14ème législature

Question N° 97909
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Tête d'analyse > Canada

Analyse > accord de libre-échange. ratification. mise en oeuvre.

Question publiée au JO le : 19/07/2016 page : 6727
Réponse publiée au JO le : 11/04/2017 page : 2864
Date de changement d'attribution: 07/12/2016

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le respect des principes démocratiques dans le cadre de l'examen du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (CETA). Depuis 2009 et le début des négociations de la Commission européenne sur ce traité, l'absence de transparence et de prise en compte des intérêts et des attentes des peuples a constitué le fil conducteur de ces discussions. Il a été signé en 2014 par le gouvernement canadien, le Conseil et la Commission européenne. Le 13 mai 2016, les 28 États membres de l'Union européenne ont demandé qu'il ne soit définitivement ratifié qu'après un vote des parlements nationaux en plus de celui du Parlement européen. En effet, qualifié « d'accord mixte » puisque son contenu aborde la question des barrières non tarifaires aux échanges internationaux, il porte directement atteinte aux normes sociales, sanitaires et environnementales des États. Il prévoit notamment la création d'un tribunal arbitral privé permettant aux multinationales de porter plainte contre les États. Malgré cette demande, le Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, renouvelait publiquement le 29 juin 2016 son intention de tout faire pour se passer du débat et du vote des parlements nationaux sur cet accord. Mais le 5 juillet 2016, sous la pression citoyenne et politique, le collège des commissaires européens a finalement décidé que ce texte ne relevait pas de la compétence exclusive des institutions européennes mais aussi des États. Il a donc renoncé à adopter ce traité commercial sans l'aval des parlements nationaux. La Commission prévoit cependant une application « provisoire » de l'accord dès sa ratification par le Parlement européen et pour une durée de 3 ans sans attendre le vote des parlements nationaux. Ainsi la clause dite d'arbitrage entre une multinationale et un État s'appliquerait « provisoirement » pendant cette période, même en cas de rejet de l'accord par un parlement national, ce qui revient pour les États à accepter de se faire dicter leur loi par des intérêts privés. La Commission européenne déroge ainsi aux plus élémentaires principes démocratiques alors même que le contenu de cet accord aura de très lourdes conséquences pour de nombreux secteurs économiques et au regard du respect des normes sociales et environnementales adoptées souverainement. Il souhaiterait connaître sa position sur ce nouveau déni de démocratie et savoir si la France compte refuser toute application provisoire de cet accord sans débat et vote des parlements nationaux.

Texte de la réponse

Le CETA est un accord de commerce équilibré avec un allié important. Les demandes de la France ont été prises en compte. Les résultats de la négociation sont satisfaisants tant sur les aspects tarifaires (droits de douane), que sur un accès amélioré aux marchés publics, la reconnaissance des indications géographiques (173 européennes dont 42 françaises) ainsi que le remplacement du mécanisme d'arbitrage privé Investisseurs/Etats par l'instauration d'une Cour de justice publique. Sur ce point, la reprise par le gouvernement de Justin Trudeau de la proposition européenne de cour permanente publique portée par la France depuis 2015, rompt avec les tribunaux privés qui étaient tendanciellement favorables aux investisseurs et garantit le droit à réguler des Etats. Concernant le processus de ratification, la position de la France portée par le secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur a toujours été que le CETA est un accord "mixte", c'est-à-dire qu'il couvre des domaines relevant des compétences de l'Union européenne et de ses Etats membres. En conséquence, les parlements nationaux doivent impérativement être saisis. Grâce à la mobilisation de la France notamment, la Commission européenne a finalement, conformément à son annonce du 5 juillet dernier, soumis au Conseil une proposition de signature du CETA en tant qu'accord mixte, confirmant la nécessité pour les parlements nationaux d'autoriser la ratification de l'accord. La France reste toutefois vigilante sur le périmètre précis des compétences nationales que proposera la commission au regard des traités. Suite à sa signature à l'occasion du Sommet UE-Canada le 30 octobre, l'accord doit désormais être approuvé par le Parlement européen, ce qui ouvrira la voie à son application provisoire. La France a été très vigilante pour que le champ de cette application provisoire soit établi dans le respect de la répartition des compétences entre l'Union et ses Etats membres. Les parlementaires nationaux auront ensuite à se prononcer par un vote sur la ratification de l'accord afin de permettre son application complète. Au-delà du processus de ratification, le gouvernement est attaché au contrôle démocratique sur la politique commerciale, en soutenant une transparence approfondie : dialogue renforcé avec l'ensemble des élus et de la société civile au sein du Comité de suivi stratégique (CSS) de la politique commerciale, information continue du Parlement, multiplication des débats publics, politique de mise en ligne de documents, lancement de groupes de travail. Le Canada a qualifié cet accord d'historique et souhaite que le CETA puisse entrer en vigueur. La France partage cette appréciation. L'UE doit être reconnue comme un partenaire fiable pour faire entendre sa voix.