Inquiétude des collectivités sur l'augmentation de la taxe TGAP déchets
Question de :
M. Philippe Chalumeau
Indre-et-Loire (1re circonscription) - La République en Marche
M. Philippe Chalumeau appelle l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'inquiétude des collectivités au regard de l'éventuelle augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), actuellement étudiée par le Gouvernement selon le syndicat intercommunal de collecte des ordures ménagères (SMICTOM) du Chinonais, en Indre-et-Loire. Le SMICTOM du Chinonais assure la collecte et le traitement des déchets sur 75 communes du département, représentant plus de 75 000 habitants. Selon le syndicat, ce service public doit respecter des ambitions de plus en plus élevées en matière d'économie circulaire ainsi que des normes environnementales plus contraignantes. Son coût, financé par les contributions des adhérents et payé par les contribuables locaux, est de plus en plus important et atteint en moyenne 120 euros par habitant, dont près de 25 % de taxes nationales. Selon le SMICTOM, une augmentation serait pénalisante pour les collectivités en charge du service public de gestion des déchets ménagers qui paient cette taxe sur la part des déchets résiduels qu'elles doivent envoyer en installation de stockage ou de traitement thermique. Ainsi, avec cette trajectoire, les recettes de la taxe TGAP passeraient de 450 millions d'euros en 2017 à un niveau compris entre 800 millions et 1,4 milliard d'euros en 2025 (selon la quantité de déchets résiduels qu'il restera à éliminer). Pour le SMICTOM du Chinonais, une telle augmentation de la taxe TGAP représenterait une augmentation de 9,30 euros par habitant, soit 11,30 %. Selon ce premier, les mesures de compensation actuellement soulevées seraient « sans effet » puisque le SICTOM est assujetti à la TVA et que la TEOM est instituée et perçue directement par les communautés de communes. Bien que l'objectif soit de contribuer au développement de l'économie circulaire en augmentant le coût de l'élimination par rapport au recyclage, la trajectoire aujourd'hui proposée semble « injuste » et « inefficace » aux yeux du SICTOM, car un tiers des déchets ménagers étant aujourd'hui impossible à recycler (150 kg par habitant), les collectivités sont contraintes d'éliminer ces déchets et sont taxées pour cela. La TGAP place le signal fiscal au mauvais endroit et ne permet pas de réduire les déchets non recyclables. Aucun volet indicatif n'est prévu pour encourager et accompagner les collectivités qui mettent en place des politiques de réduction des déchets résiduels le taux payé étant le même quel que soit le niveau de performance). La réforme envisagée diminuerait les réfractions qui existent aujourd'hui et qui permettent pourtant d'encourager des solutions plus vertueuses. Les recettes de la TGAP étant versées au budget de l'État, elles contribuent faiblement au financement des politiques territoriales d'économie circulaire. Selon le SMITCOM, une telle hausse de la TGAP augmentera le coût du service public de gestion des déchets ménagers et entraînera donc une hausse des impôts locaux, ce qui va contre les engagements pris auprès des Français, qui verraient ainsi leur TEOM ou REOM augmenter alors qu'il leur est demandé de faire davantage d'efforts pour trier leurs déchets. Ainsi, il souhaiterait savoir si une augmentation de la TGAP est à prévoir et, le cas échéant, quelles mesures le Gouvernement compte également prendre afin d'éviter que le développement de l'économie circulaire soit perçu comme une simple hausse d'impôts par les Français.
Réponse publiée le 8 janvier 2019
La feuille de route de l'économie circulaire, présentée le 23 avril dernier après plus de 6 mois de concertation avec l'ensemble des parties prenantes, comporte 50 mesures pour atteindre 2 objectifs principaux : la division par 2 de la mise en décharge des déchets et le recyclage de 100 % des plastiques d'ici 2025. Ces mesures et l'engagement de chacun des acteurs n'auront toutefois un effet que si les logiques économiques et financières sous-jacentes sont cohérentes. Or aujourd'hui, les signaux économiques ne sont pas au bon niveau pour atteindre nos objectifs. Les taxes sur la mise en décharge et l'incinération ont fait l'objet d'une réforme en 2016, mais celle-ci reste en-deçà de ce qui est nécessaire pour avoir un réel effet sur les investissements et bien en-deçà de la fiscalité pratiquée par nos partenaires européens. Si nous n'allons pas plus loin, la mise en décharge, dont l'acceptabilité environnementale et sociétale devient de plus en plus limitée, restera plus compétitive que le recyclage. Dans ce contexte, le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, une réforme globale de la fiscalité déchets visant à rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur mise en décharge ou leur incinération, conformément aux engagements de campagne du Président de la République. Ces propositions sont le fruit de discussions engagées à l'automne 2017, d'abord dans le cadre d'un atelier d'élaboration de la feuille de route de l'économie circulaire dédié aux instruments économiques et financiers, puis dans un cadre bilatéral avec des élus et les associations de collectivités à la suite de la présentation de la feuille de route en conférence nationale des territoires en mai dernier. Elles s'inscrivent dans un équilibre global qui permet de répartir la pression fiscale de façon cohérente avec les objectifs visés, comme beaucoup de nos partenaires européens l'ont fait avec succès, et de donner le temps aux acteurs de s'y adapter. Cette réforme repose ainsi sur une trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) revue à partir de 2021 telle que le coût moyen de l'élimination des déchets devienne supérieur au coût moyen de leur recyclage. En parallèle, la proposition prévoit de donner de nouvelles capacités financières aux collectivités pour investir et pour s'adapter en allégeant la pression fiscale sur les activités de tri, de recyclage et de prévention des déchets : - le taux de la TVA pour les opérations de prévention, de collecte, de tri et de valorisation matière effectuées dans le cadre du service public de gestion des déchets sera réduit à 5,5 % à compter de 2021 ; - pour accompagner les collectivités locales dans le déploiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative, les frais de gestion perçus par l'État seront diminués de 8 % à 3 % pendant 5 ans pour les collectivités qui mettent en place la TEOM incitative. En effet, selon le rapport de 2015 du comité interministériel de modernisation de l'action publique sur la gestion des déchets par les collectivités locales, cette mesure permettrait à elle seule de diminuer de près de 6 % la production de déchets ménagers et assimilés en 2025 par rapport à 2011, dont une baisse de près de 14 % des ordures ménagères résiduelles. En complément, d'autres mesures de la feuille de route pour l'économie circulaire, de nature non fiscale, visent à réduire la quantité de déchets que les collectivités doivent prendre en charge. En particulier, la création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur (REP), que le Gouvernement souhaite mettre en place dès 2020, aura pour effet d'étendre le principe pollueur-payeur à de nouveaux produits et de transférer la charge de certains déchets des collectivités vers les producteurs de ces produits. De même, la refondation du système REP permettra d'améliorer l'éco-conception des produits grâce à un système d'éco-modulation pouvant atteindre plus de 10 % du prix du produit, et de diminuer les quantités de produits non recyclables mis sur le marché français. Les éco-organismes seront pilotés de façon resserrée sur la base d'objectifs de collecte, de réutilisation et de recyclage, assortis de sanctions financières significatives en cas de non atteinte. La mise en œuvre d'abattements complémentaires de la TGAP pour la valorisation énergétique à haut rendement des refus de tri provenant de centres de tri performants pourra également être examinée lors des débats parlementaires. Pour les collectivités, l'impact financier de cette réforme de la fiscalité dépendra des performances et des efforts en matière de gestion des déchets. L'objectif du Gouvernement est que les collectivités qui s'engagent dans une démarche ambitieuse en faveur de l'économie circulaire voient leurs charges baisser. Le Gouvernement remettra chaque année à partir de 2022 un rapport au Parlement sur l'évolution des charges des collectivités liées à la mise en œuvre de la feuille de route économie circulaire (en prenant en compte l'ensemble des mesures, fiscales et non fiscales) et ajustera en conséquence les moyens affectés par l'État au soutien à des projets en faveur de l'économie circulaire en cas de hausse.
Auteur : M. Philippe Chalumeau
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôt sur les sociétés
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 17 juillet 2018
Réponse publiée le 8 janvier 2019