14ème législature

Question N° 95430
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > défense

Tête d'analyse > armée

Analyse > militaires et civils. pathologies liées aux essais nucléaires. reconnaissance.

Question publiée au JO le : 03/05/2016 page : 3577
Réponse publiée au JO le : 26/07/2016 page : 6931

Texte de la question

M. André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, sur les modalités d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Le 13 octobre 2015, au cours de la réunion de la commission consultative de suivi, prévue par les lois 2010-2 du 5 janvier 2010 et 2013-1168 du 18 décembre 2013, relatives à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, Mme la ministre s'est déclarée déterminée à faire évoluer le nombre de victimes indemnisées qui, à ce jour, ne représentent que 2 % des demandes. Les critères d'évaluation du comité d'indemnisation (CIVEN), qui se fondent sur la notion de faible dose, ne sont plus en conformité avec les récentes évaluations. Les rapports fournis par le médecin expert du CIVEN sont en effet établis sur des mesures préventives datant de plusieurs décennies. De plus, ils font abstraction de la contamination qui se propage encore aujourd'hui sur les sites d'expérimentation du fait des retombées nucléaires sur un temps particulièrement long. Ainsi, les critères actuels heurtent l'éthique et anéantissent toute perspective de droit à réparation dû aux victimes. Or les dernières avancées scientifiques récusent le critère de faible dose et opposent à cette notion celle de dose supplémentaire par rapport à la radioactivité ambiante. Défendue par l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), la présomption de causalité stricte entre la maladie d'un vétéran et sa présence sur une zone de tir, au Sahara comme en Polynésie, est une garantie de reconnaissance que le CIVEN doit prendre en compte. Faute de quoi, de très nombreuses victimes resteront à jamais privées du droit à réparation auquel elles peuvent légitimement prétendre. En conséquence, il lui demande de lui communiquer les décisions qu'elle compte prendre pour que de nouveaux critères soient définis dans le but d'une pleine reconnaissance du droit à réparation pour toutes les victimes des essais nucléaires.

Texte de la réponse

Le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a été institué par la loi no 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Auparavant consultatif et placé sous tutelle du ministère de la défense, le CIVEN est devenu, depuis la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, une autorité administrative indépendante, et fonctionne sous ce nouveau statut depuis février 2015. Le système d'indemnisation repose sur une présomption de causalité entre les expositions aux rayonnements ionisants des essais nucléaires français et une maladie radio-induite. La présomption de causalité bénéficie toujours au demandeur lorsqu'il souffre ou a souffert de l'une des maladies radio-induites mentionnées en annexe du décret du 15 septembre 2014 et qu'il a résidé ou séjourné dans l'une des zones entrant dans le périmètre du décret. Les frais d'expertises, quand celles-ci sont ordonnées par le CIVEN, sont à la charge de ce comité. La présomption de causalité ne peut être écartée que si le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable au regard de la nature de la maladie et des conditions de l'exposition aux rayonnements ionisants. Cette présomption ne joue actuellement que si la probabilité de causalité est supérieure à 1%, seuil fixé par le CIVEN. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires a été réunie le 13 octobre 2015, pour la première fois sous la présidence de la ministre des affaires sociales et de la santé. La ministre a fait part de sa volonté d'améliorer le dispositif d'indemnisation, en commençant par une plus grande transparence de la méthode d'indemnisation et d'appréciation du risque négligeable par le CIVEN pour identifier les leviers d'amélioration à recommander. Cette méthode a depuis été rendue publique. Sur la base des travaux engagés à la suite de cette première commission, le Président de la République a annoncé, lors de son déplacement en Polynésie française, que le décret d'application de la loi no 2010-2 serait modifié pour préciser la notion de risque négligeable afin de permettre à plus de victimes d'être indemnisées, notamment lorsque les mesures de surveillance qui auraient été nécessaires n'ont pas été mises en place. La ministre des affaires sociales et de la santé a présidé, le 6 juillet 2016, la deuxième réunion de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires et a notamment présenté le projet de décret annoncé par le Président de la République. Avec ce projet, le gouvernement propose de fixer un seuil de probabilité plus bas, à 0,3%. Par ailleurs, le projet prévoit que le CIVEN puisse également prendre en compte d'autres éléments pour ouvrir droit à indemnisation et notamment l'incertitude liée à la sensibilité de chaque individu aux radiations et à la qualité des relevés dosimétriques. Enfin, le projet de décret précise les cas dans lesquels le risque que la maladie radio-induite dont est atteint le demandeur, soit attribuable aux essais nucléaires ne peut pas être considéré comme négligeable : lorsqu'aucune donnée dosimétrique ne peut être prise en compte et alors que des mesures de surveillance qui auraient été nécessaires n'ont pas été mises en place. Par ailleurs, le projet prévoit la mise en place de visioconférences pour que les victimes puissent se faire entendre par le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) lorsque les distances géographiques ne permettent pas un déplacement couteux. Enfin, la commission a considéré qu'il convenait d'étudier l'hypothèse d'un élargissement des maladies radio-induites listées en annexe du décret de 2014. L'ensemble des membres de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires a pu s'exprimer au cours de la réunion et notamment les associations dont l'AVEN.