Autoroutes - Gratuité - Forces de secours
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 décembre 2018, page 11542
Question de :
Mme Aude Bono-Vandorme
Aisne (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Aude Bono-Vandorme attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la gratuité des péages autoroutiers pour la police, les pompiers, le SAMU et la gendarmerie. Adoptée par un amendement en loi de finances en 2017, le décret d'application mettant en œuvre la gratuité des péages pour les véhicules de secours n'est toujours pas publié. La période estivale étant malheureusement souvent synonyme d'activités accrues des forces de secours, elle souhaite que lui soit précisé l'état d'avancement des discussions et le calendrier de publication de ce décret tant attendu.
Réponse publiée le 11 décembre 2018
L'article 171 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a inséré dans le code de la voirie routière un article L. 122-4-3 prévoyant que les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération sont exonérés de péage lorsqu'ils empruntent l'autoroute, indépendamment de leur lieu d'intervention. L'exposé des motifs vise spécifiquement les « véhicules de secours », c'est-à-dire les véhicules de la police, de la gendarmerie, des pompiers (services départementaux d'incendie et de secours) et du SAMU (SMUR). La définition des conditions d'application de cette mesure est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat. Il convient de rappeler que la règlementation en vigueur, à savoir l'instruction 3-2 du 30 décembre 1980 relative au droit de circulation en franchise sur autoroutes à péage (dite « circulaire Hoeffel ») citée par les articles 25 des cahiers des charges annexés aux conventions de concession d'autoroute, prévoit que les services de secours ne sont pas assujettis au péage lorsqu'ils effectuent une intervention sur autoroute, notamment suite à un accident. Cette différence de traitement vis-à-vis des autres usagers est justifiée par le fait que les services de secours contribuent à la bonne exploitation de l'infrastructure et donc au service rendu à l'usager. L'article L. 122-4-3 précité rompt avec cette logique en exonérant de péage l'ensemble des véhicules d'intérêt général prioritaires, même lorsqu'ils ne sont pas en intervention sur l'autoroute. Désormais, la seule condition pour bénéficier de la franchise de péage est que le déplacement revête un caractère opérationnel. Or pour les sociétés concessionnaires, qui devront appliquer cette exonération, s'assurer du caractère opérationnel du déplacement est techniquement difficile, notamment lorsque les interventions se situent hors du réseau autoroutier concédé. La vérification ne pourra vraisemblablement être effectuée qu'a posteriori, ce qui imposera une charge nouvelle de travail aux services publics de secours et posera la question du recouvrement en cas d'abus. Outre que sa mise en œuvre présente des difficultés pratiques importantes, la définition juridique de l'objectif que le législateur a assigné à cette mesure s'avère d'une grande complexité, plusieurs principes généraux du droit se trouvant en contradiction. En effet, l'exonération de péage pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération constitue une rupture d'égalité des usagers devant le péage. Le législateur a justifié cette rupture d'égalité par une baisse des charges de fonctionnement des services de secours concernés. La mesure permettrait ainsi de soulager les budgets respectifs des services centraux et déconcentrés de la police et de la gendarmerie nationale, des établissements hospitaliers disposant d'un SAMU, ainsi que des départements, qui contribuent au budget des services départementaux d'incendie et de secours. Toutefois, il s'agit, pour les sociétés concessionnaires, d'une charge nouvelle qui leur est imposée et pour laquelle elles ne pourraient être compensées par une hausse des tarifs de péage. Une telle répercussion dans le péage serait, en effet, doublement inconstitutionnelle : d'une part, parce qu'elle créerait une rupture d'égalité des usagers devant le péage ; d'autre part, parce qu'elle mettrait à la charge des usagers de l'autoroute des dépenses liées à l'exercice de missions régaliennes, lesquelles ont vocation à être financées par l'impôt. Les sociétés concessionnaires pourraient donc se prévaloir d'un préjudice devant le juge du contrat, comme elles l'ont déjà indiqué à l'Etat. Le concédant – à savoir l'Etat – serait alors tenu d'indemniser sur fonds publics ses cocontractants pour le manque-à-gagner représenté par cette mesure dans les conditions fixées par le juge. Cette indemnisation annulerait donc les effets attendus de l'exonération, qui visait à réduire les dépenses de fonctionnement des services publics ayant recours aux véhicules d'intérêt général prioritaires. Une première estimation des pertes de recettes pour les sociétés concessionnaires qui seraient à indemniser sur fonds publics s'élèverait à plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Ces considérations expliquent les grandes difficultés rencontrées dans la définition des mesures réglementaires adaptées à la nature de l'habilitation législative.
Auteur : Mme Aude Bono-Vandorme
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Transports
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 22 octobre 2018
Dates :
Question publiée le 7 août 2018
Réponse publiée le 11 décembre 2018