Question de : M. Michel Larive
Ariège (2e circonscription) - La France insoumise

M. Michel Larive attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation catastrophique des urgences. Les politiques menées par les gouvernements successifs, en votant les loi Bachelot, puis Touraine, cherchent depuis des années à réduire « le coût de la santé ». Mais l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) dénonce régulièrement les restrictions budgétaires de ce service public vital et considère que la situation n'est plus tenable. Les urgentistes doivent faire face à une diminution des moyens qui leur sont alloués tandis le nombre de patients a été multiplié par trois au cours des trente dernières années. Une centaine de services sont en en tension sur les 650 existants. Dans ces établissements, les couloirs sont encombrés de brancards, les personnels soumis à des cadences infernales, et les temps d'attente sont extrêmement longs, avec parfois des conséquences dramatiques. Par exemple, le 16 mars 2018 à 8h30 à Condom dans le Gers, un jeune homme a été victime d'un accident de travail. Sa main gauche a été sectionnée. Malgré la gravité manifeste de l'accident, le service de chirurgie de la main du CHU toulousain de Purpan ne parvient à le prendre en charge que 3h30 après l'accident. Pourtant un aller-retour en hélicoptère aurait pris moins d'une heure. En véhicule terrestre le temps aurait été porté à 1h30. Ces délais auraient multiplié les chances qu'une greffe réussisse. Malheureusement depuis les dernières dispositions imposées par l'Agence régionale de santé de l'Occitanie (ARS), et justifiées par le chiffre de 0,3 intervention par nuit ramené sur une année, le service d'urgence est désormais fermé la nuit, et n'ouvre qu'à 9 heures le matin. Voilà la raison principale pour laquelle le jeune homme a définitivement perdu sa main, à cause d'une gestion technocratique du système de santé, appliquée scrupuleusement dans les plans régionaux de santé et de PRS qui ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités des territoires au niveau local. Il est donc normal que les urgentistes soient inquiets pour cet été. La pénurie de ces médecins, fortement accentuée en 2018, aggravée par le début des congés mérités des médecins titulaires, et aussi par la grève justifiée des médecins intérimaires, fait craindre une situation de paralysie des urgences pendant la période estivale. Selon l'enquête de l'ARS, 73 urgentistes ont démissionné en Île-de- France en 2017, contre 43 en 2015, en raison des conditions de travail extrêmement difficiles. La province n'est pas épargnée : à Auch ce sont 9 titulaires pour 22 postes, qui s'efforcent tout de même de faire leur travail le plus sérieusement possible. La situation est telle que certains établissements prévoient de faire appel à la réserve sanitaire, ce qui implique d'appeler des médecins retraités en renfort. Or il est indiqué dans une récente note aux ARS, que cette réserve n'est pas en capacité de faire face aux besoins. Le fonctionnement des urgences pendant la période estivale 2018 risque d'être très fortement perturbé. Le 26 juin 2018, sur France Info, Mme la ministre a admis que certains services ne pourront pas fonctionner correctement à l'été 2018. Elle a promis une réforme dont le contenu sera dévoilé prochainement. Mais les professionnels du secteur ont besoin que soient prises des mesures concrètes dès maintenant, car la situation des urgences dans le pays n'est plus tenable. Il n'est pas possible de se contenter d'appeler les Français à être raisonnables. Les urgentistes réclament un renfort de personnel et des lits supplémentaires au plus vite, ainsi que l'établissement d'un moratoire sur les différents plans d'économies dans les plus brefs délais afin de ne pas aggraver la situation. À l'aune de ces éléments, il souhaiterait savoir si elle accepterait d'ordonner une enquête par les services de l'inspection générale des affaires sociales, concernant le cas rapporté ici. D'autre part, il aimerait connaître quelles sont les réponses qu'elle compte apporter au problème que rencontrent les services des urgences dans le pays, et en particulier si elle envisage des mesures immédiates pour éviter de nouveaux drames à l'été 2018.

Réponse publiée le 12 février 2019

L'augmentation continue de l'activité des services d'urgence met en tension ces structures. Ce constat est partagé avec les représentants des médecins urgentistes que la ministre des solidarités et de la santé rencontrent régulièrement en amont de la période estivale ou dans le cadre de séminaires de mobilisation des acteurs en préparation de la période hivernale. Un ensemble de leviers doit pouvoir être mobilisé pour répondre à ces situations. La ministre a confié au député Thomas Mesnier à l'automne 2017 une mission sur les soins non programmés. Son rapport, rendu au printemps 2018, est porteur de propositions visant ainsi à améliorer la réponse aux demandes de soins non programmés en renforçant la place de la médecine de ville. La stratégie de transformation du système de santé, « Ma santé 2022 » œuvre au déploiement de 1 000 Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Une organisation lisible des possibilités d'accès à des soins non-programmés est un levier afin de limiter des recours aux structures des urgences lorsqu'ils peuvent être pris en charge en ville. Des négociations conventionnelles sont actuellement en cours visant à aboutir à un accord-cadre interprofessionnel afin de créer un cadre de développement et de financement pérenne pour les CPTS. Ces objectifs sont en cohérence avec le plan national d'égal accès aux soins qui a été lancé en octobre 2017 et qui vise à assurer une présence médicale et soignante accrue dans les territoires, en particulier les plus fragiles. Outre ces mesures, une réflexion est engagée sur une cause majeure des difficultés des urgences, se situant dans la recherche de lits d'hospitalisation pour les patients en provenance des urgences. Cette question bien que subie en premier lieu au niveau des structures des urgences, tant par les patients que par les professionnels, est avant tout une problématique globale de l'établissement, voire de l'ensemble des acteurs de l'offre de soins du territoire qui doit être en capacité de prendre en charge ces hospitalisations non programmées. Plusieurs travaux, notamment sous l'égide du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) ont déjà été menés afin d'identifier les organisations vertueuses. L'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), en s'appuyant sur ces travaux, a déployé depuis 2013 un programme de gestion des lits qui a permis d'accompagner 150 établissements de santé sur cette problématique. Il s'agit à présent de capitaliser sur les réussites de ce programme et de généraliser les organisations qui ont fait leurs preuves. Afin d'objectiver les difficultés et suivre l'amélioration des résultats en matière de fluidifications des parcours en aval des urgences, la ministre des solidarités et de la santé a demandé au CNUH de travailler à la mise en place d'un faisceau d'indicateurs. Il s'agit à présent que les acteurs locaux, agences régionales de santé comme établissements de santé, avec l'aide des organismes chargés de l'exploitation des résumés de passage aux urgences, s'en emparent afin de mettre en place une démarche d'anticipation de ces tensions au sein de l'établissement. Un accompagnement de l'ANAP, pour des établissements volontaires, est également organisé dans le cadre de ces travaux. L'amélioration des parcours est un axe important de la stratégie de transformation du système de santé. Il s'agit de permettre une organisation des parcours efficiente, favorisant, par exemple pour les personnes âgées, les entrées directes dans les services sans passage par la structure des urgences. Enfin, dans le cadre du chantier relatif au droit des autorisations lancé en 2017, le cadre réglementaire de la médecine d'urgence est en cours d'évaluation. Il s'agit d'y apporter les améliorations nécessaires propres à garantir la qualité et la sécurité de la prise en charge, l'amélioration des organisations et l'innovation. Ces travaux doivent aboutir courant 2019 à la publication des textes rénovés, pour révision ensuite des programmes régionaux de santé par les agences régionales de santé. La bonne répartition des moyens et la lisibilité de l'organisation territoriale par la population sont absolument essentielles pour que celle-ci puisse s'orienter sans difficulté et trouver une solution de prise en charge adaptée à son besoin de santé, qu'il relève de la médecine générale ou de l'urgence vitale.

Données clés

Auteur : M. Michel Larive

Type de question : Question écrite

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Dates :
Question publiée le 24 juillet 2018
Réponse publiée le 12 février 2019

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