14ème législature

Question N° 96254
de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > agriculteurs

Analyse > contraintes administratives. simplification.

Question publiée au JO le : 07/06/2016 page : 4910
Réponse publiée au JO le : 30/08/2016 page : 7691

Texte de la question

M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le choc de simplification administrative attendu et revendiqué par les agriculteurs français. « Simplifier, c'est depuis 3 ans le mot d'ordre du Gouvernement pour faciliter la vie quotidienne des entreprises et des particuliers, pour bâtir une relation de confiance entre l'administration et ses usagers et favoriser un gain collectif de temps et d'argent ». Cette communication du Gouvernement du 24 mai 2016 est en réalité très éloignée de ce que vivent les agriculteurs français ! Hors les déclarations fiscales et sociales habituelles, y compris le « document unique d'évaluation des risques » que les agriculteurs remplissent comme toutes les entreprises, les exploitations familiales ont l'impression fondée de subir une inflation de normes administratives qui polluent leur activité : le « cahier d'épandage prévisionnel », le « cahier d'épandage réalisé », le « carnet sanitaire », le « cahier phytosanitaire », la « déclaration des surfaces d'intérêt écologiques, SIE », le « contrôle des surfaces non agricoles, SNA », la « déclaration du registre parcellaire graphique, RPG », la « déclaration des effectifs des animaux ». Pas moins de huit déclarations spécifiques au monde agricole ! Une agricultrice qui aidait auparavant une douzaine d'exploitants agricoles à remplir leurs déclarations est obligée aujourd'hui de passer par un cabinet spécialisé pour remplir les siennes tellement c'est devenu compliqué ! Les agriculteurs payent ainsi entre 500 et 1 500 euros par prestation. Ces huit déclarations représentent une moyenne d'une journée de travail par semaine. C'est 2 kg de papiers supplémentaires à remplir par an et par exploitation ! C'est 2 000 à 9 000 euros de frais en plus, dans une période déjà difficile ! Les agriculteurs n'en peuvent plus ! À l'évidence, il existe une forme de « surenchère environnementale » qui s'abat sur la profession notamment les exploitations familiales. Surenchère nourrie par la transposition de textes européens en droit français avec des règles parfois plus contraignantes en France ce qui génère une concurrence déloyale favorable aux agriculteurs d'autres pays européens moins tatillons : par exemple, nos voisins agriculteurs belges qui vendent aussi leurs produits en France ont une réglementation beaucoup plus simple chez eux ! Ils sont donc largement avantagés par rapport aux agriculteurs français. À cela s'ajoute la complexité des dossiers pour l'attribution des aides de la PAC qui sont aujourd'hui découplées. Pourquoi s'acharner sur les agriculteurs français, s'interrogent les intéressés, confrontés à des normes qui les étouffent désormais presque autant que les difficultés financières. De plus, la multiplication des déclarations se traduit naturellement par la multiplication des contrôles. Une exploitation familiale est contrôlée au moins une fois par an. Tout cela n'instaure pas de relation de confiance. Pour protéger les consommateurs français et européens, les règles environnementales et sanitaires doivent être les mêmes dans tous les pays d'Europe ! Elles doivent être contrôlées de la même manière partout. C'est loin d'être le cas. Et cette bureaucratie est d'autant plus mal vécue que des groupes comme Monsanto peuvent dicter leur loi sur les OGM ou le Round-up ! Et que dire des conséquences à venir du traité transatlantique en cours de négociation et des effets économiques, agricoles, sanitaires ou environnementaux qui résulteront de l'irruption de produits issus de l'agriculture américaine sur le marché intérieur français ! Il y a deux poids deux mesures et cela fragilise notre agriculture et nos exploitants. Le Gouvernement peut agir rapidement dans ce domaine pour alléger les formalités administratives des agriculteurs français tout en restant dans le cadre de règles de protection répondant à l'attente de nos concitoyens. Il conviendrait pour l'agriculture française d'être au moins alignée sur les normes administratives appliquées dans les principaux pays agricoles d'Europe. Des centaines de milliers d'agriculteurs gagneraient du temps et de l'argent ! L'État n'y perdrait pas de ressources et retrouverait du crédit et de la confiance auprès d'une profession qui mérite d'être entendue, soutenue et respectée ! Il lui demande les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour répondre à ces besoins et résoudre ces difficultés.

Texte de la réponse

Conformément à la politique du Gouvernement pour renforcer la compétitivité des entreprises, notamment par la mise en œuvre d'un choc de simplification, le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, s'est doté d'une feuille de route ambitieuse de simplification résultant d'une concertation large des acteurs, et en particulier des représentants des exploitants agricoles. Ces mesures portent tant sur l'allègement des normes que sur la simplification de la réalisation des démarches administratives. La simplification des normes est une priorité pour les agriculteurs confrontés à l'application de nombreuses règles sectorielles qui se cumulent. Le Premier ministre a annoncé le 3 septembre 2015 qu'une nouvelle méthode serait élaborée afin d'associer les professionnels agricoles très en amont de la définition des mesures. Cette nouvelle méthode a pour objectif de simplifier les règles qui s'appliquent aux exploitants. Elle devra assurer la cohérence des différentes réglementations et mesurer le respect de l'équivalence des charges qui pèsent sur les agriculteurs français et leurs principaux concurrents européens. Pour répondre à cette préoccupation, le Premier ministre a confié par courrier du 4 mars 2016 à M. Pierre-Etienne Bisch, préfet-conseiller d'État en service extraordinaire, la présidence d'un comité qui associe les organisations syndicales représentatives agricoles, les directions des cabinets des ministères concernés, des représentants de l'association des régions de France, des chambres d'agriculture, des coopératives agricoles et des instituts techniques. Ce comité s'est réuni pour la première fois le 23 mars 2016 puis le 5 juillet 2016. Il examinera également les propositions de simplification de la réglementation en vigueur proposées par la mission qui a été confiée à Mme Odette Herviaux, sénatrice du Morbihan, ainsi qu'à un directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, un directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement et un représentant des chambres d'agriculture. Cette nouvelle méthode permettra de faire évoluer régulièrement la législation française en accord avec les textes européens, tout en prenant en compte la légitime demande professionnelle de simplification, de sécurité juridique et d'absence de distorsion avec les agriculteurs des pays voisins. Par ailleurs, il est à noter que depuis la campagne 2016, le dépôt des demandes d'aides surfaciques agricoles par voie électronique est généralisé. Ainsi, la déclaration 2016 (qui regroupe en une seule démarche toutes les déclarations relatives aux surfaces d'intérêt écologiques, aux surfaces non agricoles, aux parcelles et aux effectifs des animaux) s'effectue uniquement sur TelePAC. La demande faite via cet outil permet à l'agriculteur de mieux visualiser tous les éléments de sa déclaration et de réaliser sa démarche de façon plus pratique et sécurisée. Ainsi, la dématérialisation de la démarche offre accès à des photographies en couleur sur lesquelles il est possible de zoomer pour affiner les éléments graphiques à déclarer, propose des messages d'alerte pour éviter les erreurs de déclaration et attirer l'attention sur d'éventuels oublis, et met à disposition des fonctionnalités facilitatrices de déclaration graphique (notamment des outils de dessin). Les télédéclarants peuvent également joindre toutes leurs pièces justificatives directement par TelePAC sans être obligés de les envoyer par voie postale. De plus, le site TelePAC offre une disponibilité de service étendue dans la mesure où il est ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Pour l'ensemble des démarches administratives, les services déconcentrés du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt appuyés par les réseaux professionnels des prestataires de services agricoles demeurent mobilisés et disponibles sur l'ensemble du territoire afin d'accompagner les exploitants dans leurs démarches administratives. Concernant le partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement, l'Union européenne et les États-Unis sont engagés dans des négociations depuis juillet 2013. L'agriculture constitue l'un des sujets les plus sensibles à traiter dans le cadre de cette négociation. Si la perspective d'un accord, qui mettrait en place la plus vaste zone de libre-échange jamais créée, constitue une réelle opportunité pour l'Union européenne en termes de croissance et d'emploi, une attention particulière devra impérativement être accordée à certains sujets, afin d'aboutir à un résultat équilibré et mutuellement satisfaisant, qui ne remette pas en cause notre modèle de société ou nos secteurs économiques essentiels. Ainsi, par exemple, dans le cadre de ces négociations, le Gouvernement français est vigilant à ce que les produits identifiés comme « sensibles », dont la viande bovine fait partie, bénéficient d'un traitement spécifique, garantissant ainsi qu'ils ne feront pas l'objet d'une libéralisation dommageable et tenant compte des différences de conditions et de coûts de production entre les filières européenne et américaine. La France est en outre très attentive à la préservation du modèle alimentaire européen, auquel sont attachés les consommateurs et citoyens français. Les produits importés devront respecter la réglementation européenne, notamment en matière d'interdiction de traitement des viandes d'animaux aux hormones ou avec tout autre promoteur de croissance, en matière d'organismes génétiquement modifiés, ou encore d'interdiction d'une décontamination chimique des viandes non autorisée dans l'Union européenne. C'est un point sur lequel le Gouvernement français est particulièrement vigilant et qui contribue à limiter les distorsions de concurrence. Ces exigences s'appliquent pour l'ensemble des accords commerciaux. Parmi nos intérêts agricoles offensifs figurent la reconnaissance et la protection effective des principales indications géographiques européennes, que la France défend comme un objectif prioritaire pour l'Union européenne dans chacune de ses négociations commerciales, et la levée des barrières non tarifaires américaines, afin que nos exportateurs aient effectivement accès au marché américain. Le Gouvernement français soutient vigoureusement l'obtention de résultats positifs sur ces deux aspects, porteurs d'exportations et donc d'emplois en France et en Europe. Enfin, la France est très active auprès de la Commission européenne pour obtenir que les négociations se tiennent dans la transparence, à l'égard de la société civile et des États membres, condition nécessaire pour permettre à ces derniers d'exercer le rôle que leur confèrent les traités.