Question écrite n° 1128 :
La place des langues régionales dans l'enseignement public

15e Législature
Question signalée le 15 janvier 2018

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - La République en Marche

M. Joël Giraud attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la place des langues régionales dans l'enseignement public. La question des langues de France fait partie du débat plus large tournant autour de la définition de la culture nationale parce que ce débat est lié au statut qui est actuellement le leur dans le système éducatif. Ce statut est placé depuis maintenant bien des années sous le signe du paradoxe. D'un côté, tous les gouvernements ont régulièrement exprimé leur intérêt et leur considération pour des langues dont la Constitution fait désormais un élément du « patrimoine national » (article 75-1) mais d'un autre côté aucun cadre réglementaire précis ne fixe leur enseignement. À titre d'exemple, l'enseignement de l'occitan-langue d'oc est ainsi confronté à un certain nombre de difficultés, renforcées, par rapport à d'autres langues, par les dimensions de l'espace linguistique concerné (une trentaine de départements, sur plusieurs académies) : disproportion entre les besoins et le nombre de postes attribués chaque année au concours de recrutement des enseignants du secondaire (CAPES d'occitan-langue d'oc) ; difficulté à assurer, localement, la continuité de l'enseignement de la langue entre le primaire, le secondaire, et le supérieur, et dans certaines académies, l'absence de tout dispositif de formation des maîtres ; disparité des situations d'une académie à l'autre. L'article 2 de la Constitution modifié en juin 1992 affirme que « la langue de la République est le français », ce que nul ne remet en cause. La proposition de préciser « dans le respect des langues régionales » avait été rejetée au cours du débat portant sur cette modification. Ainsi, l'article 2 dans sa formulation actuelle est régulièrement brandi contre toute avancée en faveur des langues de France par ceux qui confondent langue commune et langue unique, en contradiction d'ailleurs avec l'article 75-1. Il conviendrait donc de rouvrir le débat. En attendant que ce débat constitutionnel puisse être mené il est nécessaire de mettre en place une véritable politique nationale, cohérente et dynamique, avec des moyens spécifiques attribués à l'enseignement des langues régionales dans l'école de la République ainsi qu'une véritable information des familles sur l'intérêt cognitif et citoyen de l'apprentissage de ces langues. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en matière de prise en compte des langues régionales dans le service public de l'éducation nationale.

Réponse publiée le 30 janvier 2018

Le ministère de l'éducation nationale est attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises, et la situation de l'enseignement des langues régionales fait l'objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés. La circulaire no 2017-072 du 12 avril 2017 a rappelé d'une part cet attachement, d'autre part le cadre du développement progressif de l'enseignement des langues et cultures régionales. Les textes réglementaires relatifs à l'enseignement des langues régionales à l'école, au collège et au lycée constituent un cadre à la fois solide et souple, qui offre des garanties pour assurer leur pérennité et leur développement. L'article L. 312-10 du code de l'éducation dispose que « les langues régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » ; les modalités de cet enseignement facultatif, qui peut être dispensé « tout au long de la scolarité » sous deux formes, un enseignement de la langue et de la culture régionales et un enseignement bilingue, sont « définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales ». L'article L. 312-11 du même code autorise en outre les enseignants des premier et second degrés à « recourir aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement. » L'arrêté du 12 mai 2003 organise quant à lui l'enseignement bilingue en langues régionales à parité horaire dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées. Les récents ajustements apportés à l'organisation des enseignements du collège par l'arrêté du 16 juin 2017 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 confirment la volonté de mettre en œuvre une politique de soutien aux langues et cultures régionales, puisqu'ils permettent de ménager une place plus favorable encore aux langues régionales au collège. En effet, l'enseignement de sensibilisation et d'initiation en classe de sixième et celui de complément au cycle 4 (classes de cinquième, quatrième et troisième) sont remplacés par un enseignement facultatif, de la sixième à la troisième, dans la limite de deux heures hebdomadaires par niveau, ce qui représente un volume horaire supérieur à celui de la situation précédente (1 heure seulement en classe de cinquième). En outre, l'ouverture de cet enseignement facultatif n'est plus conditionnée à la mise en place d'un enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) de langues et cultures régionales, comme c'était le cas précédemment, ce qui offre plus de souplesse aux établissements dans la construction de leur offre. Par ailleurs, la suppression des huit thématiques des EPI va aussi dans le sens d'un assouplissement de l'organisation et de l'articulation des enseignements et des projets pédagogiques mis en œuvre par les équipes, qui est bénéfique aux langues régionales : ces dernières ne sont pas confinées à une seule thématique et peuvent être partie prenante de projets de natures très diverses. De plus, l'article 3 de l'arrêté du 16 juin 2017 ouvre pour la première fois au collège la possibilité de dispenser partiellement un enseignement non linguistique dans une langue vivante, notamment régionale. Jusqu'à présent, l'accès à un enseignement de discipline non linguistique en langue régionale était réservé aux élèves scolarisés dans les sections bilingues langues régionales ; il est à présent ouvert à tous, notamment aux élèves qui suivent un enseignement de langue régionale en dehors d'un cursus bilingue. Enfin, les sections bilingues ne sont pas affectées par les évolutions du collège et conservent les mêmes modalités de fonctionnement : renforcement de l'apprentissage linguistique de la langue régionale choisie en parallèle avec la pratique de langues vivantes étrangères, et enseignements autres que linguistiques dispensés pour partie en langue régionale. L'ensemble de ces dispositions permettra donc de soutenir et d'accompagner dans les années à venir le développement des langues et cultures régionales dans la scolarité obligatoire.  L'occitan-langue d'oc fait l'objet d'une attention toute particulière, elle constitue la première langue régionale enseignée dans le système scolaire français en termes de nombres d'élèves (environ 66 300 élèves durant l'année scolaire 2016-2017) ; ce nombre augmente progressivement d'une année à l'autre, témoignant des efforts conjoint des services académiques et des collectivités territoriales impliquées pour soutenir l'enseignement et la transmission de cette langue. Le ministère s'est clairement engagé à poursuivre cette politique en signant le 26 janvier 2017 une convention pour le développement et la structuration de l'enseignement contribuant à la transmission de l'occitan avec les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie et l'Office Public de la Langue Occitane. Enfin, l'occitan-langue d'oc fait partie des trois langues régionales retenues pour la première session de l'agrégation externe de langues de France, qui se tiendra en 2018 : il s'agit à la fois d'une reconnaissance importante et d'un moyen de dynamiser la formation et le recrutement de professeurs hautement qualifiés pour dispenser les enseignements de langues et cultures régionales.

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 15 janvier 2018

Dates :
Question publiée le 19 septembre 2017
Réponse publiée le 30 janvier 2018

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