15ème législature

Question N° 12026
de Mme Audrey Dufeu (La République en Marche - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > établissements de santé

Titre > Interprétation hétérogène des ARS concernant la législation relative aux EHPAD

Question publiée au JO le : 11/09/2018 page : 7932
Réponse publiée au JO le : 18/06/2019 page : 5631
Date de renouvellement: 18/12/2018
Date de renouvellement: 23/04/2019

Texte de la question

Mme Audrey Dufeu Schubert interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les établissements médicaux-sociaux et sur le fait que les services de l'agence régionale de santé de certaines régions semblent avoir une interprétation hétérogène de la législation relative à ceux-ci, et plus particulièrement aux EHPAD, concernant notamment les dispositions relatives à l'autorisation d'un établissement telles que mentionnées aux articles L. 313-1 et suivant du code de l'action sociale et des familles (CASF), qui stipulent deux conditions. La première condition concerne l'obtention d'une autorisation d'ouverture d'une durée de 15 ans correspondant à la conformité technique de l'établissement permettant l'accueil des personnes âgées dépendantes. Cette autorisation administrative est délivrée et notifiée pour un nombre de lits précis aux propriétaires des murs qui gèrent l'établissement, charge aux propriétaires d'exploiter leur propre établissement ou de mandater un exploitant agréé par l'ARS. La seconde condition concerne l'obtention d'une autorisation d'exploitation donnée, pour une durée de 5 ans, à un opérateur agréé au titre des soins médicaux et de la prestation hospitalière par le biais d'une convention tripartite (aujourd'hui CPOM) entre l'agence régionale de santé, le département et l'exploitant. Il s'avère qu'un certain nombre de cas démontrent que l'autorisation d'ouverture liée à un établissement médico-social ne serait pas parfaitement contrôlée par des ARS et, de surcroît, celles-ci semblent confondre l'autorisation d'ouverture d'un établissement avec l'autorisation d'exploitation dudit établissement. Cela peut être très problématique car après plusieurs années d'exploitation, et avec un objectif de rentabilité financière comme seul objectif, certains exploitants présentent un nouveau projet et demandent à l'ARS de transférer les lits vers un établissement neuf et plus grand (110 à 120 lits). Cette demande est faite de manière unilatérale sans aucune concertation avec les propriétaires des EHPAD agréés par les pouvoirs publics. Compte tenu notamment de la contrainte du numerus clausus de lits par département, les propriétaires d'EHPAD ne peuvent alors que s'interroger sur l'avenir de leurs établissements et de leurs investissements. Ainsi, à titre d'exemple un groupe privé à but lucratif s'est vu attribuer des autorisations d'exploitation dans quatorze établissements différents, établissements dont les baux ont été dénoncés ultérieurement par l'exploitant même, laissant les propriétaires dans l'expectative. Les particuliers qui ont investi leurs économies dans des EHPAD, encadrés par l'État, l’ont surtout fait dans une logique d'épargne de précaution pour leur retraite et ont participé, et participent encore aujourd’hui, à la construction de ce type d'établissements de soins aux personnes âgées dépendantes dont la France a tant besoin. Plus largement, de plus en plus de litiges apparaissent entre des petits copropriétaires individuels d'EHPAD et les grands groupes, souvent cotés en bourse, les exploitants. En conséquence, elle lui demande des éclaircissements sur cette problématique et si, notamment, une enquête voire un rapport d'évaluation sur le phénomène de transferts de lits précités ont été diligentés. Elle lui demande également quelles sont les initiatives qui pourraient être prochainement prises afin de mieux préserver les droits des particuliers face au montage financier de certains gestionnaires d'EHPAD privés et ce afin d'éviter une désaffection significative des citoyens à l'endroit du financement des établissements médicaux-sociaux, désaffection dont les conséquences seraient éminemment préjudiciables alors même que l'on fait face à un accroissement exponentiel des besoins structurels et humains en matière d'hébergement des personnes âgées dépendantes.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation de copropriétaires ayant investi sous forme de lots (en l'occurrence des chambres) dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en qualité de loueur en meublé non professionnel (LMPNP). Les gestionnaires de ces EHPAD sont amenés après plusieurs années d'activité à transférer leur capacité vers un établissement plus neuf et plus grand, sans concertation avec les copropriétaires des locaux d'EHPAD qu'ils louaient. S'agissant des conditions de l'autorisation des EHPAD relevant d'une décision conjointe des agences régionales de santé (ARS) et des conseils départementaux, il est à relever que les textes en vigueur du code de l'action sociale et des familles (articles L. 313-1 et suivants du CASF) ne distinguent nullement un « agrément » au titre du bâtiment et une « autorisation d'exploitation » de l'EHPAD. L'autorisation est toujours accordée à une personne physique ou morale déterminée en vue de gérer l'établissement. Par ailleurs, le CASF n'impose pas de manière générale une configuration particulière quant à la propriété du bâti utilisé, qui est simplement prise en compte en matière tarifaire (cf. l'article R. 314-86 s'agissant du financement des loyers versés à une personne physique ou morale quand elle est distincte du gestionnaire). Ainsi, la personne morale ou physique gestionnaire est seule considérée détentrice de l'autorisation accordée par les autorités compétentes. Celles-ci valident le projet de déménagement ou de regroupement d'EHPAD uniquement au regard aux besoins sociaux et médico-sociaux identifiés et priorisés dans le schéma régional de santé (article L. 1434-2 du code de la santé publique) et le schéma d'organisation sociale et médico-sociale (article L. 312-4 du CASF) ainsi que de l'offre de leur territoire (article L. 313-4 du CASF), sans avoir à examiner les liens entre l'exploitant et les copropriétaires qui ont investi dans les chambres d'EHPAD. Ainsi, la question est celle de la manière dont les droits des investisseurs sont protégés dans les contrats pour couvrir les situations de changements d'implantation. A cet égard, les avantages fiscaux attachés à l'investissement locatif ont permis la réalisation de nombreux logements, tels que les EHPAD. Néanmoins, à l'instar d'autres investissements, le placement dans l'immobilier locatif comporte des risques, il est soumis aux aléas de ce marché ainsi qu'aux éventuelles difficultés rencontrées par les gestionnaires. Pour cette raison, et du fait de l'importance des sommes en jeu notamment pour des particuliers, la spécificité de l'investissement locatif suppose un minimum de vérification de la part de l'investisseur qui doit porter une attention particulière au bien qu'il acquiert, à son environnement ainsi qu'à la qualité et au volume de l'offre locative concurrente. Il convient de préciser que la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi SAPIN II) a introduit un article L122-23 dans le code de la consommation qui renforce l'information sur les risques liés aux investissements locatifs. Le non-respect des obligations renforcées de transparence, qui s'appliquent à la commercialisation des biens immobiliers dans les EHPAD est sanctionné par une amende administrative pouvant atteindre 100 000 €. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectue régulièrement des contrôles sur les opérateurs économiques spécialisés dans l'investissement locatif et prononce les suites adaptées au regard de la gravité des manquements constatés. Ainsi, à titre d'exemple, en cas de pratique commerciale trompeuse, le professionnel concerné encourt une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende pour une personne physique. Cette sanction est par ailleurs portée à 1 500 000 € pour une personne morale.