15ème législature

Question N° 10779
de Mme Corinne Vignon (La République en Marche - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > hôtellerie et restauration

Titre > Distorsion concurrentielle dans le secteur de l'hôtellerie

Question publiée au JO le : 17/07/2018 page : 6255
Réponse publiée au JO le : 13/08/2019 page : 7478

Texte de la question

Mme Corinne Vignon attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation préoccupante de distorsion concurrentielle dans le secteur de l'hôtellerie imposée par les Online tourism agency (OTA), c'est-à-dire les agences de voyages en lignes qui commercialisent essentiellement des prestations touristiques fournies par des tiers. Ces agences bénéficient de la prééminence d'Internet comme canal d'acquisition dans les nouveaux comportements d'achat. Cette situation est le résultat d'un positionnement quasi-monopolistique de ces acteurs qui ont su se rendre indispensables dans la commercialisation de services hôteliers. Cette position est renforcée par des stratégies marketing agressives, détournant le nom des établissements cibles et occupant les espaces publicitaires les mieux exposés. Ce phénomène est d'autant plus important que l'affichage des liens payants sur les moteurs de recherche est toujours plus important et toujours moins distinct des résultats non payants. L'ensemble des acteurs du secteur hôtelier se voit donc pénalisé par ces pratiques opaques et déloyales, qui déstabilisent l'équilibre financier des professionnels qui représentent la véritable valeur ajoutée. Face à cette situation, elle lui demande de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement afin de répondre à ces problématiques dont les entreprises françaises de l'hôtellerie sont les premières victimes d'un phénomène qui a vocation à s'étendre à l'ensemble de l'activité marchande.

Texte de la réponse

Internet a bouleversé le secteur de l'hébergement touristique marchand au point que la France occupe une place prédominante en Europe avec un chiffre d'affaires du e-commerce de 92,6,7 Mds€ en 2018 dont plus de 20,1 Mds€ pour le secteur du tourisme. Près de 50% des Français réservent tout ou partie de leur séjour via une plateforme en ligne et 34% y réservent un hôtel. Le Gouvernement est attentif à ce que le consommateur dispose d'une information transparente et loyale pour un fonctionnement optimal du marché. A ce titre, il a adapté le cadre juridique pour renforcer la loyauté et la transparence des plateformes en ligne avec la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République Numérique. Des contrôles sont effectués par les services de l'Etat pour s'assurer de la bonne application des dispositions en matière de critères de classements et de référencements sur les plateformes. Les hôteliers ont, également, retrouvé les moyens de mener une politique commerciale et tarifaire plus active grâce aux réservations en direct sur leur propre site internet. Cette situation a été rendue possible depuis les dispositions de loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Son article 133 (codifié aux articles L. 311-5-1 et suivants du code du tourisme) a imposé, en effet, le contrat de mandat comme cadre contractuel pour régir les relations avec les hôteliers et l'interdiction de toute clause de parité tarifaire a été réaffirmée quel que soit le canal de distribution (en ligne ou directement à l'hôtel). Ces dispositions ont permis d'améliorer la régulation des plateformes d'intermédiation. Toutefois, la pratique du référencement sponsorisé sur les plateformes (qui aboutit pour l'annonceur à se placer en rang préférentiel avant celui de l'hôtel) peut contrarier les efforts des professionnels. Elle résulte de la politique commerciale menée par une grande régie publicitaire qui propose l'achat de mots-clés correspondant au nom d'un hôtel. En tant que tel, le référencement sponsorisé est possible car le régime de la responsabilité d'un hébergeur est limité. La plateforme en ligne est, en effet, considérée, au regard du droit européen, comme un prestataire « stockant des données ». Elle n'a donc pas à vérifier la qualité des contenus mis en ligne par les utilisateurs (des annonceurs) sauf « contenu manifestement illicite ». Or l'utilisation d'une marque étant libre « en dehors du droit des affaires » au sens de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 (anciennement directive 98/104 du 21 décembre 1988), la Cour de cassation a considéré qu'une plateforme qui stocke en tant que mot clé un signe identique à celui d'une marque « n'en fait pas un usage dans la vie des affaires ».  L'hôtelier dispose, cependant, de plusieurs moyens pour retrouver le trafic de la clientèle qui serait détournée de son site internet. Il peut utiliser la procédure de réclamation auprès de la régie publicitaire pour utilisation abusive d'une marque si elle déposée ou bien mener sa propre campagne optimisée d'achat de mots-clés. Par ailleurs, au plan européen, la France a soutenu, dans le cadre de sa stratégie numérique, l'initiative de la commission européenne pour un règlement sur les relations entre les entreprises et les plateformes d'intermédiation en ligne dit « Plateformes to Business ». Un accord provisoire est intervenu début 2019 entre le Parlement européen et la Commission européenne. Le Gouvernement sera attentif à la portée qu'aura la mise en œuvre du nouveau règlement dans le secteur hôtelier.