Question écrite n° 1016 :
Mise en œuvre de la directive « ruling » n° 2015/2376 du 8 décembre 2015

15e Législature
Question signalée le 11 décembre 2017

Question de : Mme Émilie Cariou
Meuse (2e circonscription) - La République en Marche

Mme Émilie Cariou alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur le sujet des rescrits fiscaux, leur transparence et le bénéfice tiré pour la France par la mise en œuvre de la directive « ruling » n° 2015/2376 du 8 décembre 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Grâce à l'action de l'International Consortium for Investigative Journalism (ICIJ) et des titres de presses notamment français comme Mediapart ou Le Monde, l'affaire « Luxleaks » à l'automne 2014 a donné un important éclairage sur les pratiques de certaines multinationales pour baisser leur taux réel d'imposition sur les bénéfices, via différents montages et agréments fiscaux sollicités dans d'autres pays de l'Union européenne. Différentes mesures et actions à l'échelon communautaire ont suivi ces révélations. Notamment initiée par le commissaire aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'union douanière, c'est en particulier une norme organisant l'échange d'informations sur les « décisions fiscales anticipées » qui a été adoptée, la directive n° 2015/2376 du 8 décembre 2015 (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal ». Elle systématise les échanges automatiques d'information pour les administrations fiscales des États de l'Union sur les différents actes des autorités nationales accordant une garantie au contribuable concernant la façon dont certains aspects de la fiscalité seront traités dans ce cas précis. Par une loi du 23 juillet 2016, le Grand-Duché du Luxembourg s'est d'ailleurs acquitté de ses obligations de transposition en adaptant sa législation pour mettre en œuvre ces nouvelles obligations, en vigueur le 1er janvier 2017 ainsi que le commande la directive du 8 décembre 2015. Soucieux de préserver les ressources fiscales françaises venant des impositions des sociétés multinationales, afin de protéger les finances publiques comme de lutter contre une certaine forme de concurrence déloyale contre les entreprises françaises et européennes, les Français attendent la mise en œuvre effective de ce type d'initiatives. Elle lui soumet ainsi les interrogations suivantes : 1. Dans quelle mesure avons-nous mis en œuvre cette directive n° 2015/2376 du 8 décembre 2015, en modifiant le cas échéant notre droit ; 2. Dans quelle mesure sommes-nous amenés à transmettre des informations concernant ces décisions fiscales anticipées, et quelles ont déjà été les utilisations faites par les administrations fiscales des partenaires européens ; 3. Surtout, symétriquement, que faisons-nous des informations ainsi obtenues des autres administrations fiscales européennes depuis le 1er janvier 2017 ? Les éléments qui nous sont transmis ont-ils par exemple déjà permis aux services fiscaux français de faire le jour sur la situation fiscale et les bénéfices d'entreprises qui exercent des activités en France mais sont fiscalisées dans d'autres pays de l'Union ? Il est question évidemment de l'impôt sur les sociétés, mais également de l'assiette des impôts locaux, en particulier de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et donc des ressources directes pour les collectivités territoriales ; 4. Quelles perspectives offre ce mécanisme européen d'échange automatique d'informations, notamment avec des États hors Union européenne et membres de l'OCDE.

Réponse publiée le 22 mai 2018

La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et notamment l'optimisation fiscale des multinationales est une priorité du Gouvernement. C'est dans cet esprit, notamment, que la France soutient activement la mise en œuvre des conclusions du projet de lutte contre l'érosion des bases et les transferts de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS) lancé en 2012 par le G20 et l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans ce cadre, l'action 5 relative à la lutte contre les pratiques fiscales dommageables, adoptée en 2015, prévoit un mécanisme d'échange spontané des décisions fiscales anticipés (notamment les rulings pratiqués par certains États étrangers). Il s'agit d'un standard minimal que tous les États et territoires membres du cadre inclusif de mise en œuvre du projet BEPS institué à la demande du G20 par l'OCDE, au nombre de plus d'une centaine, doivent appliquer. Il fait l'objet d'une revue par les pairs et un premier rapport sur son application doit être publié en 2018. Dans ce cadre, la directive du 8 décembre 2015 relative à la transparence des décisions anticipées à caractère transfrontalier dite DAC3 transpose cette norme internationale à travers un dispositif d'échange automatique d'informations permettant un accès à tous les États membres. La France a été activement engagée dans les discussions afin d'obtenir son adoption en prenant en compte le champ le plus large possible. Elle s'attache désormais à observer ses obligations internationales et européennes en recourant aux accords d'échange de renseignements qui la lient avec un grand nombre de partenaires et, au sein de l'Union européenne (UE), à la directive. Au plan du droit interne, l'article L. 114 A du Livre des procédures fiscales explicite le fait que des informations peuvent être échangées sur le fondement de ces instruments si bien qu'aucune mesure juridique de transposition n'a été nécessaire. La France a, d'ores et déjà, transmis plus de 50 décisions fiscales anticipées. Ces décisions portent, par exemple, sur les accords unilatéraux préalables sur les prix ou sur la confirmation de la présence d'un établissement stable en France d'une société étrangère. À ce jour, la France n'a reçu aucune demande d'assistance administrative d'une autorité compétente étrangère pour obtenir le détail de ces décisions fiscales anticipées. Symétriquement, la France a reçu depuis 2016 plus de 1 400 décisions fiscales anticipées de pays étrangers. L'information a été fournie aux services de vérification lorsqu'un contrôle était en cours. Au niveau de l'UE, un répertoire central européen a été créé et, est entré en fonctionnement en septembre 2017. Ce répertoire contient depuis le 1er janvier 2018 l'intégralité des décisions fiscales anticipées délivrées du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 (sous réserve qu'elles aient toujours un effet au 1er janvier 2014) et du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Ces informations sont susceptibles d'être utiles dans le cadre du contrôle fiscal d'une entité française, notamment pour évaluer le risque de transfert de bénéfices vers l'étranger. La mise en place du dispositif étant récente, les premiers résultats en matière fiscale ne pourront être observés qu'ultérieurement.

Données clés

Auteur : Mme Émilie Cariou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Impôt sur les sociétés

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 11 décembre 2017

Dates :
Question publiée le 12 septembre 2017
Réponse publiée le 22 mai 2018

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