Concernant les pratiques managériales d'une entreprise
Publication de la réponse au Journal Officiel du 12 février 2019, page 1442
Question de :
M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Stéphane Peu alerte Mme la ministre du travail sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé récemment le licenciement de deux salariés d'une entreprise de télécommunications, qu'il a rencontrés et dont les témoignages ont été largement repris dans les médias. Ces licenciements sèment le trouble, révèlent un climat délétère au sein de l'entreprise SFR et provoquent un mouvement d'indignation de nombreux salariés et de tous les syndicats représentés dans l'entreprise (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et UNSA). Des syndicats qui se sont regroupés au sein d'une intersyndicale pour apporter leur entier soutien aux, désormais, deux ex-salariés. Les griefs de la direction à l'encontre de ces deux personnes sont liés à de supposées mésententes qu'elles auraient eues avec des proches du directeur général opérationnel de l'entreprise également associé historique du propriétaire de l'entreprise et lui-même toujours co-actionnaire. Des mésententes fausses à en croire les nombreux témoins (clients et salariés), les syndicats et les avocats des ex-salariés, mais que la direction avance malgré tout pour motiver les licenciements. Or il s'agit d'un prétexte désormais suffisant pour autoriser un licenciement depuis l'adoption de la loi travail 2017, autorisation qui ouvre ainsi la voie aux abus de pouvoir des directions des entreprises à l'encontre des salariés. Si ces derniers ont saisi les prud'hommes pour faire valoir leurs droits, la sanction de l'entreprise sera plafonnée et infime au regard des dégâts que ces licenciements abusifs entraînent dans la vie de ces hommes et femmes, et de la peur que de tels agissements de la direction fait régner auprès des 10 000 autres salariés de l'entreprise. Il souhaiterait, d'une part savoir si ces deux licenciements polémiques et rendus largement publics feront l'objet d'une enquête de la part de son ministère et, d'autre part connaître ses intentions pour encadrer davantage la législation afin de garantir le respect des droits des salariés et l'obtention d'une juste sanction des entreprises fautives.
Réponse publiée le 12 février 2019
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'incompatibilité d'humeur ou les conflits de personnes ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que dans des conditions très précises. L'employeur ne peut se contenter d'invoquer ce seul motif dans la lettre de licenciement mais doit alléguer de faits précis et objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables tels que de l'agressivité, des altercations, des conflits, des contradictions systématiques, un refus de coopérer, des dénigrements (Cass. soc. 27 novembre 2001, n° 99-45.163, Bull.civ.V n° 360). La mésentente doit également avoir des répercussions sur le fonctionnement du service ou de l'entreprise et le salarié doit, par son comportement, être responsable de cette situation conflictuelle (Cass. soc, 24 septembre 2014, n° 13-15.625). Il reviendra donc au juge d'examiner ce qu'il en est dans le cas évoqué. Le barème prud'homal, créé par l'ordonnance du 22 septembre 2017, n'a pas pour objet de remettre en cause l'obligation de justifier d'un motif réel et sérieux pour licencier un salarié, ni de priver ce salarié d'une juste indemnité si le juge considère que ce licenciement n'est pas justifié. En encadrant le montant pouvant être alloué par le juge en réparation, il s'agit de permettre aux parties au contrat de mieux prévoir les conséquences lorsque les règles posées par le code du travail en matière de rupture ne sont pas respectées. De ce fait, le choix a été fait d'un barème simple, progressif sur la base du seul critère de l'ancienneté, afin qu'il soit facilement applicable. Les montants planchers et plafonds ont été fixés afin de correspondre aux montants moyens des indemnités qui étaient accordées par les juridictions avant la réforme. En outre, certains comportements de l'employeur peuvent être sanctionnés au-delà du barème. S'il s'avère que le motif réel du licenciement est un motif particulièrement grave (par exemple lié à une discrimination), le barème n'est pas applicable. Il est également possible d'obtenir une indemnisation supplémentaire au regard des circonstances dans lesquelles le licenciement a été prononcé (en cas de licenciement vexatoire par exemple).
Auteur : M. Stéphane Peu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 21 janvier 2019
Dates :
Question publiée le 7 août 2018
Réponse publiée le 12 février 2019