15ème législature

Question N° 11190
de M. Alain Bruneel (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > sécurité sociale

Titre > Fraude aux cotisations sociales

Question publiée au JO le : 24/07/2018 page : 6504
Réponse publiée au JO le : 11/12/2018 page : 11378
Date de changement d'attribution: 07/08/2018
Date de signalement: 02/10/2018

Texte de la question

M. Alain Bruneel appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Dans son rapport public annuel de 2018, la cour des comptes insiste sur cette « priorité au regard de l'enjeu financier majeur qu'elle représente ». Elle épingle également « des progrès insuffisants » et préconise « une relance active d'une politique qui donne des signes préoccupant d'essoufflement. » Dans un contexte d'austérité où le Gouvernement s'acharne à rogner sur les dépenses publiques, il est en effet indispensable de mettre les moyens financiers et humains pour en finir avec ce manque à gagner de plus de 20 milliards par an selon l'estimation de l'ACOSS - Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Il s'étonne donc des informations qui annoncent la suppression prochaine de dizaine de milliers de postes dans les services des finances publiques alors que la fraude fiscale comme la fraude aux cotisations sociales sont des enjeux majeurs pour le pays. Dans le même temps, selon la DNLF - délégation nationale à la lutte contre la fraude, la fraude aux dépens de Pôle emploi s'élevait à 178,1 millions d'euros en 2016. Un montant qui représente 0,5 % du total des allocations versées par l'organisme. Malgré cette disproportion, le Gouvernement renforce le contrôle des chômeurs et prévoit l'augmentation des effectifs de pôle emploi pour mener la chasse aux fraudeurs. M. le député s'alarme donc de constater que le Gouvernement se montre dur pour contrôler les demandeurs d'emplois tout en faisant preuve de faiblesse dans les moyens affrétés pour lutter contre la fraude des grandes fortunes et des employeurs. Alors que l'hôpital est en crise et que le pays a besoin de plus de 100 000 personnels de santé, il lui propose d'embaucher immédiatement 1 000 personnes chargées de mener cette chasse à la fraude aux cotisations sociales afin de s'assurer des rentrées financières permettant de financer les besoins de la Nation notamment en matière de santé. Il souhaiterait connaître ses intentions sur cette question.

Texte de la réponse

En 2017, la fraude détectée par les organismes de sécurité sociale s'est élevée à 1,2 Md€, contre 860 M€ en 2014, soit une augmentation de près de 40 % sur trois ans. Ce résultat traduit la poursuite de l'investissement des organismes de sécurité sociale dans la prévention, la détection et la qualification de la fraude aux cotisations et aux prestations de sécurité sociale. La signature des trois conventions d'objectifs et de gestion de l'ACOSS, de la CNAM et de la CNAV en 2018, a été l'occasion de rappeler l'importance des contrôles réalisés par les agents de contrôle au titre de la lutte contre la fraude. Des objectifs ambitieux ont, d'ailleurs, été fixés au titre des indus frauduleux constatés et dans le cadre du recouvrement de ces indus. S'agissant des contrôles réalisés par les Urssaf, l'analyse des résultats montre l'efficacité du ciblage de la lutte contre le travail illégal. En 2017 près de 87% des actions réalisées par les inspecteurs du recouvrement ont abouti à un redressement. La période 2014-2018 a été marquée par une très forte hausse des redressements au titre de la lutte contre le travail illégal, conséquence d'une professionnalisation accrue des équipes en charge du contrôle et d'une capacité à mieux cibler les opérations de contrôle sur les fraudes à fort enjeu financier. En outre, plusieurs mesures visant à améliorer le taux de recouvrement des redressements notifiés aux entreprises ont été votées en Loi de Financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2017. Une procédure permettant, en cas de travail dissimulé, de réaliser une saisie-conservatoire immédiate sur les biens des personnes morales ou physiques contrôlées a été créée conciliant la recherche de la meilleure efficacité pratique et le respect du droit à la défense. Par ailleurs, la procédure d'opposition à tiers détenteur permet un gel immédiat, à titre conservatoire, des biens et avoirs détenus auprès de tiers, notamment les organismes bancaires. En 2017, le réseau des Urssaf a procédé au redressement de plus de 540 M€ de cotisations et contributions sociales. Pour mémoire, en 2003, les résultats financiers s'élevaient à 33 millions d'euros. La stratégie portée par l'ACOSS consiste à lutter contre toutes les formes d'évasion sociale. La lutte contre le travail illégal figure parmi les priorités des Urssaf, pour la période 2018-2022. Parmi les orientations retenues dans la nouvelle COG ACOSS, figurent la poursuite de la participation aux contrôles interministériels, le contrôle des prestations de service international et notamment des salariés détachés et le contrôle des activités commerciales sur internet.  Par ailleurs, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, renforce l'efficacité de la lutte contre la fraude en adoptant des mesures dans le but de mieux détecter, mieux appréhender et mieux sanctionner la fraude : - Renforcement des échanges d'informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude (article 6), - Renforcement des sanctions dans la cadre de l'exercice du droit de communication (article 8) : sanction applicable en cas de silence gardé et introduction de la notion de récidive. - Obligations déclaratives à la charge des plateformes collaboratives (article 10) : harmonisation des textes relatifs à l'obligation de renseignement des utilisateurs et à l'obligation déclarative et la garantie d'une collecte d'informations permettant de restituer une information fiable sur la déclaration de revenus des contribuables. - Application du principe « dites-le-nous une fois » : l'administration fiscale se charge de récupérer les informations et de les transmettre à l'ACOSS. - Sanction du tiers complice de la fraude (article 19) : poursuite et condamnation pour le tiers complice d'abus de droit. Enfin, s'agissant du manque à gagner de plus de 20 Md d'euros par an auquel vous faites référence, ce chiffre figurant dans le rapport sur la sécurité sociale de la Cour des comptes de 2014 est controversé. Le Conseil national pour la statistique a été mandaté en septembre 2015 pour fournir une évaluation scientifique du montant estimé de la fraude sociale. Désormais il publie chaque année sur la base des données de l'ACOSS une évaluation du manque à gagner pour les finances sociales. En 2017, la fourchette est établie entre 6,1 et 7,4 Md d'euros.