15ème législature

Question N° 1020
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Ville et logement
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > pauvreté

Titre > Faim en Seine-Saint-Denis

Question publiée au JO le : 19/05/2020
Réponse publiée au JO le : 20/05/2020 page : 3527
Date de changement d'attribution: 19/05/2020

Texte de la question

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur la faim en Seine-Saint-Denis. « Les gens ont faim » : voilà ce que disent aujourd'hui les bénévoles associatifs en Seine-Saint-Denis. Car en Seine-Saint-Denis, le coronavirus ne tue pas seulement davantage qu'ailleurs. L'épidémie et ses conséquences plongent aussi de nombreux habitants déjà fragiles dans une précarité plus grande encore. Dans un département où près de 28 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (deux fois la moyenne nationale !), la crise sanitaire se double d'une crise sociale, une crise d'une gravité telle qu'elle est d'abord une crise alimentaire. Avoir faim, se demander comment l'on va nourrir sa famille : la question hante aujourd'hui le quotidien de milliers d'habitants du département. Partout les files d'attente s'allongent devant les points de distribution alimentaire. Le nombre des demandes aux centres communaux d'action sociale explose. Les personnes concernées ne sont pas seulement les mêmes qu'avant le confinement : de nombreuses familles qui n'y avaient pas recours n'ont d'autre choix que de solliciter l'aide alimentaire et menacent de tomber dans la pauvreté. Le préfet de la Seine-Saint-Denis lui-même estimait récemment que 15 000 à 20 000 personnes risquent d'avoir du mal à se nourrir. Beaucoup d'autres le peuvent encore, mais seulement au prix de choix déchirants, de privations indicibles. Que M. le ministre entende le témoignage d'une habitante d'Aubervilliers, dans la circonscription de M. le député : « Mon mari est intérimaire, depuis la mi-mars il ne gagne plus rien. Nous ne touchons plus que les allocations pour les enfants. Je ne payerai pas mon loyer en avril. Ma priorité est de nourrir mes trois enfants ! ». Comment peut-on accepter cela aujourd'hui en France, dans la 6ème puissance économique mondiale ? Depuis début mars 2020, c'est avant tout la générosité et l'élan de solidarité de la population, des associations, qui a permis de faire face à l'urgence. Pour beaucoup d'habitants, les distributions de paniers repas, de produits de première nécessité, le soutien humain aussi, ont constitué une aide cruciale, souvent la seule. Il faut rendre hommage à toutes celles et ceux qui se sont engagés sans compter. Mais ces dons volontaires ne suffisent pas à eux seuls, d'autant que les séquelles sociales de la crise seront durables. C'est à l'État de prendre ses responsabilités et d'agir massivement pour protéger toutes celles et ceux qui en ont besoin. Or le Gouvernement ne prend pas la mesure de l'urgence sociale qui frappe la Seine-Saint-Denis. C'était déjà le cas avant la crise : le « plan » pour le département annoncé par le Premier ministre en octobre 2019 n'était pas à la hauteur. La surdité de M. le ministre est plus grave encore aujourd'hui. L'aide exceptionnelle de 150 euros et de 100 euros par enfant qu'il a annoncée, versée une seule fois aux foyers les plus modestes, ne suffit pas, pas plus que l'enveloppe de 39 millions d'euros destinée aux associations chargées de l'aide alimentaire et à la distribution de chèques d'urgence alimentaire. M. le ministre ne peut-il vraiment pas faire plus, quand l'État a débloqué, par exemple, 7 milliards d'euros de prêts pour Air France-KLM ? Les mesures qui pourraient être prises immédiatement sont pourtant simples. M. le député les a proposées au Premier ministre dans un courrier : encadrer les prix des produits alimentaires de première nécessité ; doubler la prime aux ménages les plus modestes et la pérenniser jusqu'à la fin de la crise ; mettre en place un soutien vraiment massif de l'État aux collectivités locales et aux associations ; suspendre les loyers des personnes en difficulté en compensant les bailleurs. M. le député pourrait continuer. Sa question est donc simple. Quand M. le ministre va-t-il prendre la mesure de la crise et de ses conséquences sociales ? Quand M. le ministre va-t-il déployer un vrai plan d'urgence, pour que des milliers de personnes, y compris d'enfants, n'éprouvent pas la faim, aujourd'hui, en Seine-Saint-Denis, aux portes de Paris ? Il souhaite connaître son avis sur ces sujets.

Texte de la réponse

FAIM EN SEINE-SAINT-DENIS


M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  1020, relative à la faim en Seine-Saint-Denis.

M. Bastien Lachaud. Les gens ont faim ! Voilà ce que disent aujourd'hui les bénévoles associatifs en Seine-Saint-Denis. Car, dans ce département, le coronavirus ne tue pas seulement plus qu'ailleurs : l'épidémie et ses conséquences plongent aussi de nombreux habitants déjà fragiles dans une précarité plus grande encore.

Dans un département où près de 28 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté – une proportion qui représente deux fois la moyenne nationale –, la crise sanitaire se double d'une crise sociale, une crise d'une gravité telle qu'elle est d'abord une crise alimentaire. Avoir faim, se demander comment l'on va nourrir sa famille : la question hante aujourd'hui le quotidien de milliers d'habitants de Seine-Saint-Denis. Partout les files d'attente s'allongent devant les points de distribution alimentaire. Le nombre des demandes aux centres communaux d'action sociale explose.

Les personnes concernées ne sont pas seulement les mêmes qu'avant le confinement : de nombreuses familles qui n'y avaient pas recours n'ont d'autre choix que de solliciter l'aide alimentaire, et menacent de tomber dans la pauvreté. Le préfet de la Seine-Saint-Denis estimait récemment lui-même que 15 000 à 20 000 personnes risquaient d'avoir du mal à se nourrir. Beaucoup d'autres le peuvent encore, mais seulement au prix de choix déchirants, de privations indicibles.

Une habitante d'Aubervilliers me disait encore il y a peu : « Mon mari est intérimaire et depuis la mi-mars il ne gagne plus rien. Nous ne touchons plus que les allocations pour les enfants. Je ne paierai pas mon loyer en avril. Ma priorité est de nourrir mes trois enfants. » Comment peut-on accepter cela aujourd'hui en France, dans la sixième puissance économique mondiale ?

Depuis le début du mois de mars, c'est avant tout l'élan de solidarité de la population, des associations, qui a permis de faire face à l'urgence. Pour beaucoup d'habitants, les distributions de paniers-repas, de produits de première nécessité, le soutien humain aussi, ont constitué une aide cruciale, souvent la seule. Il faut rendre hommage à tous ceux qui se sont engagés sans compter. Mais ces dons ne suffisent pas à eux seuls, d'autant que les séquelles sociales de la crise seront durables. C'est à l'État de prendre ses responsabilités et d'agir massivement pour protéger tous ceux qui en ont besoin.

Or le Gouvernement ne prend pas la mesure de l'urgence sociale qui frappe la Seine-Saint-Denis. C'était déjà le cas avant la crise : le plan pour le département, annoncé par le Premier ministre en octobre 2019, n'était pas à la hauteur. Votre surdité est plus grave encore aujourd'hui. L'aide exceptionnelle de 150 euros et de 100 euros par enfant qui a été annoncée, versée une seule fois aux foyers les plus modestes, ne suffit pas, pas plus que l'enveloppe de 39 millions d'euros destinée aux associations chargées de l'aide alimentaire et à la distribution de chèques d'urgence alimentaire. Vous pouvez faire plus – nous savons par exemple que l'État a débloqué 7 milliards d'euros de prêts pour Air France-KLM !

Les mesures qui pourraient être prises immédiatement sont pourtant simples. Je les ai déjà proposées au Premier ministre dans un courrier : encadrer les prix des produits alimentaires de première nécessité ; doubler la prime aux ménages les plus modestes et la pérenniser jusqu'à la fin de la crise ; mettre en place un soutien vraiment massif de l'État aux collectivités locales et aux associations ; suspendre les loyers des personnes en difficulté en compensant les bailleurs. Je pourrais continuer.

Ma question est donc simple. Quand prendrez-vous la mesure de la crise et de ses conséquences sociales ? Quand déploierez-vous un vrai plan d'urgence, pour que des milliers de personnes, y compris d'enfants, n'éprouvent pas la faim, aujourd'hui, en Seine-Saint-Denis, aux portes de Paris ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Merci de m'interpeller sur un vaste sujet que nous avons pris à bras-le-corps dès le début de la crise et même avant – vous avez évoqué le plan annoncé par le Premier ministre en octobre dernier pour un investissement massif dans un département parmi les plus pauvres de France métropolitaine.

Je rappelle que si l'aide alimentaire est gérée par les associations, elle bénéficie d'un soutien financier fort et important de la part de l'État. Lorsque nous apportons 39 millions d'euros supplémentaires dans le cadre d'un plan d'urgence de soutien, cette somme représente bien un tiers du budget annuel de l'aide alimentaire qui s'élève à 115 millions d'euros. Il s'agit d'aider les associations et les familles à surmonter les difficultés nées de la crise et de faire face à l'augmentation des besoins.

Nous avons également accompagné les associations pour faire en sorte que les bénévoles qui ne pouvaient plus intervenir puissent être remplacés grâce à l'élan de solidarité des services de l'État, des collectivités et de l'ensemble des citoyens que je tiens également à saluer.

Nous agissons aussi lorsqu'au-delà du budget de 115 millions d'euros, nous permettons 350 millions d'euros de défiscalisation des dons des particuliers et des entreprises, et lorsque nous continuons de travailler, comme avant la crise, à l'achat de denrées pour les associations afin qu'il n'y ait pas de rupture dans l'approvisionnement. L'arrivage de sept types de denrées est prévu dans les prochains jours, la livraison annuelle de lait et de beurre aura lieu au mois de juillet et les autres produits arriveront en septembre. Il faut en effet préparer l'après-crise et s'assurer que les stocks permettent toujours de répondre aux besoins.

Permettez-moi de souligner que sur un total de 39 millions d'euros, dont 14 millions de chèques d'urgence alimentaire destinés à 100 000 foyers, la Seine-Saint-Denis a bénéficié de 2,6 millions d'euros ; 25 000 familles du département ont bénéficié de ces chèques. Le préfet, que vous avez cité, évoquait 15 000 à 20 000 foyers ; nous avons donc bien apporté une réponse au problème. Quant à l'aide exceptionnelle de solidarité, elle visait en effet à soutenir les familles ayant des frais supplémentaires liés à l'alimentation.