15ème législature

Question N° 11001
de M. Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI, Agir et Indépendants - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > crimes, délits et contraventions

Titre > Contraventions - Preuve contraire

Question publiée au JO le : 24/07/2018 page : 6562
Réponse publiée au JO le : 18/09/2018 page : 8308

Texte de la question

M. Pierre Morel-À-L'Huissier interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 537 du code de procédure pénale. Ce dernier dispose qu'en matière de contravention, les procès-verbaux, rapports et témoins permettent de prouver les contraventions. L'alinéa 3 de l'article précise que « la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ». Or, en pratique, la jurisprudence limite restrictivement l'application de ce texte en écartant notamment : les attestations écrites, les photographies, et en imposant la pluralité de témoins extérieurs de surcroît au prévenu (pas de passagers du véhicule par exemple). De ce fait, l'usager verbalisé est confronté à rapporter une preuve souvent impossible et ce notamment lorsqu'il se trouve seul dans son véhicule. Il lui demande si une modification de cet article est envisagée, afin de permettre une égalité des armes entre la partie poursuivante et la partie poursuivie, afin que le juge reste libre d'apprécier la pertinence des preuves qui lui sont soumises.

Texte de la réponse

Les contraventions se distinguent des délits et des crimes par leur imputabilité simplifiée à l'auteur des faits litigieux. En effet, là où un dol est requis pour engager la responsabilité pénale du délinquant ou du criminel, une simple « faute contraventionnelle » permet la poursuite du contrevenant. Il n'est ainsi pas nécessaire de rapporter la preuve d'un élément intentionnel. Les termes de l'article 537 du code de procédure pénale, confèrent au procès-verbal de constatation d'une contravention, une force probante exorbitante du droit commun. Le principe découlant de ces dispositions est appliqué de façon constante par la Cour de cassation et les juridictions du fond ne peuvent prononcer la relaxe d'un contrevenant sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée selon les prescriptions de l'article 537 du code de procédure pénale. Les conditions d'admission des modes de preuve légalement prescrits sont également appréciées strictement. La preuve contraire peut être rapportée par témoignage, sans que ne soit exigé « du prévenu qu'il fasse citer plusieurs témoins, seul étant à prendre en considération, au regard de la disposition critiquée, le caractère probant de la déclaration de chaque témoin cité, fût-il unique » (Cass. crim., 14 mars 2017, no 16-83.569). La valeur probante des éléments apportés est laissée à l'appréciation des juges du fond, la Cour de cassation opérant un contrôle formel des exigences de l'article 537 du code de procédure pénale, qui donne lieu à un contentieux important. L'objectif d'efficacité de la répression, en particulier en matière d'infractions routières où les conséquences humaines du non-respect des règles de sécurité routière sont inversement proportionnelles à la simplicité des prescriptions légales ou réglementaires qui les sanctionnent, justifient de préserver l'autorité des énonciations des agents verbalisateurs. La constitutionnalité et la conventionalité de l'article 537 du code de procédure pénale ont par ailleurs été confirmées. Trois questions prioritaires de constitutionnalité ont été déposées en 2013 et 2014, concernant cet article, que la chambre criminelle, saisie sur le fondement d'une violation du droit à un procès équitable, a cependant refusé de transmettre au Conseil constitutionnel au motif d'un défaut de caractère sérieux, la présomption posée par l'article relativement à la foi des procès-verbaux ne présentant pas, selon elle, un caractère irréfragable(Cass. crim., 22 janv. 2013, no 12-90.067 – Cass. crim., 4 mars 2014, no 13-90.041. – Cass. crim., 15 janv. 2014, no 13-90.032). De même, saisie de pourvois invoquant une violation du principe de l'égalité des armes sur le fondement de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la haute juridiction a considéré qu'aucune rupture du droit conventionnel ne pouvait être constatée dans la mesure où l'article 537 « impose à chacune des parties au procès pénal les mêmes modes de preuve » (Cass. crim., 10 juill. 1996, no 95-85.785). Tant la cour européenne des droits de l'homme (CEDH) (CEDH, 7 oct. 1988, no 10519/83, Salabiaku c/ France. – CEDH, 25 sept. 1992, no 13191/87, Pham Hoang c/ France), que le Conseil constitutionnel (Cons. const., 16 juin 1999, no 99-411 DC, consid. no 5) admettent qu'il soit procédé à des présomptions de culpabilité dès lors qu'elles ne présentent pas un caractère irréfragable. Par conséquent, aucune modification de l'article 537 du code de procédure pénale n'est envisagée.