14ème législature

Question N° 97157
de Mme Sylviane Bulteau (Socialiste, écologiste et républicain - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants et mémoire
Ministère attributaire > Anciens combattants et mémoire

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Tête d'analyse > carte du combattant

Analyse > conditions d'attribution.

Question publiée au JO le : 05/07/2016 page : 6102
Réponse publiée au JO le : 06/09/2016 page : 7947

Texte de la question

Mme Sylviane Bulteau interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire au sujet de l'inéligibilité à la délivrance de la carte du combattant pour les militaires ayant pris part aux opérations qui eurent lieu au Tchad entre les mois de mars et de novembre 1968. En effet, le Tchad, ancienne colonie française, obtient son indépendance en 1960. Immédiatement confronté à divers mouvements de rébellion qui déstabilisent le pays, et plus particulièrement certaines zones situées au Nord et à l'Est de celui-ci, il doit faire face à des populations musulmanes semi-sédentaires qui contestent la prééminence des chrétiens animistes dans la nouvelle administration étatique. En 1966, les rebelles du Nord constituent un Front de libération nationale (FROLINAT) auquel la jeune armée tchadienne peine à répondre. C'est alors que le Gouvernement tchadien se tourne vers la France, en vertu des accords de défense signés dès 1960, conduisant au déploiement d'unités opérationnelles dans ce pays le 18 mars 1968. En conséquence, le président Tombalbaye demande expressément à la France un soutien armé au mois d'août de la même année, soutien qui prend donc effet le 25 août 1968 à travers l'arrivée d'une compagnie du 3e RPIMa qui rejoint ainsi le 6e RIAOM qui était déjà sur place, rétablissant l'ordre au Tibesti. Mais cet appui ponctuel nécessite ensuite une seconde intervention française, plus volontaire, plus conséquente, à compter de mai 1969 et ce jusqu'en août 1972, qui prendra le nom d'opération « Limousin ». Or les unités ayant participé à cette première phase des opérations étaient tout à la fois constituées de soldats professionnels et d'appelés du contingent. Néanmoins, l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne fait pas mention des opérations menées au Tchad entre les mois de mars et de novembre 1968, privant les militaires qui y ont pris part de la possibilité d'accéder à la carte du combattant. En revanche ceux qui ont participé aux opérations au Tchad après le 15 mars 1969 sont, quant à eux, éligibles à la délivrance de la carte du combattant. Ainsi il semble bien que les personnels ayant contribué à la première partie de l'opération se voient refuser le bénéfice du droit à la carte du combattant au motif que leurs unités ne sont pas reconnues comme combattantes. Pourtant ces militaires se trouvaient bel et bien engagés dans des opérations de maintien de l'ordre et étaient donc exposés au danger. Le fait qu'ils aient pu obtenir le bénéfice de la « campagne double » le démontre sans ambages. Surtout, il ne semble pas y avoir de différence de nature notable entre les opérations engagées au Tchad au cours de l'année 1968 et celles menées de 1969 à 1972. En ce sens, il apparaît qu'existe une réelle différence de traitement entre des militaires ayant vraisemblablement accompli les mêmes missions. Dès lors elle l'invite à étudier la possibilité d'ouvrir le bénéfice de la carte du combattant à ces militaires dont elle suppose que le nombre doit être relativement réduit.

Texte de la réponse

Le droit à la carte du combattant, initialement limité aux Première et Seconde Guerres mondiales, au conflit indochinois, à la guerre d'Algérie et aux combats du Maroc et de la Tunisie, a été étendu aux opérations extérieures (OPEX) par la loi du 4 janvier 1993 et son décret d'application du 14 septembre 1993, codifiés aux articles L. 253 ter et R. 224 E du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG). Aux termes de ces dispositions, l'attribution de la carte du combattant est subordonnée soit à l'appartenance à une unité combattante pendant 3 mois avec ou sans interruption, ou à une unité ayant connu au cours de la présence des intéressés 9 actions de feu ou de combat, soit à la participation personnelle à 5 actions de feu ou de combat. Eu égard aux conditions contemporaines d'engagement des forces françaises et à leur dangerosité, le dispositif réglementaire concernant l'attribution de la carte du combattant au titre des OPEX a évolué en 2010 avec le décret no 2010-1377 du 12 novembre 2010 modifiant l'article R. 224 E du CPMIVG, pour introduire la notion de danger caractérisé au cours d'opérations militaires. En application de ces dispositions, l'arrêté du 10 décembre 2010, publié au Bulletin officiel des armées, dresse la liste des actions qui se sont déroulées au cours de ces opérations militaires terrestres, navales et aériennes et qui constituent des actions de feu ou de combat propres aux OPEX. Certaines actions ne requérant pas nécessairement l'usage du feu, mais constituant par elles-mêmes un danger caractérisé (contrôle de zone, intervention sur engin explosif, mine, piège ou munition, recherche, sauvetage et récupération au combat, évacuation sanitaire, évacuation de personnes, contrôle de foule, action de renseignement, protection d'espaces maritimes, ravitaillement en vol, PC volants, etc.), peuvent ainsi être prises en compte pour la qualification des unités combattantes. Un arrêté du 12 janvier 1994 modifié, publié au Journal officiel du 11 février 1994, a fixé la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du CPMIVG. S'agissant des opérations menées au Tchad, les périodes retenues pour la délivrance de la carte du combattant s'étendent du 15 mars 1969 au 31 décembre 2013. Il ressort en effet des archives des unités terrestres stationnées dans la région du Tibesti antérieurement au 15 mars 1969 que les forces armées françaises n'ont jusqu'à cette date été impliquées ni dans des actions de feu ou de combat, ni dans des actions constituant un danger caractérisé. Souhaitant voir encore améliorer les droits des militaires de la 4ème génération du feu au regard de ce dispositif, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire a proposé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, une extension en leur faveur du critère, jusqu'ici appliqué pour les conflits d'Afrique du Nord, de 4 mois de présence sur les théâtres d'opérations pour pouvoir prétendre à la carte du combattant. C'est ainsi que la loi no 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a généralisé le critère de 4 mois de présence sur un théâtre d'opération pour l'attribution de la carte du combattant aux militaires des OPEX. Cette durée est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat. Les militaires n'ayant pas appartenu à une unité officiellement classée combattante par le service historique de la défense, mais qui ont servi 4 mois ou plus lors d'OPEX, peuvent donc prétendre à la carte du combattant. Cette mesure, entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2015, contribue à réaffirmer la reconnaissance de la Nation à l'égard des combattants de la 4ème génération du feu et à renforcer le lien armée-nation. Dans ce contexte, rien ne s'oppose à ce que les militaires stationnés au Tchad avant le 15 mars 1969 puissent prétendre au bénéfice de la carte du combattant, s'ils remplissent ce critère de 4 mois de présence sur un territoire au titre d'opérations extérieures auxquelles ils ont pu participer au cours de leur carrière.