15ème législature

Question N° 10481
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Justice à deux vitesses pour les familles et victimes d'accidents de la route

Question publiée au JO le : 10/07/2018 page : 5940
Réponse publiée au JO le : 06/11/2018 page : 10001

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les victimes d'accidents de la route et leurs familles. Face à ces drames de la circulation, les familles sont souvent démunies. Un profond sentiment d'abandon se fait sentir, renforcé lorsqu'une certaine forme d'impunité des conducteurs responsables des accidents est constatée. L'association France victime a rapporté qu'en 2016, seuls 5 % des accidents de la circulation ont fait l'objet d'une prise en charge des victimes. L'association Victimes et Avenir fait part d'un grand nombre de victimes qui, suite à un accident de la circulation, estiment que la justice n'a pas été rendue. « Difficile pour nous d'expliquer aux blessés que le responsable [de l'accident] ne se verra infliger qu'un rappel à la loi avec, au mieux, une perte de points et une suspension de permis. Et d'expliquer aux familles, en cas de décès, que la peine encourue pour le conducteur en faute est de 10 ans mais que, dans les faits, les condamnations entraînant de la prison sont rares et que le responsable de la mort de l'être cher sera jugé pour homicide involontaire ». Le 13 juin 2018, un certain nombre de parents ont manifesté devant l'Assemblée nationale pour faire part de leur colère, comme la maman d'Amir, décédé à 12 ans après avoir été traîné sous la roue d'un poids lourd de 36 tonnes. L'enfant traversait la route alors que le feu était vert pour les piétons. Il est décédé 17 jours plus tard après quinze opérations et l'amputation de sa jambe gauche. Le conducteur du camion n'a pas été sanctionné et il exerce aujourd'hui comme conducteur de bus à la RATP. La maman d'Amir n'est pas un cas isolé et de nombreuses familles de victimes attendent qu'une responsabilité soit établie et que les sanctions appropriées soient prononcées pour que leur deuil puisse commencer. Elle lui demande quelles mesures elle compte prendre pour, d'une part, mieux accompagner les victimes et leurs familles et pour, d'autre part, que les sanctions et peines prévues par la loi et encourues, en cas d'accidents de la route, soient effectivement prononcées.

Texte de la réponse

A titre liminaire, il convient de préciser que le rapport de l'association France victimes de 2016 n'indique pas que seuls 5 % des accidents de la circulation ont fait l'objet d'une prise en charge des victimes, mais que sur les 20 321 appels reçus en 2016 par la plateforme téléphonique d'aide aux victimes de l'INAVEM, 5% étaient en rapport avec un accident de la route contre 71 % pour des atteintes aux personnes et 23 % pour des atteintes aux biens (INAVEM-France victimes, 30 ans d'aide aux victimes, Rapport 2016, p.20). Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la violence routière qui demeure une priorité nationale, et qui, à la demande du Président de la République, a donné lieu, le 9 janvier 2018, à un comité interministériel de sécurité routière présidé par le Premier ministre. Les parquets généraux sont par ailleurs régulièrement sensibilisés par le biais de plusieurs circulaires sur la nécessité de lutter avec détermination contre les violences routières. Ces instructions appellent particulièrement l'attention des procureurs de la République sur l'importance de l'accompagnement des victimes des accidents de la circulation et de leurs familles. Chaque année, près de 40 % des jugements correctionnels sanctionnent des infractions au code de la route. En 2017, 92,4 % des affaires poursuivables en matière d'accidents mortels et corporels de la circulation ont donné lieu à des poursuites pénales ou à la mise en œuvre de procédures alternatives. Ce taux de réponse pénale, presque systématique, témoigne donc de l'attention et de la fermeté des procureurs de la République face à ces infractions. Cependant, lorsque des circonstances de droit ou de fait, ne peuvent fonder des poursuites judiciaires ou les rendent inopportunes, les magistrats du ministère public prennent un soin particulier à expliquer leur décision aux familles des victimes par des courriers personnalisés motivant la décision de classement ou en recevant personnellement les familles. Dans ce cadre, celles-ci sont systématiquement informées qu'elles sont recevables à saisir un juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile, ou de la possibilité de citer directement le mis en cause devant la juridiction répressive. Améliorer l'accompagnement des victimes des accidents de la circulation et de leurs familles revêt ainsi une dimension essentielle dans le traitement judiciaire des délits routiers. Au stade de la sanction, les dispositions répressives de notre législation ont été renforcées à plusieurs reprises, par la création, notamment, de peines complémentaires obligatoires ou automatiques, telles que la confiscation du véhicule du condamné ou l'annulation de son permis de conduire. La répression des délits d'homicide et blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'échappe pas à cette politique de fermeté. Ainsi, le code pénal prévoit des peines aggravées lorsque l'homicide ou les blessures involontaires ont été causés à l'occasion de la conduite d'un véhicule. L'article 221-6-1 du code pénal prévoit des peines d'emprisonnement s'élevant de 5 à 10 ans en fonction de l'existence d'une ou plusieurs circonstances aggravantes. En cas de récidive légale, ces peines sont doublées. Concernant par ailleurs la qualification d'homicide involontaire, si l'on peut envisager, par exemple, qu'un véhicule soit considéré comme une arme par destination lorsqu'il est volontairement utilisé à des fins homicides, ce caractère volontaire ne saurait se déduire d'une conduite à risque, quel que soit le degré de danger qu'elle peut faire courir aux autres usagers. Ainsi, les textes en vigueur permettent déjà de sanctionner les auteurs, en fonction de leur degré de responsabilité dans la survenance des faits, notamment lorsque les faits sont commis en état de récidive légale. Dès lors, aucune modification du droit existant n'est actuellement envisagée. Le Comité interministériel de la Sécurité Routière du 2 octobre 2015 a placé l'enjeu de l'accompagnement des victimes au cœur de ses recommandations. Le ministère de la justice a mis en place des mesures tendant à accélérer et améliorer les informations données aux victimes, notamment par la disponibilité et la professionnalisation de leurs interlocuteurs. Le Service de l'Accès au Droit, à la Justice et de l'Aide aux Victimes apporte un soutien financier à des associations d'aide aux victimes dans la France entière via notamment le réseau France Victimes. Cette fédération comprend 132 associations d'aide aux victimes généralistes qui accompagnent toute victime en apportant un soutien psychologique, juridique et social. Des associations nationales de victimes de violences routières également soutenues (la Ligue contre les Violences Routières et l'Association Victimes et Citoyens contre l'Insécurité Routière) peuvent aussi contribuer à la prise en charge de ces victimes. L'Association Victimes et Citoyens intervient d'ailleurs dans 24 hôpitaux et centres de rééducation et des associations d'aides aux victimes, membres du réseau France Victimes interviennent également au sein de 29 hôpitaux.