15ème législature

Question N° 11852
de Mme Véronique Louwagie (Les Républicains - Orne )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > santé

Titre > Arrêté ministériel sur l'usage de la Créosote

Question publiée au JO le : 28/08/2018 page : 7530
Réponse publiée au JO le : 18/06/2019 page : 5663
Date de changement d'attribution: 18/09/2018

Texte de la question

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le projet d'arrêté interministériel visant à interdire la mise sur le marché des bois traités à la créosote, à compter du 23 avril 2019. Le texte prévoit d'une part, d'interdire les importations de bois traités sur notre territoire et, d'autre part, la réutilisation des bois traités déjà présents. Si, bien évidemment, il faut saluer le bannissement, à terme, des produits toxiques pour l'homme et l'environnement, cet arrêté n'est pas sans poser un certain nombre d'interrogations, notamment s'agissant du public touché par cette interdiction. A titre d'exemple, les haras et centres équestres ont fréquemment recours à ce matériel et devront donc trouver des solutions alternatives. Néanmoins, l'arrêté prévoit un certain nombre de dérogations spécifiques, par exemple, en ce qui concerne le traitement des traverses de chemin de fer et des poteaux électriques ou de télécommunication. Elle s'interroge sur ce qui motive de telles dérogations et souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement quant à ces dispositions particulières.

Texte de la réponse

Conformément au règlement sur les produits biocides, des industriels ont déposé auprès de la Suède et d'autres États des demandes d'autorisation de mise sur le marché pour différents produits à base de créosote et pour différents usages de traitement du bois. La Suède a instruit les premiers dossiers et a autorisé deux usages parmi tous ceux revendiqués par les industriels pour ces produits : le traitement des traverses de chemin de fer et des poteaux de réseaux électriques et téléphoniques. En France, l'agence sanitaire nationale (Anses), autorité compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché, a été saisie fin mai 2016 de 3 demandes d'autorisation de produits à base de créosote, selon la procédure de reconnaissance mutuelle. Sur la base de l'évaluation faite par la Suède, d'études produites par la société nationale des chemins de fer français (SNCF), Réseau de transport d'électricité (RTE), ENEDIS et l'institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), l'Anses a réalisé sa propre évaluation. L'évaluation faite par la Suède de la créosote conclut que cette substance peut présenter des risques pour la santé des travailleurs, notamment en raison de son caractère cancérogène sans seuil. Cependant, si des mesures strictes sont prises, visant à limiter l'exposition des travailleurs, le risque pour leur santé est considéré comme acceptable par la Suède. L'agence d'expertise suédoise attire cependant l'attention sur la nécessité d'application rigoureuse de mesures de réduction de l'exposition. Les autorités françaises partagent les conclusions de la Suède sur les risques sanitaires et environnementaux, mais considèrent que les poteaux électriques et téléphoniques disposent de substituts possibles, et donc que les risques inacceptables identifiés ne peuvent être autorisés. En effet, en parallèle de l'évaluation menée par l'Anses, les autorités françaises ont engagé une étude en vue d'évaluer les impacts socio-économiques d'une interdiction éventuelle sur les deux usages autorisés par la Suède. Ce travail a été confié au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de la transition écologique et solidaire qui a conclu que les conditions économiques de la substitution méritaient d'être prises en compte pour la délivrance d'une autorisation par l'Anses pour les traverses, mais qu'elles n'étaient pas réunies pour les poteaux téléphoniques et électriques qui disposent de substitut. Le rapport mettait aussi en évidence la nécessité d'améliorer la gestion des déchets de bois créosotés. En effet, leur utilisation peut se révéler bien plus dangereuse pour la santé que durant leur première vie, des réutilisations par exemple comme banc à l'intérieur d'habitations ont ainsi été rapportées. C'est à ce titre que si le démantèlement immédiat de l'ensemble des poteaux traités à la créosote n'apparaît pas envisageable, il importe d'arrêter l'implantation de nouveaux panneaux, et surtout de mieux assurer la traçabilité des poteaux ou des traverses lors de leur démantèlement. Afin de prendre en compte ces différentes évaluations, deux types de mesures réglementaires ont été adoptées ou sont en cours d'adoption : - dans le cadre du règlement sur les produits biocides, il a été décidé d'interdire ces produits contenant de la créosote, sauf pour les usages de traverses de chemin de fer ; - afin d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, le ministère de la transition écologique et solidaire, en lien avec les ministères chargés de la santé et du travail, adoptera prochainement un arrêté national qui, interdira d'une part, l'importation sur notre territoire des autres produits en bois traités avec la créosote et d'autre part, la réutilisation des bois traités présents sur notre territoire pour d'autres usages que ceux autorisés. Le ministère a par ailleurs réuni le 19 décembre 2018 les principales parties prenantes pour la signature d'une charte d'engagement volontaire (1) visant à : - pour les acteurs ferroviaires, poursuivre leur engagement sur la recherche et l'utilisation d'alternatives à la créosote pour les traverses ; - pour l'ensemble des acteurs, concourir et diffuser l'information sur les risques sanitaires et environnementaux que représentent ces bois traités ; - pour l'ensemble des acteurs, orienter ces déchets de bois traités à la créosote en fin de vie vers des installations de valorisation énergétique adaptées à ce type de déchets dangereux. Le Gouvernement a par conséquent, en lien avec les acteurs économiques et les organisations gouvernementales pris l'ensemble des mesures permettant de réduire à terme les risques sanitaires et environnementaux posés par l'utilisation de la créosote. (1) La charte d'engagement volontaire portant sur la gestion et l'élimination des poteaux et des traverses en bois traités à la créosote sur le territoire national associe l'association Robin des Bois, la régie autonome des transports parisiens (RATP), SNCF Réseau, Union des exploitants de chemins de fer touristiques et de musées, Orange, ENEDIS, RTE, la fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l'association des maires de France (AMF), l'association de collectivités, gestion des déchets, réseaux de chaleurs, gestion locale de l'énergie (Amorce), le cercle national du recyclage (CNR) et le ministère de la transition écologique et solidaire.