15ème législature

Question N° 1139
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Échec de l'enseignement du français aux immigrés

Question publiée au JO le : 19/09/2017 page : 4420
Réponse publiée au JO le : 14/11/2017 page : 5578

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'échec de l'enseignement de la langue française aux migrants. L'intégration et l'acculturation des immigrés en France sont deux vraies questions et ceci depuis des décennies. M. Roger Karoutchi, sénateur « Les Républicains », a récemment publié un rapport selon lequel « la formation linguistique et civique obligatoire pour les étrangers primo arrivants en France est un échec complet ! ». Les réformes successives en la matière relèvent, selon lui, de la simple posture : « On a inventé, dit-il, une formation alibi qui se retourne contre l'impératif d'une intégration réussie ». Pourtant, avec 47 millions d'euros de budgets alloués en 2017, on est en droit d'exiger des résultats probants. En 2016, ce programme a bénéficié à 26 000 étrangers qui, au lieu de recevoir 400 heures de cours prévus, en ont reçu 200. Ceux qui devaient bénéficier de 240 heures d'enseignement ont dû se contenter de 148 heures. Le résultat est sans appel : « le niveau minimum requis (niveau A1) n'est acquis que par la moitié des bénéficiaires du parcours de 200 heures, alors même qu'il constitue un niveau linguistique plus que rudimentaire, équivalent à un niveau d'élève d'école primaire » explique M. Roger Karoutchi. Plus grave encore, ces formations ne sont guère prises au sérieux puisqu'elles ne sont pas réellement prises en compte lors de la délivrance d'un titre de séjour. Dans 80 % des cas, l'évaluation de la formation est sans résonnance sur la délivrance des titres de séjour. Le rapport de M. Karoutchi précise que « seule la délivrance de la carte de résident (valable dix ans et renouvelable de plein droit) devra être effectivement soumise à l'atteinte par l'immigré d'un niveau A2 (plus exigeant), à compter de mars 2018 ». Quant à la teneur de ces formations, il ne laisse aucun doute qu'elle est malheureusement insuffisante. Faire défiler quelques diapositives qui revisitent 2 000 ans d'histoire française ne permet pas à l'État d'accomplir l'une de ses missions : intégrer les immigrés légaux au sein de la Nation. Un véritable gâchis alors que cette intégration - sans parler d'assimilation - devrait être au centre de toutes ses attentions ! Elle lui demande donc quelles dispositions il compte prendre pour faire en sorte que cette situation - en clair, cet échec - ne perdure pas.

Texte de la réponse

La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a réformé le dispositif d'accueil et d'intégration des étrangers accédant pour la première fois au séjour en France et désireux de s'y installer durablement. Elle a créé un parcours d'intégration républicaine sur cinq ans dont la première étape, d'une durée d'un an, est marquée par la signature d'un contrat d'intégration républicaine (CIR). Dans ce cadre, l'exigence du niveau linguistique requis s'est accrue et le parcours de formation a été remanié en profondeur. Ainsi, depuis le 1er juillet 2016, date de démarrage du dispositif, les étrangers primo-arrivants se voient prescrire à leur arrivée en France, une formation linguistique obligatoire d'une durée de 200, 100 ou 50 heures selon leur niveau et les besoins identifiés. Ils doivent désormais progresser vers le niveau A1 en français du cadre européen commun de référence pour les langues à travers des apprentissages s'appuyant sur des prescriptions thématiques relatives à la vie publique, pratique et professionnelle. Une formation civique obligatoire de deux jours est également prescrite pour tous les primo-arrivants. Du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, sur 101 380 signataires du CIR, 56 347 ont bénéficié d'une formation linguistique, soit 55,6 %. Le nombre de primo-arrivants bénéficiant de cours de langue a donc nettement augmenté puisqu'en 2015 le nombre de prescription s'élevait à 27 233 signataires. Les résultats sur une cohorte ayant terminé sa formation au 28 juillet 2017 démontrent que 61,4 % des signataires ont atteint le niveau A1 et que 26,9 % en sont proches avec un niveau partiellement acquis. 11,7 % des signataires ne l'ont pas atteint pour diverses raisons. Pour certains, il s'agit d'un besoin de compléments de formation. Pour d'autres, la prise en charge spécifique de l'analphabétisme durant la formation est à interroger. Ces résultats ont conduit le ministère de l'intérieur à modifier par arrêté du 25 juillet 2017, l'arrêté du 1er juillet 2016 ouvrant la possibilité de prescrire 20 % d'heures de cours supplémentaires pour les stagiaires n'ayant pas obtenu le niveau A1 à la fin de leur formation. Par ailleurs, un travail d'ajustement et de perfectionnement pédagogiques a été engagé avec les coordonnateurs et formateurs. Dans le cadre de ces sessions, les formateurs sont plus particulièrement amenés à mettre en œuvre une pédagogie différenciée pour tenir compte de l'hétérogénéité des groupes et répondre à des besoins spécifiques. Le parcours de formation linguistique qui doit être suivi avec une obligation d'assiduité et de sérieux pour permettre la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel vise donc une progression vers le niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues. C'est cette progression en français, et plus largement le respect du CIR par l'étranger, associé aux autres conditions requises en matière de titre de séjour, qui permet la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle de deux à quatre ans après un an de séjour régulier. L'étranger qui n'aura pas été assidu aux cours ou n'aura pas progressé entre le début et la fin de son forfait ne pourra se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle. Les agents des préfectures qui délivrent ces titres ont accès aux données relatives au suivi du CIR par le demandeur. S'agissant de la formation civique, elle est obligatoire pour tous et a également été renforcée par la loi du 7 mars 2016. Un an après la mise en place du CIR, un processus d'évaluation du dispositif a été engagé pour établir un premier bilan de sa mise en œuvre. Des visites régulières sur les plateformes d'accueil de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la participation des équipes de la direction de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité à des formations, ainsi que la tenue d'un séminaire début juillet réunissant les organismes de formation et les directions territoriales de l'OFII ont permis d'identifier les points forts de cette formation civique, les problématiques rencontrées et plusieurs pistes d'évolution à explorer au regard des contenus et des méthodes, des outils associés comme du format et de la distribution des modules. Ce socle de réflexions sera complété par une évaluation des formations du CIR, centrée sur le volet pédagogique dans toutes ses composantes. Par ailleurs, M. Aurélien TACHÉ, député de la 10ème circonscription du Val-d'Oise, a été chargé par le Premier ministre, le 20 septembre 2017, d'une mission d'étude et de consultation destinée à poser les bases d'une politique d'intégration plus ambitieuse. Il devrait remettre ses conclusions au début de l'année 2018.