15ème législature

Question N° 12302
de M. Frédéric Reiss (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > travail

Titre > Prise en charge chômage travailleurs frontaliers

Question publiée au JO le : 18/09/2018 page : 8222
Réponse publiée au JO le : 16/10/2018 page : 9437

Texte de la question

M. Frédéric Reiss interroge Mme la ministre du travail sur les modifications envisagées par la Commission européenne en matière de prise en charge du chômage des travailleurs frontaliers. La Commission européenne a fait valider au printemps 2018 par le conseil européen un projet de refonte de l'indemnisation chômage : l'objectif de la réforme est de faire supporter le coût d'indemnisation des anciens salariés frontaliers par le pays où ils auront travaillé au moins douze mois en lieu et place de leur pays de résidence. Si la mesure apparaît cohérente en termes de lien entre création de richesse et prise en charge des anciens salariés qui y ont contribué, les conséquences apparaissent très néfastes sur le quotidien des personnes concernées. Ainsi, un chômeur français et ancien frontalier en Allemagne serait amené à multiplier les déplacements pour son suivi auprès de la Arbeitsagentur allemande et d'effectuer toutes ses démarches en allemand. De plus, les marchés de l'emploi étant loin d'être fusionnés, les offres qui lui seront proposées seront des offres en Allemagne et non celles qui pourraient l'intéresser dans le bassin d'emploi de son domicile, ce qui ne facilitera donc pas son retour à l'emploi. Par ailleurs, les conditions d'indemnisation en termes de durée, de montant, de contrôles, sont très divergentes d'un pays à l'autre : la question se posera donc des éventuels différentiels à verser par l'organisme du pays de résidence à l'image de ce qui se pratique en matières d'allocations familiales : ceci impliquerait à nouveau une multiplication des démarches et sources de contentieux. Face à l'inquiétude légitime des salariés concernés, il souhaite connaître sa position sur cette problématique actuellement en discussion au sein des instances européennes.

Texte de la réponse

L'Etat de résidence est aujourd'hui compétent pour le financement des allocations chômage des travailleurs frontaliers. Cette règle de compétence pose des difficultés importantes en termes d'équité entre Etats membres et de principe. Sur le plan de l'équité, cette règle est à l'origine d'un important déséquilibre financier entre les Etats membres. Sur le principe, la législation actuelle constitue une dérogation au principe fondamental de la coordination des régimes de sécurité sociale, selon lequel la législation applicable est celle de l'Etat membre où l'activité professionnelle est exercée. Cette dérogation n'apparait pas justifiée dès lors que les faits montrent que c'est dans l'État de dernier emploi que se trouvent le centre d'intérêt et le plus fort lien avec le marché du travail pour la majorité des frontaliers. Le nouveau système proposé par la Commission européenne dans le cadre de la révision des règlements UE n° 883/2004 et 987/2009 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale vise à répondre à ces difficultés, en prévoyant que l'Etat d'activité soit désormais compétent pour prendre en charge les prestations chômage d'un demandeur d'emploi frontalier dès lors que ce dernier y aurait travaillé pendant au moins 12 mois. La France a soutenu lors du sommet social européen du 21 juin (Epsco) le principe de cette proposition,  qui restaurerait le lien entre les contributions versées à l'Etat d'activité et les prestations perçues par le demandeur d'emploi d'une part, et permettrait une répartition plus équitable de la charge financière entre les États membres d'autre part.  Concernant les conséquences de cette proposition pour les demandeurs d'emploi concernés, il convient de rappeler en premier lieu qu'elle est susceptible d'augmenter les chances du travailleur frontalier de trouver un nouvel emploi car, après plusieurs mois d'activité professionnelle dans un Etat frontalier, il est présumé avoir des liens plus étroits avec le marché du travail de cet Etat. En ce qui concerne les déplacements et les communications qu'imposerait la recherche d'emploi dans ces conditions, la contrainte pesant sur le frontalier apparaît limitée dans la majeure partie des cas. Par ailleurs, les demandeurs d'emploi concernés auront droit à des allocations de chômage qui reflètent davantage le niveau de salaires appliqué dans l'Etat du dernier emploi. En outre, si le travailleur frontalier estime, vu sa situation personnelle, qu'il a plus de chance de trouver un nouvel emploi dans son Etat de résidence, la proposition de la Commission offre au frontalier la possibilité de s'inscrire en supplément auprès des services de l'Etat de résidence, ou d'exporter ses prestations chômage vers son pays de résidence. Au-delà de ces propositions de la Commission, les autorités françaises sont favorables à un renforcement des dispositifs de coopération déjà existants entre services de l'emploi frontaliers, qui permettent de faire bénéficier d'une offre de services développée localement dans le cadre de partenariats entre Etats membres, afin de garantir les meilleures conditions de recherche d'emploi aux travailleurs frontaliers. Enfin, en l'état actuel des discussions européennes, il n'est pas envisagé d'adapter le système de versement de compléments différentiels aux chômeurs frontaliers tel qu'il existe dans le domaine des prestations familiales.