15ème législature

Question N° 1083
de M. Nicolas Meizonnet (Non inscrit - Gard )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > tourisme et loisirs

Titre > Aides aux manadiers

Question publiée au JO le : 09/06/2020
Réponse publiée au JO le : 09/12/2020 page : 4037

Texte de la question

M. Nicolas Meizonnet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation critique des manades de Camargue. M. le ministre connaît-il la Camargue ? S'il ne la connaît pas, M. le député l'encourage vivement à venir la découvrir. Ce vaste et magnifique territoire, embrassé par le delta du Rhône et ses pourtours, vit et vibre au rythme des traditions taurines. Cette terre est un espace précieux, à la biodiversité remarquable, qui attire des populations du monde entier ; un patrimoine inestimable mais fragile, façonné et préservé par la sueur et le sang de femmes et d'hommes, gardiens et éleveurs de taureaux et de chevaux, manadiers comme on les appelle, dont le savoir-faire est reconnu par-delà les frontières. Aujourd'hui, ils se trouvent dans la tourmente à cause de la crise du covid-19. La survie de leur entreprise est devenue un véritable enjeu pour la conservation d'un écosystème exceptionnel, d'un petit bout de France qui constitue un joyau de l'humanité tout entière. Que M. le ministre le comprenne bien, on ne parle pas ici de l'élevage de viande bovine ou chevaline destinée en premier lieu à la consommation. On parle d'un monde, celui de la « bouvine », qui s'inscrit dans une histoire de plusieurs siècles, une identité culturelle qui fait la fierté de tous, un berceau de traditions ancestrales : abrivados, encierros, courses camarguaises et fêtes votives. Tout cela participe du lien social de tout un peuple et fait vivre l'économie locale. Tout cela ne peut exister sans les manadiers. Si M. le député devait paraphraser le poète Frédéric Mistral, il dirait : « C'est là le signe de famille, C'est là le sacrement qui unit le fils aux aïeux. L'homme à la terre ! C'est là le fil qui tient le nid dans la ramée ». Sur le territoire de Camargue, les 116 manades, à l'heure où l'on parle, devraient enregistrer une perte sèche 3 millions d'euros. Il est primordial que l'État intervienne rapidement au secours des manades et des traditions. Comme M. le député lui a indiqué par courrier, il lui paraît indispensable de mettre en place un fonds d'aide d'urgence pour les charges d'exploitation et de geler les charges de structures. Alors, il lui demande ce qu'il compte faire.

Texte de la réponse

IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR L'ACTIVITÉ DES MANADES DE CAMARGUE


M. le président. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour exposer sa question, n°  1083, relative à l'impact de la crise sanitaire sur l'activité des manades de Camargue.

M. Nicolas Meizonnet. Connaissez-vous la Camargue, monsieur le ministre ? Si tel n'est pas le cas, je vous encourage vivement à la découvrir. Ce vaste et magnifique territoire, embrassé par le delta du Rhône et ses pourtours, vit et vibre au rythme de ses traditions taurines. Cette terre est un espace précieux, à la biodiversité remarquable, et elle attire des populations du monde entier. Elle recèle un patrimoine inestimable mais fragile, façonné et préservé par la sueur et le sang de femmes et d'hommes, gardians et éleveurs de taureaux et de chevaux – manadiers, comme on les appelle –, dont le savoir-faire est reconnu par-delà les frontières.

Aujourd'hui, les manadiers, comme d'autres, se trouvent dans la tourmente à cause de la crise sanitaire. La survie de leur entreprise est devenue un véritable enjeu pour la conservation d'un écosystème exceptionnel, d'un petit bout de France qui constitue un véritable joyau de l'humanité. Comprenez-moi bien : on ne parle pas ici de l'élevage de viande bovine ou chevaline destinée en premier lieu à la consommation. On parle d'un monde, celui de la bouvine, qui s'inscrit dans une histoire de plusieurs siècles, une identité culturelle qui fait la fierté de tous, un berceau de traditions ancestrales : abrivados, encierros, fêtes votives et courses camarguaises.

Tout cela participe du lien social de tout un peuple et fait vivre l'économie locale. Tout cela ne peut exister sans les manadiers. Si je devais citer le poète Frédéric Mistral, je dirais que : « C'est là le signe de famille, / C'est là le sacrement qui unit le fils aux aïeux. / L'homme à la terre ! C'est là le fil / Qui tient le nid dans la ramée. »

En Camargue, à l'heure où nous parlons, et avec toutes les incertitudes qui planent encore, les 116 manades existantes pourraient enregistrer une perte sèche de 3 millions d'euros. Il est donc primordial que l'État intervienne rapidement au secours de nos manades et de nos traditions. Comme je vous l'ai indiqué par courrier, il me paraît indispensable de créer un fonds d'aide d'urgence pour les charges d'exploitation et de geler les charges de structures.

Ma question est simple, monsieur le ministre : que comptez-vous faire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Étant assis au banc du Gouvernement au côté du secrétaire d'État Laurent Nunez, qui connaît particulièrement bien cette région, je dois dire que nous sommes heureux que vous nous ayez invités, avec votre accent, à évoquer Frédéric Mistral, les traditions votives, les courses camarguaises ou les abrivados : cela nous fait penser à Arles, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, et à toute cette formidable culture.

Si la Camargue est un lieu touristique fantastique et qu'elle constitue une magnifique carte postale, elle ne saurait se limiter à cette image. Lorsque nos concitoyens évoquent ce territoire, ils le font souvent avec le sourire et parlent d'y partir en vacances – tant mieux. Mais il y a en Camargue des gens qui travaillent dur, quotidiennement, dans toute une série de domaines. Je songe par exemple aux professionnels de la filière rizicole, qui font un travail difficile et remarquable dans ce secteur, et qui enregistrent d'ailleurs des progrès notables. Vous avez fait spécifiquement référence aux manadiers, qui sont une spécificité de votre région, que j'apprécie particulièrement et que Laurent Nunez et moi-même connaissons pour de multiples raisons.

Nous avons étudié leur situation avec beaucoup d'intérêt. Comme je l'indiquais à Stéphane Travert et au député Leclerc, il n'y a pas de grandes ou de petites filières : le Gouvernement s'occupe de tout à la fois, car il est important de ne laisser personne au bord du chemin à l'issue d'une crise absolument dramatique. Cette crise a eu pour conséquence l'arrêt complet de toutes les manifestations et rencontres rassemblant du public. Les manadiers ont été directement touchés.

Nous avons pris des mesures immédiates pour l'ensemble des entreprises agricoles et d'élevage, quel que soit leur domaine d'activité. Les manadiers sont ainsi concernés par toutes les mesures transversales déployées par le Gouvernement, qu'il s'agisse du fonds de solidarité, des prêts de trésorerie garantis par l'État ou du report d'échéances fiscales. Nous nous efforçons en outre de faire en sorte que les mesures destinées aux exploitations agricoles soient détaillées par la MSA – la Mutualité sociale agricole –, s'agissant en particulier des prélèvements de cotisations. Nous allons progresser dans ce domaine.

Ainsi que je l'ai déjà indiqué à plusieurs d'entre vous qui m'avez interpellé par écrit – la présidente Françoise Dumas m'a par exemple contacté à plusieurs reprises, y compris ce week-end –, je souhaite que nous procédions à un examen individuel de la situation des manades, car il est important qu'elles continuent à vivre. Il n'y a plus, pour l'heure, de fêtes, de rassemblements ni de courses, mais il y a des animaux, des éleveurs et des passionnés. Nous ne les oublions pas.

Je sais par ailleurs que les conseils régionaux apportent un soutien spécifique aux manades. Je me suis notamment entretenu avec Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a beaucoup travaillé sur cette question, comme les autres régions concernées. L'État sera toutefois présent pour assurer la pérennité de cette culture, de cette tradition et de ces élevages.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet. Vous semblez avoir bien saisi les enjeux de ma requête. Vous connaissez le territoire et vous avez compris qu'on parle ici d'une histoire, d'une culture, de traditions, bref, d'une identité à laquelle le peuple de Camargue – cet « ancien peuple fier et libre », comme l'écrivait Frédéric Mistral –, est extrêmement attaché. Toutefois, la réponse que vous faites n'est pas de nature à me satisfaire pleinement.

M. Didier Guillaume, ministre. Vraiment ?