14ème législature

Question N° 98708
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > pharmacie et médicaments

Tête d'analyse > médicaments

Analyse > antiépileptique. conséquences.

Question publiée au JO le : 06/09/2016 page : 7844
Réponse publiée au JO le : 20/09/2016 page : 8372

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la conduite du Gouvernement dans l'affaire de la Dépakine. Alors que ce médicament, à base de valproate de sodium, a pour vocation originelle de lutter contre l'épilepsie, de nombreuses prescriptions ont été octroyées à des femmes enceintes dans le cadre de traitements contre la bipolarité. Malgré les nombreuses alarmes lancées par différentes personnalités du monde paramédical, comment se fait-il que le ministère de la santé n'ait pas pris de mesures favorisant son interdiction ? Mis en évidence dans les années 2000, le risque, pour un enfant dont la mère avait pris cette substance, d'être atteint de troubles psychomoteurs voire d'autisme avait été relevé. Dès 2000, l'alerte était lancée sur les risques, pour les enfants exposés in utero, de contracter des retards de développement. « Cinq ans que je le dénonce sur tous les toits ! Si les patients n'avaient pas soulevé le lièvre, on aurait continué à en prescrire encore plus allègrement » s'est émue la présidente de l'Association d’aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (APESAC) dans les colonnes du Parisien (25 août 2016). D'autre part, une étude datée du mois de mai 2015 soulignait également la dangerosité du produit : comment expliquer que la molécule était encore massivement prescrite au premier trimestre 2016 (51 512 femmes enceintes en ont reçu) ? 57 % des femmes concernées avaient l'usage du médicament dans le cadre d'un traitement contre l'épilepsie, 43 % pour des troubles bipolaires. Entre 2007 et 2014, en dépit de ces différentes alertes, 14 432 femmes enceintes ont absorbé de la Dépakine et 8 701 enfants sont nés vivants après avoir été exposés in utero au valproate de sodium. C'est désormais une certitude : la Dépakine, commercialisée par le laboratoire pharmaceutique Sanofi, est à l'origine de malformations fœtales, de troubles du comportement chez l'enfant exposé in utero. Environ 10 % des enfants ayant bénéficié de cet octroi sont touchés par des malformations, 30 à 40 % d'entre eux présentent des retards dans l'acquisition de la marche, de la parole, troubles de la mémoire, etc. si l'on en croit l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Comme de coutume, le Gouvernement est plus prompt à déplorer les effets déplorables de telles expérimentations qu'à en juguler les causes pour y mettre définitivement un terme. La création d'un fonds pour les victimes de la Dépakine, annoncé il y a quelques jours par son ministère, tient désormais lieu d'acte de légitimité. Pour autant, comme le soulignait l'avocat de l'APESAC : « L'État, comme le laboratoire SANOFI ont failli, avec des responsabilités partagées à 100 % pour chacun ». Dans cette perspective, il l'interroge sur les moyens qu'elle envisage de mettre en œuvre pour interdire ce médicament dangereux.

Texte de la réponse

La ministre des affaires sociales et de la santé a rendu publics, le 24 août 2016, les premiers résultats d'une étude réalisée à sa demande par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS). Cette étude a été présentée par le directeur général de la santé à la présidente de l'association APESAC (Aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant). Sur la base des données de l'Assurance maladie, cette étude montre qu'entre 2007 et 2014, 14 322 grossesses ont été exposées à l'acide valproïque, avec une diminution de 42 % du nombre annuel de grossesses exposées sur cette période. Cette baisse du nombre de grossesses exposées, bien que significative, montre un niveau de prescription qui reste globalement élevé. Le deuxième volet de cette étude portera sur les enfants issus des grossesses exposées ainsi identifiées. Cette étude porte sur une période antérieure aux principales mesures prises dans le cadre du plan d'action engagé par la Ministre des Affaires sociales et de la Santé pour renforcer la prévention des risques pour les femmes enceintes. Ses résultats confirment l'importance de ce plan d'action et du renforcement des mesures entreprises. Dans le cadre du plan d'action déjà annoncé en mars 2016, et au vu de ces résultats, la Ministre des Affaires sociales et de la Santé a annoncé : • la mise en place effective dans les six mois du protocole national de dépistage et de signalement (PNDS) en cours d'élaboration, qui permettra une prise en charge en totalité par l'Assurance maladie des soins des patients identifiés dans le cadre ce programme ; • sur la base des travaux issus de la mission d'expertise juridique lancée au mois de mars, la mise en place d'un dispositif d'indemnisation pour les victimes, qui sera voté au Parlement d'ici la fin de l'année dans le cadre des lois financières. La mission d'expertise juridique sera amenée à rencontrer prochainement le laboratoire Sanofi ; • le renforcement de l'information liée à la prise de médicaments contenant de l'acide valproïque au cours de la grossesse : un pictogramme indiquant le danger de son utilisation pendant la grossesse, conçu en lien étroit avec l'association APESAC, sera apposé sur les boîtes de médicaments en plus des mentions d'alerte déjà existantes dans les six mois (compte tenu des délais de fabrication des boîtes) ; • la création d'un système d'alerte dans les logiciels d'aide à la prescription et à la dispensation utilisés par les médecins et les pharmaciens ; • l'élargissement des mesures de précaution aux autres traitements de l'épilepsie et des troubles bipolaires : l'ANSM réévaluera ainsi 21 substances actives pour le traitement de l'épilepsie. Cette réévaluation sera également mise en place pour les traitements des troubles bipolaires, pour lesquels l'utilisation d'acide valproïque sera rendue plus contraignante. Un suivi prospectif de l'ensemble des antiépileptiques sera réalisé en lien avec l'APESAC ; • par ailleurs, la proposition de registre national des malformations congénitales, créé à partir de la fédération des six registres existants, sera présentée lors de la prochaine réunion du comité stratégique des registres, le 4 octobre prochain. Le cahier des charges finalisé est prévu pour novembre prochain ; • le renforcement des mesures de réduction du risque pour l'acide valproïque, en poursuivant la communication vers les professionnels de santé, l'information des patientes et les études en cours. Ces mesures s'inscrivent dans la continuité des actions menées depuis 2013 par la Ministre pour renforcer la prévention des risques associés à la prise d'acide valproïque ou d'autres médicaments au cours de la grossesse, mais également pour organiser un diagnostic et une prise en charge adaptés pour les patients. La ministre des affaires sociales et de la santé rappelle son engagement, sans faille, auprès des familles et suivra avec une extrême vigilance la bonne mise en œuvre de ces mesures auxquelles l'APESAC restera étroitement associée.