14ème législature

Question N° 992
de M. Alain Tourret (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Calvados )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > effectifs. perspectives.

Question publiée au JO le : 20/06/2013
Réponse publiée au JO le : 20/06/2013 page : 6631

Texte de la question

Texte de la réponse

SURPOPULATION CARCÉRALE

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Alain Tourret. Madame la garde des sceaux, la politique pénale menée par les gouvernements Fillon dont vous avez héritée s'illustre avec la dramatique surpopulation carcérale d'aujourd'hui (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) : 67 977 détenus pour 57 325 places de prison : voilà le triste record atteint par notre pays le 1er juin. Le taux de détention en France est dorénavant de 103 pour 100 000 habitants, record absolu depuis l'épuration en 1945.
Dimanche, un détenu de trente-sept ans, en détention provisoire depuis quelques mois, s'est suicidé à la maison d'arrêt de Nevers. Le taux de suicides dans nos prisons est désormais de 15,5 pour 10 000 détenus, soit deux fois supérieur à la moyenne européenne.
Depuis hier, des manifestations réunissant des centaines de surveillants de prison, manifestations ayant conduit au blocage de beaucoup d'établissements pénitentiaires - maisons d'arrêts ou prisons - témoignent de l'asphyxie de notre système pénitentiaire.
Tout cela concourt à rendre la situation de nos prisons explosive. Madame la ministre, cela ne peut plus durer. Les peines plancher, les peines minimales voulues par l'ancien Président de la République n'ont fait qu'empirer la situation.
Vous avez exprimé votre volonté de multiplier les mesures alternatives à l'emprisonnement, afin que la peine pénale garde tout son sens et toute sa valeur. Nous soutenons ces initiatives.
Il faut multiplier les travaux d'intérêt général. Le numerus clausus doit être une solution et non un pis-aller : il permet de hâter la sortie de prison de condamnés en fin de peine.
Par ailleurs, ne faut-il pas proposer une amnistie présidentielle à l'occasion de la fête nationale (Protestations sur les bancs du groupe UMP), comme c'était jadis l'usage, alors que l'été, saison explosive dans les prisons, approche ?
Madame la ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale les contours de la politique carcérale du Gouvernement et les moyens qu'il entend y consacrer ? C'est une question d'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
M. Philippe Meunier. Pompier-pyromane !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous connaissez la position du Président de la République sur l'amnistie.
Sinon, vous avez raison, la situation est préoccupante et c'est bien la politique pénale qui tire la politique carcérale. Ces dernières années, une politique pénale profuse, désordonnée, contradictoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), fortement marquée par les automatismes a produit un stock de peines considérable. Les peines plancher qui limitent la libre appréciation du juge pour une sanction efficace et une exécution adaptée ont provoqué à elles seules, depuis 2007, le prononcé de plus de 4 000 années supplémentaires d'incarcération par an, et nous sommes sur le point d'atteindre le millier de matelas par terre.
Le constat est accablant : 46 % des personnes qui entrent en détention exécuteront une peine de moins de six mois et se trouvaient dans l'incapacité d'indemniser les victimes. 98 % d'entre elles sortiront en sortie sèche, c'est-à-dire sans accompagnement, alors que l'on sait que cela provoque deux fois plus de risques de récidive.
Cette politique pénale de cafouillage qui a duré une dizaine d'années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...
Mme Marie-Odile Bouillé et M. Marcel Rogemont. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ...a effectivement mis en danger la sécurité des Français, a provoqué des conditions de détention indignes et des conditions de travail extrêmement difficiles.
Nous agissons sur plusieurs plans, et d'abord sur l'aménagement des peines. Outre ma circulaire de politique pénale, nous avons créé 120 postes d'application des peines, dont 80 magistrats qui prononcent les peines d'aménagement et 40 greffiers. Nous avons accéléré et intensifié les rénovations pénitentiaires et la réhabilitation du parc pénitentiaire. Une construction raisonnable est financée.
M. Nicolas Dhuicq. Vous avez arrêté la construction de prisons !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons signé, avec le principal syndicat, un protocole pour la promotion statutaire, pour l'indemnisation et le sens du métier.
Nous voulons surtout redonner du sens à la peine, assurer la sécurité des Français, prévenir la récidive et faire en sorte que l'incarcération ait un sens dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)