Question de : Mme Élodie Jacquier-Laforge
Isère (9e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Mme Élodie Jacquier-Laforge interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les dangers relatifs à l'antibiorésistance. Les premiers résultats des travaux du GLASS, programme international de surveillance de la résistance aux antibactériens, auxquels participent une cinquantaine de pays dont la France ne fait pas partie et qui porte sur 22 pays, sont inquiétants. Les bactéries résistantes les plus souvent signalées sont Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Staphylococcus aureus et Streptococcus pneumoniae, suivies de Salmonella spp. Certaines des infections les plus courantes et potentiellement les plus dangereuses sont résistantes aux médicaments. « Les taux de résistance à la pénicilline, médicament utilisé depuis des décennies pour traiter la pneumonie partout dans le monde, vont de 0 % à 51 % dans les pays ayant notifié des données », alors que son inventeur alertait sur ce danger dès 1945 et prônait une utilisation raisonnable et en dernier recours des antibiotiques. Dans les cas où une infection par Escherichia coli est identifiée, « entre 8 % et 65 % des bactéries présentent une résistance à la ciprofloxacine, un antibiotique couramment utilisé contre ces infections », ce qui est d'autant plus inquiétant qu'aujourd'hui les agents pathogènes franchissent les frontières. La tuberculose est étudiée à part depuis 1994 et les résultats la concernant ne sont pas plus rassurants. La tuberculose « pharmacorésistante » fait déjà 250 000 morts par an. En France, près de 160 000 patients développent chaque année des infections dues à des bactéries multi résistantes aux antibiotiques et près de 13 000 en meurent (rapport du 23 septembre 2015, commandé par le ministère de la santé). La trop grande prescription d'antibiotiques est la résultante de ces chiffres. La France en consomme 30 % de plus que ces voisins européens. Le nombre insuffisant de nouveaux antibiotiques découverts et mis sur le marché est également l'un des problèmes. Face à cet enjeu mondial de santé publique, elle lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre afin de favoriser le développement de nouveaux traitements et de responsabiliser les pratiques de prescriptions et de consommation d'antibiotiques.

Réponse publiée le 2 octobre 2018

Depuis le début des années 2000, la France mène une politique de maîtrise de l'antibiorésistance. Plusieurs plans antibiotiques ont été mis en œuvre en santé humaine, animale et dans l'environnement et ces actions ont été accentuées à partir de 2015. Depuis 2018, la France participe au nouveau Système mondial OMS de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (connu sous le sigle GLASS).  Si l'antibiorésistance s'est hissée au rang des priorités parmi les menaces sanitaires au niveau mondial, elle demeure cependant un danger sous-évalué par le grand public et les professionnels eux-mêmes (médecins, professionnels de santé, vétérinaires, éleveurs, agronomes, écologues, évolutionnistes, hydrologues, …). Le phénomène reste encore peu visible, alors que l'image traditionnelle de « toute puissance » des antibiotiques perdure. En conséquence, les antimicrobiens sont encore insuffisamment perçus comme un bien commun, fragile et menacé, qu'il faut préserver. Pour ces raisons, à la demande du Premier ministre, le premier Comité Interministériel pour la Santé (CIS) a été consacré à la préparation et à l'adoption, en novembre 2016, d'une feuille de route interministérielle visant à maîtriser l'antibiorésistance, construite sur les bases du rapport Carlet-Le Coz. Celle-ci se compose de 40 actions réparties en 13 mesures phare, regroupées en 5 axes. Elle a pour objectif de réduire l'antibiorésistance et ses conséquences sanitaires, notamment en diminuant la consommation d'antibiotiques de 25 % d'ici 2020. Pour orchestrer l'élaboration et la mise en œuvre de cette feuille de route, un délégué ministériel a été placé sous l'autorité de la ministre chargée de la santé. La ministre en charge de la santé reconnait l'importance d'actions conjointes entre santé humaine, animale et environnementale pour maitriser le problème. De fait, la feuille de route est interministérielle et aborde des actions aussi bien en santé humaine, en santé animale et en santé des écosystèmes. Elle intègre les plans sectoriels spécifiques à savoir le programme national d'actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) et le plan EcoAntibio2 consacré à l'utilisation des antibiotiques dans le secteur vétérinaire. Son suivi est assuré par un comité interministériel. Concrètement, il s'agit de mettre en œuvre des actions de : - sensibilisation et de communication auprès du grand public et des professionnels de santé : lancement d'un programme de sensibilisation à la prévention de l'antibiorésistance. A ce jour, une identité visuelle interministérielle est en cours de préparation. L'accent est notamment porté sur l'éducation pour la santé des jeunes et l'information des propriétaires d'animaux via par exemple des logiciels éducatifs ; - formation des professionnels de santé et d'incitations au bon usage des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire : amélioration de la formation des professionnels de santé au bon usage des anti-infectieux ; renforcement de l'encadrement de la prescription des antibiotiques lié à l'évolution des logiciels d'aide à la prescription ; amélioration de la pertinence des traitements, notamment grâce à l'usage accru des tests rapides d'orientation diagnostique ; modification des conditionnements de certains antibiotiques afin de mieux les adapter aux durées de traitement ; développement des mesures de prévention, en particulier la vaccination ; - recherche et d'innovation en matière de maîtrise de l'antibiorésistance : structuration et coordination des efforts de recherche, de développement et d'innovation sur l'antibiorésistance et ses conséquences ; mise en œuvre d'une politique proactive de partenariats public-privé et d'accompagnement de l'innovation ; valorisation et préservation des produits contribuant à la maîtrise de l'antibiorésistance. Dans ce cadre, plusieurs projets relatifs à la lutte contre l'antibiorésistance ont été sélectionnés par la banque publique d'investissements lors du récent concours national à l'innovation ; - mesure et de surveillance de l'antibiorésistance : renforcement de la surveillance de l'antibiorésistance et de la consommation d'antibiotiques ; diffusion plus large et plus accessible des données de surveillance avec une publication annuelle des résultats synthétiques. Développement au niveau européen et national de nouveaux indicateurs (globaux et spécifiques) visant à mesurer l'antibiorésistance et l'exposition aux antibiotiques conjointement chez l'homme, l'animal et dans l'environnement, travail dont une partie est en cours de réalisation dans le cadre de l'action conjointe Européenne sur la résistance aux antibiotiques et les infections associées aux soins (EU-JAMRA), lancée en septembre 2017 et que la France coordonne. Parallèlement, les positions de la France seront portées au niveau européen et international par le ministère en charge des affaires étrangères, afin notamment d'interdire universellement l'usage des antibiotiques en tant que promoteurs de croissance en élevage, et de porter au niveau européen un projet de mécanisme d'encadrement spécifique, associé à un modèle économique soutenable, pour permettre le développement de nouveaux produits ainsi que la préservation des anciens antibiotiques qu'il est indispensable de maintenir disponibles dans l'arsenal thérapeutique. En santé animale, les résultats des actions menées notamment au cours du plan Ecoantibio ont été très positifs : sur les cinq dernières années, l'exposition globale des animaux aux antibiotiques a ainsi diminué de 36,6 %. Le recours aux antibiotiques dits « critiques » a également baissé. Ces bons résultats témoignent d'un engagement efficace de toutes les parties prenantes qui doivent rester mobilisées, et poursuivre les efforts pour préserver l'efficacité des antibiotiques, en améliorant notamment la biosécurité en élevage et en favorisant les alternatives aux antibiotiques et la vaccination. Un engagement similaire en santé humaine est attendu afin d'atteindre notamment l'objectif partagé visant à réduire les prescriptions superflues d'antibiotiques, qui représentent encore une part trop importante de la consommation globale d'antibiotiques, et ainsi réduire les résistances.

Données clés

Auteur : Mme Élodie Jacquier-Laforge

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Dates :
Question publiée le 10 juillet 2018
Réponse publiée le 2 octobre 2018

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