14ème législature

Question N° 94905
de M. Alain Tourret (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Environnement, énergie et mer
Ministère attributaire > Environnement, énergie et mer

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > énergie hydroélectrique

Analyse > moulins à eau. perspectives.

Question publiée au JO le : 12/04/2016 page : 3050
Réponse publiée au JO le : 19/07/2016 page : 6802
Date de signalement: 12/07/2016

Texte de la question

M. Alain Tourret alerte Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur le risque que fait peser l'application de la circulaire du 25 janvier 2010, dite « Borloo », qui prône l'effacement systématique des ouvrages et des seuils des moulins sur la pérennité des 60 000 moulins de France. Les moulins de France constituent des ressources économiques, énergétiques, un maillage territorial et un patrimoine culturel incontestable. Pourtant, l'administration refuse de considérer la valeur patrimoniale de ces usages en les réduisant à des « obstacles » à la continuité écologique. Or les propriétaires de moulins ne sont pas opposés au principe de la continuité écologique, mais à l'application excessive qui en est faite. C'est pourquoi il est absolument nécessaire et urgent de trouver une solution entre la gestion équilibrée de la ressource en eau et la préservation du patrimoine. La réunion de travail conjointe entre les deux ministères (environnement et culture) n'a abouti à aucune solution concrète pour sauvegarder le patrimoine hydraulique. Alors qu'une nouvelle mission vient d'être demandé au conseil général de l'environnement et du développement durable actant ainsi l'échec des conclusions de la précédente mission, la situation continue de se dégrader dans les territoires. Il souhaite donc connaître ses intentions pour permettre une conciliation harmonieuse des différents usages de l'eau, dans le respect du patrimoine et des obligations de la France tirées de la directive cadre sur l'eau et remédier aux situations de blocage avec l'administration.

Texte de la réponse

La continuité écologique des cours d'eau constitue l'un des objectifs fixés par la directive cadre sur l'eau (DCE). Elle est indispensable à la circulation des espèces mais également des sédiments. La conciliation entre ce principe et l'existence de moulins, dont l'aspect patrimonial de certains est indéniable, est cependant un autre objectif à atteindre. Ainsi, afin de pouvoir appréhender au mieux la situation actuelle, l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a établi un inventaire des obstacles à l'écoulement de toutes sortes (barrages, buses, radiers de pont, etc.). Celui-ci recense plus de 80 000 obstacles. Parmi ceux-ci, un premier ordre de grandeur de 18 000 obstacles dont le nom contient le mot « moulin » peut être tiré. Moins de 6 000 d'entre eux se situent sur des cours d'eau où s'impose une obligation de restauration de la continuité écologique. Enfin, une partie d'entre eux sont de fait partiellement ou totalement détruits et d'autres sont déjà aménagés d'une passe-à-poissons ou correctement gérés et ne nécessitent pas d'aménagement supplémentaire. Ainsi, il apparaît important d'indiquer que la politique de restauration de la continuité écologique ne vise pas la destruction de moulins. En effet, cette politique se fonde systématiquement sur une étude au cas par cas de toutes les solutions envisageables sur la base d'une analyse des différents enjeux concernés incluant l'usage qui est fait des ouvrages voire leur éventuelle dimension patrimoniale. Cette approche correspond à l'esprit des textes réglementaires sur le sujet, aucun n'ayant jamais prôné la destruction des seuils de moulins. Pour atteindre le bon état écologique et respecter les engagements de la France en matière de restauration des populations de poissons amphihalins vivant alternativement en eau douce et en eau salée, tels que le saumon, l'anguille ou l'alose, il est indispensable de mettre en œuvre des solutions de réduction des effets du cumul des ouvrages sur un même linéaire. C'est pourquoi, la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau se fonde également sur la nécessité de supprimer certains ouvrages, particulièrement ceux qui sont inutiles et/ou abandonnés. Ce point ne concerne ni ne vise spécifiquement les seuils de moulins. Les moulins entretenus, utilisés ou ayant une dimension patrimoniale d'intérêt, ne sont en aucun cas mis en danger par la politique de restauration de la continuité écologique. Compte tenu des nombreuses réactions, notamment des fédérations de propriétaires de moulins et d'élus, dues surtout à des incompréhensions de cette politique, une instruction a été donnée le 9 décembre 2015 aux préfets afin qu'ils ne concentrent pas leurs efforts sur ces ouvrages chargés de cette dimension patrimoniale. Cette instruction les invite également à prendre des initiatives pédagogiques à partir des multiples situations de rétablissement de la continuité réalisées à la satisfaction de tous, y compris sur les moulins. Le ministère chargé de l'environnement vient de prendre plusieurs mesures pour renforcer la conciliation sur cette question : - un appel d'offre pour le développement de la petite hydroélectricité vient d'être lancé, qui comprend la remise en exploitation de moulins dans le respect des enjeux environnementaux. Il fait suite à l'arrêté fixant les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables qui a été publié au Journal officiel le 26 avril 2016 ; - des pages pédagogiques sur le fonctionnement des cours d'eau et la continuité écologique ont été mises en ligne sur internet et sont disponibles à l'adresse suivante http://www.developpement-durable.gouv.fr/Un-cours-d-eau-comment-ca-marche.html ; - une charte est prête à être signée entre le ministère, l'ONEMA, la fédération nationale pour la pêche en France (FNPF), France nature environnement (FNE) et une des fédérations de représentants des propriétaires de moulins. Sa signature est en attente des dernières décisions législatives en la matière. Un article du projet de loi sur la biodiversité, par exemple, prévoit d'ores et déjà de donner un délai de 5 ans supplémentaires pour finaliser les travaux de mise en conformité des ouvrages, dès lors qu'un dossier d'aménagement aura été déposé dans le délai initial ; - le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a été missionné pour faire un état des lieux précis des moulins et une analyse des situations qui posent des difficultés et préconiser des solutions ; - un groupe de travail a été lancé à l'initiative du ministère chargé de la culture, avec les services du ministère chargé de l'environnement et les représentants des propriétaires de moulins, sur la question de la dimension patrimoniale des moulins. Le groupe de travail devrait proposer des pistes pour renforcer la concertation locale et la prise en compte adaptée de la dimension patrimoniale des moulins dans le cadre d'une diversité de solutions de conciliation avec l'enjeu de restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Tous ces éléments sont de nature à apaiser les tensions que cette question des moulins a pu générer, mais aussi à mettre en place une démarche appropriée, qui implique au cas par cas les parties concernées, pour concilier la restauration du bon état écologique de nos cours d'eau et la préservation de notre patrimoine des moulins. La politique du Gouvernement est donc bien celle du compromis en matière de restauration de la continuité écologique visant l'atteinte du bon état et le développement de l'hydroélectricité en tant qu'énergie renouvelable.