Privatisation de l'exploitation des barrages hydro-électriques
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les conséquences du prochain transfert au secteur privé de l'exploitation des centrales hydro-électriques du pays. Ces centrales, propriété de l'État, sont actuellement exploitées dans le cadre de concessions dont 80 % sont accordées à Électricité de France (EDF), société anonyme à capitaux majoritairement publics. Or le Gouvernement souhaite ouvrir à la concurrence l'attribution de ces concessions. Par cette décision, le Gouvernement entend se conformer aux exigences de la Commission européenne, qui qualifie la situation présente d'abus de position dominante de la part d'EDF dans le secteur de l'énergie hydraulique. Cette opération est menée sans réelle communication, avec une discrétion qui peut surprendre au regard de ce qui est en jeu. L'hydraulique affecte en effet plusieurs des intérêts vitaux de la Nation. Il participe de la régulation du réseau électrique, à travers le stockage des retenues d'eau : il permet d'apporter une réponse aux pics de consommation comme à l'intermittence des énergies renouvelables éolienne et solaire. Il contribue également à l'approvisionnement en eau des territoires. Or la concurrence risque de provoquer des conflits d'utilisation entre intérêt général et logique de rendement, par exemple en cas de crues, de sécheresses. Elle constitue également une menace sécuritaire, car l'entretien des barrages risque de pâtir d'une logique de maximisation des profits. Par ailleurs, l'exploitation des barrages hydro-électriques, dont le coût est amorti de longue date, dégage un excédent de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an. Le transfert vers le secteur privé de cette rente prive les pouvoirs publics d'une ressource qui aurait été mieux utilisée en faveur de la transition énergétique. Il relève que d'autres États européens ont conservé le contrôle public sur ces infrastructures en dépit des pressions de la Commission européenne, à l'image de l'Allemagne. En France même, d'autres solutions ont été envisagées. Ainsi, un rapport parlementaire de 2013 envisage de confier la propriété de l'ensemble des centrales à un exploitant unique contrôlé par l'État, solution compatible avec le droit européen. Il le prie donc de lui préciser les détails de la mise en concurrence projetée par le Gouvernement, et d'indiquer quelles sont les mesures qu'il compte mettre en œuvre pour parer aux risques que celle-ci comporte.
Réponse publiée le 4 décembre 2018
La Commission européenne a adressé en octobre 2015 une mise en demeure aux autorités françaises au sujet des concessions hydroélectriques. Elle considère que les mesures par lesquelles les autorités françaises ont attribué à EDF et maintenu à son bénéfice l'essentiel des concessions hydroélectriques en France sont incompatibles avec l'article 106, paragraphe 1er, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lu en combinaison avec l'article 102 de ce traité, en ce qu'elles permettraient à l'entreprise de maintenir ou de renforcer sa position dominante en France sur les marchés de fourniture d'électricité au détail. Le Gouvernement continue de contester le raisonnement selon lequel la possession de moyens de production hydroélectriques entraîne mécaniquement une rupture d'égalité sur le marché de la fourniture d'électricité au détail et le fait qu'il aurait accordé un quelconque avantage discriminatoire à EDF. Le Gouvernement met également en avant les enjeux sociaux, économiques et écologiques majeurs liés à l'hydroélectricité, et en particulier à la gestion de l'eau. Dans le cadre des échanges avec la Commission européenne, le Gouvernement défend une application équilibrée de la loi de transition énergétique, qui a consolidé le régime des concessions et garantit le respect des enjeux de service public de l'hydroélectricité française, grâce à plusieurs outils : le regroupement des concessions dans une même vallée, la prolongation de certaines concessions dans le respect du droit national et européen, l'obligation de reprise des salariés des concessions aux mêmes conditions et la possibilité de constituer des sociétés d'économie mixte (SEM) lors du renouvellement des concessions lorsque les collectivités locales y sont intéressées. Le régime concessif permet un contrôle fort au travers de la règlementation et du contrat signé entre l'État et le concessionnaire, garantissant ainsi le respect de l'intérêt public. Une redevance proportionnelle aux recettes sera applicable aux concessions renouvelées et permettra un juste partage des bénéfices de l'exploitation des aménagements concernés. Le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit européen et national. Le Gouvernement s'y prépare tout en défendant certains principes essentiels, en particulier en s'opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence de concessions non échues. Certains pays, notamment l'Allemagne, n'ont pas choisi le régime de la concession pour les barrages hydroélectriques, mais celui de l'autorisation. Les installations sont alors les propriétés d'acteurs, en général privés. La France a au contraire fait le choix d'une propriété inaliénable de ses barrages. Il ne serait par ailleurs pas possible de transférer l'ensemble des barrages à un seul acteur sans mise en concurrence sans contrevenir au droit européen et national, sans mentionner les difficultés opérationnelles et économiques que soulèveraient un tel transfert.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 10 juillet 2018
Réponse publiée le 4 décembre 2018