14ème législature

Question N° 96018
de M. Fabrice Verdier (Non inscrit - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > contrats

Analyse > matières premières. révision de prix. réglementation.

Question publiée au JO le : 24/05/2016 page : 4370
Réponse publiée au JO le : 05/07/2016 page : 6325

Texte de la question

M. Fabrice Verdier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la possibilité d'insérer dans les marchés publics et dans tout contrat de la commande publique, des clauses venant limiter les effets de la révision de prix au préjudice des opérateurs économiques. La clause de révision de prix est obligatoire dans les marchés publics « d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux » (article 18-V du code des marchés publics), et dans ce cas elle doit être conforme au mécanisme de cet article 18-V (elle doit être établie en fonction d'une référence aux indices officiels de fixation des cours mondiaux) et ce sans possibilité d'aménagement contractuel. Pour les autres marchés, les modalités de la révision du prix sont fixées, soit en fonction d'une référence, soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation soit par combinaison de ces deux modalités. L'administration préconise toutefois de limiter les effets de la clause de révision du prix par l'insertion de clauses dites « butoir » - empêchant l'évolution du prix au-delà d'un niveau préfixé - ou de « sauvegarde » - lui permettant de résilier unilatéralement le marché sans indemnité lorsque le prix atteint un seuil préfixé, voire les deux. Il est permis de douter de la régularité de telles clauses, au regard d'abord des prescriptions de l'article 18-V du code des marchés publics qui interdit tout aménagement contractuel, au regard ensuite des principes de loyauté et d'équilibre des relations contractuelles dont s'inspire la jurisprudence administrative car ces clauses ont pour effet de déséquilibrer l'économie du contrat au préjudice du seul bénéficiaire du marché, en lui faisant notamment supporter seul les effets des évolutions erratiques des cours des matières premières. En outre, en particulier, la clause dite « butoir » n'est pas conforme à l'un des principes généraux applicables au contrat administratif, qui veut que la résiliation unilatérale par l'administration ouvre droit à réparation intégrale pour son titulaire sauf faute. Il apparaît en outre que de telles clauses ne remplissent pas l'effet escompté de préserver les finances publiques, en induisant dans les faits des effets pervers, à savoir des pratiques compensatrices par les entreprises et des risques sur l'exécution de leur marché. Enfin, en limitant le mécanisme de la clause de révision de prix, l'administration limite le jeu de la concurrence alors que les marchés publics sont un levier essentiel de la politique économique et sociale, et que nombre de nos entreprises sur le territoire ont vu récemment fondre leur marge. Il l'interroge donc sur la régularité de telles clauses « butoir » et « sauvegarde » dans les contrats publics notamment au regard de l'article 18-V du code des marchés publics et des exigences contemporaines de loyauté et d'équilibre des relations contractuelles, et lui demande de lui faire part des mesures qui seraient susceptibles d'être adoptées pour encadrer et limiter le recours à de telles clauses dans les marchés publics.

Texte de la réponse

L'acheteur public n'est pas un acheteur ordinaire : en raison de l'origine publique des fonds qu'il dépense et des missions d'intérêt général qu'il poursuit, il bénéficie de prérogatives de puissance publique autorisant l'utilisation de clauses exorbitantes du droit commun. C'est notamment le cas pour les contrats administratifs, particulièrement les marchés publics, qu'il est amené à passer. Les clauses « butoir », qui plafonnent l'augmentation du prix, ou les clauses « de sauvegarde », qui permettent la résiliation anticipée et sans indemnité d'un contrat, entrent dans la catégorie des clauses exorbitantes du droit commun. Leur utilisation est avant tout justifiée par la nécessité de préserver les intérêts financiers de la collectivité publique et donc des finances publiques. Toutefois, une confusion est parfois constatée entre les clauses « butoir » et les clauses « de sauvegarde », notamment lorsqu'elles sont utilisées dans un même contrat de manière complémentaire. Les clauses « butoir » limitent simplement le jeu de la clause de variation de prix en plafonnant l'augmentation possible au niveau fixé par la clause. Le contrat continue de s'exécuter et le fournisseur est tenu de livrer les prestations au prix plafonné. La résiliation n'est pas possible. C'est pourquoi une clause « de sauvegarde » est généralement prévue, afin de rendre possible la résiliation du marché, par une décision unilatérale de l'acheteur public. Il ne s'agit toutefois que d'une possibilité, et non d'une obligation. Cette résiliation permet de lancer une nouvelle consultation afin de repartir sur des bases de prix conformes à la pratique du moment, avec une remise en concurrence qui laisse ses chances à l'entreprise précédemment titulaire de reconquérir le nouveau marché. En évitant de contraindre l'entreprise à pratiquer un prix décalé par rapport aux conditions économiques réelles, sont préservés à la fois l'entreprise et l'acheteur. Ce dernier n'a en effet pas intérêt à poursuivre l'exécution d'un contrat pour lequel son cocontractant, qui perd de l'argent par rapport à ses prévisions initiales, risque de diminuer notablement la qualité des prestations, même si cela est en contradiction éventuelle avec le contrat. Si la clause « de sauvegarde » est utilisée seule, le prix n'est alors pas plafonné et le prix proposé, en cas de révision de prix par ajustement, ou calculé, en application d'une formule de révision de prix, continue à s'appliquer. Si l'acheteur n'a financièrement pas les moyens d'assumer cette augmentation, ou s'il escompte obtenir par un appel au marché de meilleures conditions, ou encore s'il peut substituer d'autres prestations à celles prévues par le marché, il peut décider de résilier le marché. Cette décision est certainement économiquement meilleure, même pour l'entreprise titulaire, que la poursuite éventuelle de l'exécution du marché. Les clauses « de sauvegarde » sont donc des clauses conformes aux exigences du décret no 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, notamment son article 18-VI, et protectrices des intérêts des deux parties. Mais le titulaire ne peut décider de son propre chef de mettre un terme au contrat en cours, si les conditions de prix résultant de l'application des clauses qu'il a approuvées en remettant son offre lui semblent déséquilibrées. Il lui revient alors de démontrer à l'acheteur le déséquilibre constaté afin d'obtenir la résiliation du marché. L'acheteur devra considérer le risque qu'il prend, pour l'exécution de son contrat ou pour la concurrence future, en mettant son fournisseur dans une situation financière dangereuse.