15ème législature

Question N° 10078
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > cours d'eau, étangs et lacs

Titre > Sauvegarde des moulins et continuité écologique

Question publiée au JO le : 03/07/2018 page : 5742
Réponse publiée au JO le : 20/11/2018 page : 10522
Date de changement d'attribution: 05/09/2018
Date de signalement: 06/11/2018

Texte de la question

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les risques qui pèsent sur les moulins de rivière français, liés à une législation ambivalente. Au nombre de 60 000, les moulins représentent le troisième patrimoine national, après les châteaux et les églises. Ancrés dans les territoires, ils constituent, d'une part, un maillage territorial important, et d'autre part, des ressources économiques et énergétiques non-négligeables. Ce patrimoine est aujourd'hui menacé par une réglementation qui oscille entre une volonté de sauvegarder le patrimoine et un objectif de continuité écologique, entraînant le nécessaire effacement des ouvrages considérés comme des « obstacles ». Actuellement, la législation française fait écho à la directive-cadre sur l'eau (DCE) du 23 octobre 2000, qui a introduit au niveau communautaire le principe de continuité écologique, entendu comme « la libre circulation des poissons et de l'ensemble des organismes aquatiques ». Ce principe a été renforcé au niveau national par le biais de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, qui entend assurer la continuité écologique des cours d'eau. À la lecture de ces textes, il n'est aucunement fait mention d'une quelconque incompatibilité entre réalisation du principe de continuité écologique et préservation du patrimoine, nécessitant une destruction des ouvrages. Pourtant, le 25 janvier 2010, la circulaire dite « Borloo » a opposé ces deux objectifs, menaçant de fait les quelques 20 000 moulins à eau français. Au nom de la continuité écologique, elle prône « l'effacement systématique », soit la destruction des ouvrages rompant cette continuité des rivières. Les propriétaires de moulins, tout comme les associations de défense du patrimoine, se montrent aujourd'hui inquiets face à cette législation : ils ne s'opposent pas à la continuité écologique en tant que principe, mais bien à ses modalités d'application qu'ils jugent excessives. De plus, le caractère ambivalent et incertain de la législation a été accentué l'année dernière par l'adoption de la loi n° 2017-227 du 24 février 2017, qui permet aux propriétaires de moulins à eau de mettre en place une production électrique sur leurs ouvrages. Les propriétaires qui s'impliquent peuvent alors obtenir des dérogations aux aménagements de continuité écologique, conformément à l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement. Néanmoins, la politique actuelle de continuité écologique tend à privilégier la destruction de ces sites, potentiellement exploitables, sur décision des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Le rôle prépondérant des DDTM est d'ailleurs critiqué car il peut entraîner des inégalités dans l'application de la loi, selon les départements et l'interprétation qui en est faite. Elle complexifie également l'accès à la production hydro-électrique, avec des délais dépassant majoritairement les cinq années entre le début du projet et l'injection du premier kWh. Alors que les préoccupations écologiques sont aujourd’hui au cœur des politiques publiques, il est primordial de permettre la préservation des moulins en capacité de produire de l'électricité : s'en passer serait contraire au souhait de développement des énergies renouvelables. Par conséquent, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement concernant la conciliation entre continuité écologique, sauvegarde du patrimoine et développement de la petite hydroélectricité. De plus, il lui demande des réponses sur le coût public de la continuité écologique et de sa mise en œuvre, estimé à près de deux milliards d'euros, ainsi que sur l'indemnisation due par l'État pour les études et travaux relatifs aux moulins.

Texte de la réponse

La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages sur les cours d'eau qui empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, qui ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Cette préoccupation est ancienne puisque la première loi prévoyant d'imposer le franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865 avant les grands barrages et avant la pollution du 20ème siècle. La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que l'hydroélectricité, le patrimoine. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence, la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent. Afin d'apaiser ces oppositions exacerbées, un groupe de travail a été constitué au sein du comité national de l'eau (CNE). Les fédérations de défense des moulins et l'association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l'ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail se sera réuni 5 fois entre octobre 2017 et fin mai 2018. Il s'est vu confier par le CNE une mission d'écoute, d'analyse et de synthèse formulées sous forme d'un projet de plan d'action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le CNE rendra un avis sur ce projet de plan qui sera adressé au ministre. On ne doute pas, au regard des travaux du groupe, que ceux-ci permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.