Foreign account tax compliance act (FATCA)
Question de :
M. Fabien Matras
Var (8e circonscription) - La République en Marche
M. Fabien Matras alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés rencontrées par les Français et binationaux assujettis à la fiscalité américaine, subséquemment à l'application de la loi FATCA. Les questions posées au Gouvernement et les différents débats que ces cas ont soulevés ont porté sur les binationaux et les « Américains accidentels », personnes étant rattachées aux États-Unis par un ensemble d'élément factuels (« indices d'américanités ») , mais c'est oublier que l'application de cette législation impacte également les nationaux français partageant un patrimoine commun avec ces personnes. Adopté par les États-Unis d'Amérique dans le cadre du développement de la lutte contre la fraude fiscale, le Foreign account tax compliance act (FATCA) du 18 mars 2010 instaure l'obligation pour toute institution financière située à l'étranger de transmettre à l'Internal revenue service (IRS) américain des informations fiscales sur les contribuables américains. L'enjeu du FATCA est d'organiser la transmission automatique de ces données dont l'accord bilatéral du 14 novembre 2013, validé par la loi n° 2014-98 du 29 septembre 2014, a encadré les modalités. Ainsi, en vertu de l'article 1649 AC du code général des impôts, les institutions financières françaises sont soumises à une obligation déclarative concernant leurs clients présentant des « indices d'américanité » prévus au point 1 du paragraphe B de la section II de l'annexe Il'accord du 14 novembre 2013 mis en annexe du décret n° 2015-1 du 2 janvier 2015. Afin d'assurer le respect de cet accord, plusieurs sanctions ont été prévues à l'égard des particuliers et des banques : les premiers pouvant être poursuivis par le fisc et se voir imposer une taxe de rapatriement de 17,5 % sur les bénéfices des trente dernières années des entreprises détenues, pour les seconds les sanctions vont jusqu'à un retrait de la licence bancaire aux États-Unis. L'analyse des débats parlementaires de la loi FATCA de 2014 révèle qu'il avait été annoncé que la mise en œuvre de ces dispositions risquait de conduire certaines banques à discriminer leurs clients présentant un indice d'américanité ; pourtant aucune mesure préventive particulière n'a été prise conduisant de facto à une double sanction pour les personnes concernées. Une sanction financière directe, tout d'abord, qui se caractérise, par une double imposition. De jure, si la convention du 31 août 1994 liant la France et les États-Unis élimine les risques de double imposition, il n'en demeure pas moins que les différences de régimes d'imposition applicables dans chaque pays conduit, à une double imposition. Ainsi, la CSG et la CRDS n'entrent pas dans le champ de cette convention : considérées comme des charges sociales par l'IRS, elles ne donnent pas droit à un crédit d'impôt auprès du fisc américain, ce qui a pour conséquence de soumettre, de facto, les personnes concernées à une double imposition pour les revenus des placements et les plus-values du patrimoine. De même, certaines déductions d'impôt prévues par la loi française (nombre de personnes à charge notamment), ne sont pas prévues ni reconnues comme telles par l'IRDS, obligeant les binationaux à payer la différence au fisc américain. Par ailleurs, les personnes souhaitant ne pas subir cette double imposition peuvent abandonner leur nationalité américaine mais la procédure est coûteuse, nécessitant l'intervention d'avocats en France et aux États-Unis, et est soumise à une mise en conformité fiscale préalable. En outre, en l'absence de liens concrets avec les États-Unis, où ils n'ont pas résidé, et de documents officiels de ce pays, ces personnes ont des difficultés pour fournir les informations demandées par les établissements financiers français, notamment un numéro d'identification fiscale américain dont l'obtention peut être particulièrement longue. Une sanction indirecte, ensuite, du fait d'une discrimination de certaines banques à l'égard des clients présentant des indices d'américanité, comme le relève l'avis du Défenseur des Droits du 23 mai 2018 : clôtures arbitraires de comptes, refus d'ouverture, impossibilité de souscrire à des produits d'épargne et de placement le tout sans tenir compte des exonérations prévues par l'accord, notamment pour les personnes physiques dont le solde n'excède pas 50 000 dollars US, tel que le prévoit le point 4 du I de l'annexe I de l'accord précité. Ces problématiques sont dramatiques dans la mesure où, d'une part, elles conduisent à un transfert de capitaux français pour des personnes n'étant pas nées ou n'ayant pas résidées aux Etats-Unis (c'est le cas notamment lors des situations avec des personnes possédant un patrimoine commun avec des binationaux américains) provoquant parfois l'anéantissement des économies d'une vie, du fait des sanctions appliquées par le fisc américain ; et d'autre part se pose la question de l'application réciproque de cet accord par les services fiscaux américains. Sur le plan international, il lui demande donc quelles solutions sont envisagées par le Gouvernement pour alléger les procédures d'abandon de la nationalité étatsunienne et lisser les disparités issues de l'application de deux régimes fiscaux différents, ainsi que garantir la réciprocité de l'accord. Au plan interne, Il lui demande également quelles sont les mesures envisagées pour étendre les garanties du « droit au compte » pour les personnes ainsi victimes de discrimination de la part de leur banque, ce droit ne permettant actuellement de ne bénéficier que de services limités.
Réponse publiée le 13 novembre 2018
En matière de fiscalité, les États-Unis appliquent le principe de l'imposition sur la base de la citoyenneté, celle-ci pouvant s'acquérir par la seule naissance sur le sol américain. Les citoyens français qui ont également la nationalité américaine sont ainsi tenus, par le droit américain, de procéder à une déclaration de leurs revenus auprès des services fiscaux de ce pays et d'acquitter les impôts dus sous réserve de franchises applicables. Il en va d'ailleurs de même pour tous les citoyens américains résidant en France. Il s'agit là d'un principe ancien. Une convention fiscale bilatérale ayant été conclue entre la France et les États-Unis en vue d'éviter les doubles impositions, ce n'est que dans les cas où l'impôt français est inférieur à l'impôt américain ou si certains revenus bénéficient d'une non-imposition du seul côté français, qu'un impôt complémentaire pourra être valablement demandé par l'administration américaine. En outre, s'agissant des citoyens américains qui résident hors des États-Unis, la législation américaine prévoit différents mécanismes qui réduisent largement le risque de double décaissement dans le cadre de l'instauration du prélèvement à la source. Ainsi, il leur est accordée un abattement sur les revenus de leur travail (foreign earned incomeexclusion) fixé à 104 100 dollars pour 2018 ou encore à une déduction spéciale des charges d'hébergement exposées par leur employeur (foreign housing exclusion). De plus, la législation américaine prévoit des modalités particulières de prise en compte des impôts acquittés à l'étranger conduisant à imputer sur l'impôt américain le crédit afférent à l'impôt étranger payé au titre des revenus de la même année ou bien celui estimé au titre des revenus de l'année en cours. Le 14 novembre 2013, la France a signé un accord intergouvernemental, dit « accord FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act), relatif au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers. Entré en vigueur le 14 octobre 2014, cet accord fixe un cadre pour l'échange automatique et réciproque d'informations fiscales entre la France et les États-Unis. A défaut, la loi « FATCA » que les États-Unis ont adoptée en 2010 aurait obligé tous les établissements financiers à transmettre directement à l'administration fiscale américaine des informations détaillées sur les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains. Ainsi, l'administration américaine dispose d'informations plus exhaustives sur l'ensemble des ressortissants américains, dont les « américains accidentels », c'est-à-dire certains citoyens français ayant également la nationalité américaine, notamment du fait de leur naissance sur le sol américain, mais n'ayant pas de liens particuliers avec les États-Unis. Cette administration considère qu'en application de la législation des États-Unis, les "américains accidentels" auraient dû accomplir les démarches déclaratives incombant à tout ressortissant américain. Cette problématique ne concerne pas les seuls binationaux français : le Mexique et le Canada sont particulièrement concernés, de même que d'autres États, notamment européens. Le Gouvernement, par le biais du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a sollicité l'attention des autorités américaines sur ces situations particulières et plaidé en faveur d'une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour ces « américains accidentels », étant entendu que les conditions d'octroi de la nationalité et le principe de l'imposition sur la base de la citoyenneté relèvent de la compétence souveraine des États-Unis. Un courrier a également été adressé au secrétaire au Trésor américain, le 8 mai 2017, par la présidence de l'UE, appelant son attention sur les difficultés concrètes rencontrées par certains citoyens européens ayant également la nationalité américaine. Les représentants de l'administration fiscale française ont par ailleurs engagé des contacts et un dialogue avec les services fiscaux américains pour proposer que dans les situations où, comme c'est le cas pour les « américains accidentels », les liens avec les États-Unis sont ténus, la procédure de renonciation à la nationalité soit rendue plus simple et moins coûteuse au regard des obligations fiscales qui en découlent. La France est à cet égard l'un des États les plus mobilisés et espère des avancées concrètes de la part des autorités américaines. C'est pourquoi le dialogue sera poursuivi. Par ailleurs, la France a toujours considéré que la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) étaient couvertes par la convention fiscale bilatérale du 31 août 1994. Cette position, validée à plusieurs reprises par la jurisprudence constitutionnelle, continue à être défendue auprès des autorités américaines. Enfin, le Gouvernement reste vigilant quant au respect par les banques de leurs obligations à l'égard des personnes de nationalité américaine, afin que le droit au compte leur soit reconnu et soit appliqué de manière effective. A cet égard, il est rappelé qu'il existe une procédure de recours devant la Banque de France permettant de contraindre une banque à accepter l'ouverture d'un compte, l'établissement étant alors désigné par la Banque de France.
Auteur : M. Fabien Matras
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Dates :
Question publiée le 24 juillet 2018
Réponse publiée le 13 novembre 2018