14ème législature

Question N° 95420
de M. François de Mazières (Les Républicains - Yvelines )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > communes

Tête d'analyse > publications

Analyse > droit d'expression. opposition. réglementation.

Question publiée au JO le : 03/05/2016 page : 3625
Réponse publiée au JO le : 03/01/2017 page : 109
Date de changement d'attribution: 07/12/2016

Texte de la question

M. François de Mazières attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'espace d'expression réservé dans les bulletins d'information générale diffusés par les communes aux conseillers municipaux. Si, en matière de publication municipale, il existe une disposition spécifique qui prévoit un espace réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale, le contrôle, qui incombe au directeur de la publication, n'est pas aisé, notamment dans le cadre des publications faites par des groupes d'opposition. En effet, le directeur de publication, qu'il soit maire, président d'agglomération, de conseil général ou régional, doit à la fois veiller au respect du droit d'expression, qui est une véritable « liberté fondamentale », mais également se voit dans l'obligation de vérifier et de surveiller les propos insérés ou diffusés qui pourraient être considérés comme délit de diffamation publique. Aussi, le directeur de publication se trouve le plus souvent dans une position extrêmement délicate devant contrôler des propos tenus par un groupe d'opposition à l'encontre d'un autre groupe d'opposition, l'obligeant à s'ériger en véritable arbitre de querelles internes à l'opposition et à prendre parti pour un groupe au détriment d'un autre. Pour éviter ces situations extrêmement complexes, il lui demande si une évolution législative peut être envisagée pour que, dans le cadre des journaux municipaux, les seuls auteurs des tribunes soient responsables des propos tenus.

Texte de la réponse

L'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales impose de réserver, dans les bulletins d'information générale diffusés par les communes de 3 500 habitants et plus, et à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux pour les communes de 1 000 habitants et plus, un espace d'expression aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Ce droit d'expression sur les affaires communales doit être exercé par leurs titulaires dans le respect des règles fixées par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et par le code électoral. L'article 42 de la loi précitée définit le directeur de publication comme auteur principal des crimes et délits commis par voie de presse. La responsabilité du maire en tant que directeur de la publication doit être appréciée selon la jurisprudence administrative, mais également selon la jurisprudence judiciaire. Le juge judiciaire attribue au directeur de publication, dans le cadre de ses fonctions, un devoir de vérification et de surveillance des propos insérés ou diffusés dans un média (Cass. Crim., 22 octobre 2002, no 01-86908 ; Cass. Crim., 27 novembre 2001, no 01-81390 ; Cass. Crim., 8 juillet 1986, no 85-94458). Du point de vue judiciaire, tout en restant soumise au contrôle du juge, une action préventive du maire, directeur de la publication, prenant la forme d'une demande de modification des propos litigieux ou d'un refus de les publier, peut être envisagée s'il estime que ces propos sont de nature à constituer une provocation aux crimes et délits, un délit contre la chose publique ou des personnes tels que punis par les dispositions du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881. La responsabilité du directeur de publication en tant qu'auteur principal de crimes et délits commis par voie de presse (article 42 de la loi du 29 juillet 1881) peut toutefois être dégagée si la publication de l'article en cause est liée au respect d'une obligation légale (Cass. Crim., 17 octobre 1995, no 93-85440 portant toutefois sur une annonce légale et non sur le droit d'expression de l'opposition). Le juge administratif a rappelé (CAA Nancy, 15 mars 2012, no 11NC01004) que : « le maire d'une commune, dès lors qu'il assure les fonctions de directeur de la publication du bulletin d'information municipal, est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée à raison des textes publiés par les conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale ; qu'à ce titre il doit être en mesure, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de s'opposer à la publication d'un texte qui serait de nature à engager sa responsabilité ; que le maire d'une commune diffusant un bulletin municipal est ainsi en droit de refuser de publier un écrit qu'il estime, sous le contrôle du juge, diffamatoire, injurieux ou discriminatoire ou portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs ». A ce jour, le Gouvernement n'envisage pas de retirer au maire la qualité de directeur de la publication des bulletins municipaux, dans la mesure où ce retrait reviendrait à modifier la nature juridique de cette publication qui ne serait plus soumise aux règles fixées par la loi du 29 juillet 1881. Le maire peut en revanche, dans le cadre de l'adoption du règlement intérieur, proposer des dispositions visant à préciser en amont les règles de publication afin d'encadrer, dans les limites de la loi précitée, les publications proposées.