15ème législature

Question N° 10971
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > animaux

Titre > Abattage rituel

Question publiée au JO le : 24/07/2018 page : 6555
Réponse publiée au JO le : 27/11/2018 page : 10644
Date de changement d'attribution: 16/10/2018

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'abattage rituel. En France, 1,1 milliard d'animaux sont abattus chaque année. Les règles générales de l'abattage classique imposent depuis 1964 que les animaux soient étourdis dans des abattoirs avant d'être saignés, ceci afin de limiter la souffrance animale. Une dérogation est cependant permise. En effet, l'abattage rituel des animaux est organisé afin de garantir le libre exercice des pratiques religieuses dans le respect des dispositions réglementaires relatives à la protection animale, l'hygiène alimentaire et la protection de l'environnement. L'abattage rituel ne peut s'exercer que dans un abattoir bénéficiant d'une autorisation à déroger à l'obligation d'étourdissement. « Le nombre d'animaux abattus selon un rituel religieux dépasse très largement les besoins intérieurs des minorités religieuses concernées » note la Commission européenne chargée d'enquêter sur le sujet. De même, dans un rapport de novembre 2011, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux précise que 51 % des abattages pratiqués en France sont des abattages rituels, alors que les consommateurs musulmans et juifs ne représentent pas plus de 7 % des consommateurs français. Et comme aujourd'hui en France, aucun étiquetage n'est obligatoire, les Français peuvent, sans le vouloir ni même le savoir, contribuer au financement de cette pratique. Lors d'un abattage rituel, la viande est obtenue en incisant profondément la gorge de l'animal au couteau, jusqu'à obtenir la section des veines jugulaires et des carotides mais la moelle épinière se doit de rester intacte car des convulsions sont nécessaires pour améliorer le drainage du sang. Une vache peut ainsi mettre jusqu'à 14 minutes pour mourir, après avoir été égorgée. Et comme cette phase finale se prolonge au-delà du raisonnable au regard des cadences de l'abattoir, elle finit souvent encore vivante, suspendue à un crochet où le travail de découpe commence à vif. Le Danemark, la Finlande, la Grèce, le Luxembourg, la Suède, la Suisse, la Norvège, l'Islande et certains Länder autrichiens ont déjà pris la décision d'interdire l'abattage rituel. Même la Grande mosquée de Paris, au travers de certaines déclarations de M. Dalil Boubakeur, et celle d'Évry-Courcouronnes estiment qu'il est possible d'obtenir de la viande halal en étourdissant l'animal par électronarcose avant la saignée. Enfin, selon un sondage de l'IFOP en 2009, 72 % des Français se sont déclarés hostiles à l'abattage rituel. Elle l'interpelle donc quant aux souffrances infligées inutilement à ces êtres sensibles et lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour en limiter, puis, le cas échéant, en interdire l'usage.

Texte de la réponse

L'immobilisation des animaux avant leur étourdissement est obligatoire et leur suspension est interdite avant la perte de conscience ou la mise à mort. Toutefois, le droit européen (règlement 1099/2009) prévoit une dérogation à l'obligation d'étourdissement lorsqu'il n'est pas compatible avec les prescriptions culturelles se rapportant au libre exercice des pratiques religieuses. Cette dérogation à l'étourdissement a été transcrite dans le droit national par l'article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime qui en précise les conditions d'application (matériel adapté, personnel formé, procédures garantissant des cadences et niveau d'hygiène adaptés à cette technique d'abattage). Dans l'objectif de limiter la pratique de la dérogation à l'étourdissement, cet article prescrit également qu'un système d'enregistrements permettant de vérifier que l'usage de la dérogation correspond bien à des commandes commerciales qui le nécessitent, est mis en place par les professionnels. Ces enregistrements sont mis à disposition des services vétérinaires en abattoir qui vérifient la bonne tenue des registres et la concordance entre des lots effectivement abattus sans étourdissement et l'existence de commandes ou de ventes effectivement réalisées. La dérogation à l'étourdissement est accordée par un arrêté préfectoral qui peut restreindre l'autorisation à certaines catégories d'animaux. Cette dérogation peut être suspendue ou retirée en cas de méconnaissance des conditions de l'autorisation ou des dispositions réglementaires. L'arrêté ministériel du 12 décembre 1997 modifié par l'arrêté ministériel du 28 décembre 2011 précise certaines obligations relatives à l'abattage rituel : - l'immobilisation des animaux des espèces bovine, ovine et caprine est assurée au moyen d'un procédé mécanique appliqué préalablement à l'abattage et est maintenue jusqu'à la perte de conscience de l'animal ; - le matériel d'immobilisation est adapté au gabarit de l'animal ; - le couteau utilisé pour la saignée est adapté à la taille de l'animal et est en permanence aiguisé et affilé ; - les personnes chargées de l'abattage procèdent à des contrôles systématiques pour s'assurer que les animaux ne présentent aucun signe de conscience ou de sensibilité avant de mettre fin à leur immobilisation. La légitimité de la dérogation a déjà été questionnée. Dans un arrêt du 27 juin 2000 (affaire Cha'are Shalom Ve Tsedek c/France), la dérogation à l'obligation d'étourdissement a été considérée par la Cour européenne des droits de l'homme comme un « engagement positif de l'État visant à assurer le respect effectif de la liberté d'exercice des cultes ». L'abattage rituel relève donc bien de la notion de « rite religieux » au sens du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort et ainsi, du champ d'application de la liberté de religion garantie par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La requête émanant de l'œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, enregistrée le 27 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du conseil d'État et visant à annuler la dérogation précitée, a été rejetée, lors de sa séance du 12 juin 2013, par ce même conseil qui considère que la possibilité de déroger à l'obligation d'étourdissement pour la pratique de l'abattage rituel ne porte pas atteinte au principe de laïcité. À la demande du ministère chargé de l'agriculture, le dispositif en place en matière d'abattage sans étourdissement a été évalué en 2017 par le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et a conduit à l'approfondissement de la formation des inspecteurs présents en abattoir. Une revue de l'ensemble des autorisations à déroger à l'obligation d'étourdissement a également été réalisée au cours de laquelle il a été contrôlé le niveau d'hygiène de l'établissement, la conformité des matériels et méthodes d'immobilisation ainsi que la qualification du personnel.