réalise en totale autonomie nationale, sans utilisation de liaison de données, ni même de positionnement par satellite (GPS). Néanmoins, les Rafale, y compris ceux qui participent à la politique de dissuasion nucléaire, sont des avions polyvalents pouvant être utilisés pour des missions conventionnelles nécessitant la L16 telles que celles menées en Libye. A ce titre, ces aéronefs doivent donc également en être équipés, quand bien même leur mission principale ne le nécessite pas. Concernant les informations transmises, certaines peuvent revêtir un caractère sensible tant d'un point de vue technique qu'opérationnel. Aussi, afin de garantir leur confidentialité, il est exclu de diffuser sur un réseau multinational des informations classifiées « spécial France ». Pour ce faire, certaines fonctionnalités techniques de la L16 sont « bridées » (les données de guerre électronique ne sont pas diffusées) et des systèmes de cryptages nationaux sont parallèlement développés. Sur le plan opérationnel, le cryptage actuel - effectivement de conception américaine - permet de protéger très efficacement ces informations vis-à-vis des adversaires sans qu'il soit nécessaire de divulguer des informations strictement nationales à nos alliés. A titre d'exemple, l'utilisation de la L16 pour le tir d'un missile à partir d'informations de guidage fournies par un autre avion a été testée et validée sur le Rafale. Elle est rendue possible par le très haut degré d'intégration de la L16 dans le système Rafale et lui procure un avantage certain. En revanche, cette capacité ne nécessite pas la transmission de données opérationnelles ou industrielles techniquement sensibles sur le réseau, qu'il s'agisse du missile ou du porteur. S'agissant de l'intégration de la L16 sur les Mirage 2000, celle-ci concerne les deux versions les plus modernes de cet appareil : M2000-5 et M2000D. Les dates du retrait définitif de ces aéronefs du service ne sont pas encore arrêtées, mais pourraient être respectivement établies aux alentours des années 2025 et 2030. Parmi ces flottes, seuls les avions disposant du plus grand potentiel sont sélectionnés afin d'être dotés de la L16. Les premiers Mirage 2000D dotés de cette capacité ont participé aux opérations en Afghanistan, puis en Libye, et en ont tiré de grands bénéfices en terme d'interopérabilité et d'efficacité opérationnelle. Dans cette liaison de données, la France représente, d'un point de vue industriel, le deuxième partenaire des cinq Nations du programme relatif au support de communication et l'Europe dispose de sa propre chaîne de fabrication. D'un point de vue technique, la L16, loin d'être obsolète, fait appel à des architectures de communication éprouvées. Elle surclasse en débit, en portée et en sécurisation de l'information, les dernières générations de téléphonie mobile. De plus, ses évolutions, suivies dans un cadre interallié, permettront d'accroître encore ses capacités en 2020. Véritablement disponible sur les avions de combat depuis seulement le début des années 2000, elle équipe désormais la totalité des chasseurs américains F15 et F16. S'agissant du chasseur F22, appareil de dernière génération américain doté d'une liaison de données propre et non interopérable, l'armée de l'air des États-Unis a entrepris d'y intégrer également la L16 sans laquelle le F22 ne serait pas suffisamment interopérable. Ainsi, la L16 s'impose aujourd'hui comme une condition d'interopérabilité, et donc d'intégration, dans une coalition avec Américains ou Européens.