15ème législature

Question N° 11578
de M. Pierre-Yves Bournazel (UDI, Agir et Indépendants - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Pérennisation du crédit d'impôt « cinéma »

Question publiée au JO le : 07/08/2018 page : 7041
Réponse publiée au JO le : 09/10/2018 page : 9084

Texte de la question

M. Pierre-Yves Bournazel interroge Mme la ministre de la culture sur la pérennité du crédit d'impôt « cinéma ». Ce dispositif fiscal contribue à la localisation et à la relocalisation des tournages sur le territoire français. Mise en place en 2004, cette incitation financière prouve son efficacité depuis quatorze ans. Le rapport d'activité 2017 du CNC présente l'ampleur de cette efficacité : « En 2017, 81 % des films d'initiative française effectuent plus de 70 % de leurs dépenses en France contre 73,8 % en 2003, année précédant la mise en place du crédit d'impôt ». Ce dispositif donne à la création française les moyens de s'affirmer dans un contexte de concurrence internationale accrue et permet de conforter le dynamisme du secteur du cinéma en France, qui contribue à hauteur de 0,8 % du PIB et représente 343 000 emplois. Les retombées positives de ce dispositif sont donc nombreuses et importantes. Le rapport d'application de la loi fiscale remis le 18 juillet 2018 consacre un chapitre aux « crédits d'impôt cinéma et audiovisuel national et international ». Il y souligne à la fois les différents impacts positifs de ce dispositif et le caractère croissant des dépenses fiscales qu'il a générées, celles-ci passant de 118 millions d'euros en 2012 à 293 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 148 % en six ans. Il contribue ainsi de façon dynamique au rayonnement de la puissance de création et de l'exception culturelle françaises. Considérant les retombées positives du crédit d'impôt « cinéma » depuis sa création ainsi que le diagnostic dressé par le rapport d'application de la loi fiscale, il appelle l'attention du Gouvernement sur le dispositif et sur l'importance d'assurer sa pérennisation.

Texte de la réponse

La mise en place, en 2004, 2005 et 2009, des dispositifs de crédits d'impôts en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle, a permis le maintien de l'activité et la reprise des investissements des industries techniques, une intégration plus poussée du secteur, surtout dans la production d'animation où certains acteurs ont pu étendre leur rôle, au-delà de la seule production, à la conception et à la distribution, et enfin le maintien du savoir-faire et de la compétitivité technologique de la France. Toutefois, dans un environnement de concurrence fiscale internationale très forte à l'origine de délocalisations massives (27 % des dépenses des films de cinéma délocalisées en 2015), il était essentiel de repenser les crédits d'impôt afin de les rendre plus compétitifs et de permettre à la France de redevenir un territoire privilégié d'accueil de tournages, aussi bien français qu'étrangers. Il était urgent de rendre le crédit d'impôt cinéma (CIC) plus compétitif face aux concurrents, en augmentant son taux à 30 %, mais aussi en l'ouvrant aux projets tournés en langue étrangère (au taux de 20 %), et notamment aux films à forts effets visuels et d'animation, dont les dépenses de tournage et de post-production sont les plus importantes. Le CIC a donc été revalorisé à compter de 2016. Cette revalorisation a eu des effets positifs remarquables : le taux de délocalisation des dépenses de tournage a été divisé par plus de la moitié entre 2015 et 2017 (12 % contre 27 %) et sans effet d'aubaine pour le secteur, puisque le nombre de films est resté stable. La réforme du CIC a permis une hausse des dépenses de tournage de films en France de + 267 M€ entre 2015 et 2017. En matière d'audiovisuel également, il était essentiel de stimuler la production d'œuvres ambitieuses et tournées vers l'international, et par là même de renforcer l'ensemble de la filière et tout particulièrement les industries techniques françaises, très sollicitées pour les projets aux budgets importants. Ainsi, suite à la revalorisation du crédit d'impôt audiovisuel (CIA) porté à 25 % pour la fiction et l'animation et 20 % pour le documentaire les tournages de plusieurs séries ambitieuses comme « Dix pour cent », « Versailles » ou « Le bureau des légendes » ont été effectués en France et connaissent un grand succès à l'international. Au total, la réforme du CIA a permis une hausse des dépenses de tournage de films de + 207 M€ entre 2015 et 2017. La filière animation a particulièrement bénéficié de ces mesures, avec la création et l'expansion de plus d'une dizaine de studios sur l'ensemble du territoire français. La relocalisation de segments entiers de la fabrication de l'animation en France (Xilam à Lyon, Samka et Super prod à Angoulême…) permet d'offrir des perspectives très concrètes en termes d'emploi aux 500 étudiants diplômés des écoles d'excellence française (Les Gobelins, pôle Magellis, Annecy, Valence…). Le territoire a également gagné en attractivité pour les films étrangers, qu'il est essentiel de savoir capter quand on sait que plus de 35 % des films de majors américains sont tournés hors des États-Unis. Grâce à la revalorisation du crédit d'impôt international à 30 %, les dépenses des œuvres étrangères localisées en France ont atteint, en 2017, le niveau sans précédent de 222 M€, soit 165 M€ de dépenses supplémentaires par rapport à 2015 pour 30 projets supplémentaires. Un plus grand nombre de projets anglo-saxons majeurs ont choisi la France pour tourner en 2016 et 2017 : « Dunkerque », de Christopher Nolan, dont les retombées touristiques ont été considérables, « Mission Impossible 6 » (21,1 M€ de dépenses en France), les films d'animation des studios Illumination-MacGuff (« Moi moche et méchant », « Tous en scène »…) et aussi les effets visuels de la nouvelle saison de « Twin Peaks » de David Lynch. Mais la France a également attiré des productions du monde entier, comme le film indien « Befikre » ou la série animée chinoise « Tig Tiger ». Par ailleurs, les crédits d'impôt représentent des outils maîtrisés au regard des finances publiques. Leurs coûts fiscaux sont stabilisés dans l'épure des prévisions présentées au Parlement (120 M€ pour le CIC, 126 M€ pour le CIA et 50 M€ pour le C2I) et les réformes font l'objet de contrôles et d'évaluation régulières. La commission des finances, via le rapport d'application de la loi fiscale du 18 juillet dernier, a salué les effets positifs importants des crédits d'impôt. Au total, la réforme de l'ensemble des crédits d'impôt (cinéma, audiovisuel, international) a eu un impact économique remarquable, puisqu'elle a permis la création de plus de 15 000 emplois et une augmentation des dépenses de tournage en France de + 639 M€. Au delà de la seule relocalisation de dépenses, qui se traduisent par des recettes fiscales et sociales pour L'État, c'est une véritable dynamique industrielle et commerciale qui a été mise en place. La réforme a également eu des retombées locales importantes (hôtellerie et restauration) et permis un fort développement du ciné-tourisme. Cette dynamique se maintient en 2018. On constate déjà, au premier semestre, 214 M€ de dépenses supplémentaires en France par rapport à 2015 pour les trois crédits d'impôts. Le taux de délocalisations des films français de fiction tournés dans l'année est de 16 % sur les 6 premiers mois de 2018, soit largement en dessous des 27 % de l'année 2015 complète. Des tournages importants ont eu lieu, notamment ceux de « Alad'2 », « Le Chant du loup », « Nous finirons ensemble » et « Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu ? » Il apparaît donc aujourd'hui indispensable de pérenniser ce dispositif face à une concurrence internationale qui ne cesse de s'accentuer : le Royaume-Uni, qui a aussi revalorisé son crédit d'impôt en 2015, a ainsi attiré en 2016 et 2017 un grand nombre de films de majors américains tournés en dehors des États-Unis. Plus récemment, le crédit d'impôt hongrois est passé de 25 % à 30 % pour les productions étrangères tournant en Hongrie. Enfin, certains mécanismes récemment réformés restent très agressifs en matière de concurrence fiscale, à l'image du tax shelter belge.