14ème législature

Question N° 97260
de M. Bernard Gérard (Les Républicains - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > enseignement privé

Tête d'analyse > établissements hors contrat

Analyse > contrôle. renforcement. perspectives.

Question publiée au JO le : 05/07/2016 page : 6124
Réponse publiée au JO le : 25/10/2016 page : 8903
Date de signalement: 11/10/2016

Texte de la question

M. Bernard Gérard attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la volonté affichée de renforcer les contrôles des écoles privées hors contrat et de l'instruction à domicile. L'une des raisons invoquées à cette volonté de renforcer les contrôles est notamment de lutter contre « des enseignements trop lacunaires, ne garantissant aucunement un socle minimal de connaissances aux enfants, voire attentatoires aux valeurs républicaines ». Cette volonté ne peut se faire au détriment de la liberté d'enseignement. Ainsi, il lui demande quelles sont les garanties pour la liberté d'enseignement mais également pour la liberté pédagogique, lorsque l'enseignement n'est pas attentatoire aux valeurs républicaines.

Texte de la réponse

Le Gouvernement entend bien garantir la liberté de l'enseignement dont le principe « a notamment été rappelé à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, [et] constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle » aux termes du 3ème considérant de la décision du Conseil constitutionnel no 77-87 DC du 23 novembre 1977. Toutefois, cette liberté n'est pas absolue : elle doit s'exercer dans le respect, notamment, du droit de l'enfant à l'instruction, auquel le point 13 du Préambule de la Constitution de 1946 donne toute sa valeur. La France est tenue de garantir tant la liberté de l'enseignement que le droit de l'enfant à l'instruction non seulement par son droit constitutionnel, mais aussi par des conventions internationales auxquelles elle est partie : en particulier, l'article 2 du Protocole additionnel (Paris, 20 mars 1952) à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conseil de l'Europe, Rome, 4 novembre 1950) ; sur son fondement, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les réglementations nationales qui garantissent le droit à un enseignement conforme à ses convictions et le droit à l'instruction ne doivent « jamais atteindre la substance ni se heurter » à l'un de ces droits (25 février 1982, Campbell et Cosans c. R-U, points 40 et 41). En outre, le droit de l'enfant à l'instruction est également garanti par l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (Nations Unies, Paris, 10 décembre 1948) et par les articles 28 et 29 de la Convention relative aux droits de l'enfant (Nations Unies, New York, 20 novembre 1989). Les craintes exprimées sur la garantie de la liberté de l'enseignement sont donc infondées puisque le Gouvernement ne propose ni de modifier la Constitution, ni de revenir sur les engagements internationaux de la France. S'agissant des établissements scolaires privés, le Gouvernement demande au Parlement l'autorisation d'adopter une ordonnance qui modifierait le régime d'ouverture des établissements d'enseignement privés. Les dispositions de cette ordonnance seront examinées par le Conseil d'État avant sa promulgation et par le Parlement lors de sa ratification. La réforme proposée concernant les seuls établissements d'enseignement privés qui n'existent pas encore, les craintes exprimées pour la pérennité des établissements d'enseignement privés déjà ouverts sont sans fondement. À l'heure actuelle, les dispositions qui régissent l'ouverture de ces établissements sont celles des lois « Falloux » de 1850, « Goblet » de 1886 et « Astier » de 1919. La réforme est essentiellement technique et a pour objet d'harmoniser et de moderniser leurs dispositions qui prévoient trois régimes différents de déclaration d'ouverture préalable. Ces régimes déclaratifs prévoient un droit d'opposition au profit de l'administration,  mais qui s'exerce dans un délai trop court et pour des motifs insuffisants qui le privent de son efficacité. Ainsi, le cadre juridique actuel ne permet pas de s'opposer à l'ouverture d'un établissement qui ne remplit pas les conditions légales pour fonctionner. Par conséquent, l'état actuel du droit suscite trop souvent des situations de « fait accompli » qui ne sont acceptables ni pour l'État, ni pour les collectivités locales, ni pour les familles, ni même pour les établissements qui se trouvent parfois en insécurité juridique. Pour offrir à tous un dispositif plus sûr et plus efficient, le Gouvernement envisage effectivement le passage à un régime d'autorisation préalable. C'est le régime de droit commun, au sein duquel, en particulier, le silence de l'administration vaut accord, dans un délai qui peut être aménagé en fonction de la complexité de la procédure (V. les articles L. 231-1 et L. 231-6 du code des relations entre le public et l'administration).C'est le régime déjà en vigueur en Alsace et en Moselle, sans que quiconque ne prétende qu'il est attentatoire à quelque liberté que ce soit. Le Gouvernement souhaite s'appuyer sur l'ensemble des dispositifs déjà en vigueur et envisage notamment de réunir les motifs de refus figurant dans la loi « Astier » en vigueur, et ceux interdisant aujourd'hui aux établissements de fonctionner figurant dans la partie législative du code de l'éducation. Si l'un des objectifs visés par cette réforme est bien, avant que l'établissement ne soit ouvert, de protéger les familles au mieux contre les risques que présente la radicalisation, le Gouvernement est convaincu de longue date que cette lutte passe également par un renforcement du contrôle des établissements en cours de fonctionnement. C'est la raison pour laquelle, sans qu'il ait paru nécessaire de modifier la loi, des démarches importantes ont déjà été menées pour renforcer la qualité de ces contrôles, et s'assurer que toutes les conséquences en sont désormais tirées. Ainsi, des inspections récentes ont concerné des établissements relevant de différents caractères propres, pour vérifier qu'ils respectent la loi et, en particulier, que l'enseignement qu'ils dispensent est conforme à l'objet de l'instruction obligatoire et qu'il permet aux élèves de partager les valeurs de la République, comme de se préparer à exercer leur citoyenneté. Sur le fondement de ces inspections, il est apparu que certains de ces établissements ne respectent pas l'objet de l'instruction obligatoire ; dans ces cas, les recteurs ont saisi les procureurs de la République aux fins de faire fermer ces établissements par le tribunal correctionnel. En effet, s'agissant de l'exercice d'une liberté publique, seul le juge pénal est compétent pour décider la fermeture d'un établissement d'enseignement ; c'est une garantie que le Gouvernement entend protéger. S'agissant de l'instruction dans la famille, une enquête réalisée par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et portant sur l'année 2014-2015 a permis d'identifier les difficultés rencontrées par les services académiques dans l'organisation du contrôle de l'instruction dans la famille. La ministre a décidé de mettre en place un nouveau dispositif législatif et réglementaire afin d'améliorer l'effectivité et la qualité des contrôles et de renforcer le dialogue éducatif avec les familles. Un contrôle plus sécurisant et plus clair est de fait le meilleur allié de la liberté d'enseignement. Il s'agit notamment de : - clarifier les règles sur les modalités et le lieu du contrôle : il revient à l'autorité académique de déterminer les modalités et le lieu du contrôle. Le contrôle devra désormais se dérouler sous la forme d'un entretien avec les personnes responsables de l'enfant en présence de ce dernier. L'enfant devra ensuite effectuer des exercices écrits ou oraux ; - préciser les sanctions en cas de refus réitéré de contrôle : les parents qui refuseront deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle pédagogique seront désormais mis en demeure de l'inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, selon la même procédure que celle prévue en cas de résultats insuffisants du second contrôle ; - permettre aux inspecteurs et aux familles de disposer de références pédagogiques communes pour apprécier la progression de l'enfant vers l'acquisition des compétences et connaissances du socle commun : dans le plein respect des choix éducatifs effectués par les familles, les inspecteurs pourront désormais se référer aux objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle de la scolarité obligatoire.